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Invitée surprise de l’Euro, la géopolitique bouscule l’UEFA

Invitée surprise de l’Euro, la géopolitique bouscule l’UEFA

Maillots contestés, genoux à terre, soutien aux droits LGBT (monuments allemands illuminés mercredi – lors du match Allemagne-Hongrie – aux couleurs arc-en-ciel en protestation contre une loi hongroise jugée discriminatoire pour les homosexuels, photo ci-dessus) : les sujets politiques ont rythmé le début de l’Euro de football, au grand désarroi d’une UEFA renvoyée à ses contradictions et contrainte de louvoyer entre onze pays hôtes. Kerstin Joensson/Thomas Lohnes/Tobias Schwarz et Sascha Schurmann/AFP

Maillots contestés, genoux à terre, soutien aux droits LGBT : les sujets politiques ont rythmé le début de l’Euro de football, au grand désarroi d’une UEFA renvoyée à ses contradictions et contrainte de louvoyer entre onze pays hôtes. L’instance « se savait attendue sur la gestion sanitaire du tournoi », mais n’avait « sans doute pas prévu un Euro aussi politiquement marqué », où elle sauterait sans cesse d’une polémique à l’autre, résume Carole Gomez, directrice de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

De l’Élysée à la diplomatie allemande, en passant par le syndicat mondial des joueurs, l’UEFA essuie une rafale de critiques depuis son refus, mardi, d’autoriser la ville de Munich à illuminer son stade d’arc-en-ciel pour le match Allemagne-Hongrie, en signe de protestation contre une loi hongroise jugée discriminatoire envers les homosexuels. « Chère UEFA, vous êtes une bande de menteurs (...). Vous préférez resserrer les rangs avec vos partenaires homophobes parmi les dirigeants, que ce soit à Budapest, Moscou ou Bakou? Respect ? Tolérance ? Oh non ! Du moins pas quand ça perturbe le business », attaque parmi bien d’autres la chaîne allemande ARD. Dès dimanche dernier, l’organisation basée en Suisse avait agacé l’Allemagne en s’interrogeant sur le brassard arc-en-ciel arboré par le capitaine de la Mannschaft, Manuel Neuer, même si elle avait finalement écarté toute « poursuite disciplinaire » en y voyant la promotion « d’une bonne cause, la diversité ».

Onze contextes politiques

Avant même l’ouverture du tournoi le 11 juin, Moscou avait mis l’instance dans l’embarras en contestant trois éléments du maillot ukrainien, poussant l’UEFA à faire retirer la mention « Gloire aux héros » avant, sous la pression de Kiev, de consentir à ce qu’elle soit recouverte par une pièce de tissu. Quelques jours plus tard, la Grèce protestait à son tour contre un acronyme sur le maillot de la Macédoine du Nord, cette fois sans succès, rappelant les enjeux géopolitiques nichés dans les replis de chaque tunique. Enfin, passés plus inaperçus, deux journalistes ont dû batailler pour être accrédités à Bakou et à Saint-Pétersbourg, le premier en raison d’un séjour dans la région séparatiste du Nagorny-Karabakh et le second après plusieurs enquêtes sur les liens entre sport et politique.

« Première compétition internationale majeure depuis le début de la pandémie », l’Euro « cristallise les tensions et suscite une attention particulière », avec une cascade de réactions à chaque épisode, souligne Carole Gomez. Et son format inédit, imaginé par Michel Platini pour unir le continent autour du 60e anniversaire du tournoi, n’arrange rien : onze villes de onze pays hôtes, c’est autant « de contextes politiques différents » et d’occasions de les confronter, ajoute la chercheuse. Car Munich, la sociale-démocrate dans une Allemagne qui a voté en 2017 le mariage pour tous, avait peu de chances de goûter la loi adoptée la semaine dernière par une Hongrie souverainiste et conservatrice, qui interdit la « promotion » de l’homosexualité auprès des mineurs et inquiète les défenseurs des droits humains.

À l’inverse, le gouvernement de Viktor Orban a manœuvré pour transformer l’Euro en vitrine politique, faisant de Budapest le seul stade plein du tournoi, au point que l’UEFA a un temps envisagé d’y délocaliser les demi-finales et la finale prévues à Londres. Pour ménager les attentes contradictoires des pays organisateurs, l’instance s’arrime plus que jamais à sa ligne « apolitique », qui a historiquement permis à toutes les instances sportives d’affirmer leur autonomie face aux nations, notamment pendant la guerre froide.

Boîte de Pandore

Mais les enjeux du débat public ont évolué : en plus des traditionnels conflits entre voisins (russo-ukrainien ou gréco-macédonien), l’Euro a vu éclater les tensions autour des modèles de société, alors que racisme et homophobie choquent très inégalement selon les cultures politique ou religieuse de chaque pays. Or l’UEFA, en drapant mercredi son logo d’arc-en-ciel après avoir refusé cette faveur au stade de Munich, court derrière un introuvable compromis entre ses 55 fédérations membres, alors que les « valeurs » égalitaires qu’elle proclame impliquent un minimum de cohérence.

Plus largement, l’organisation voit « s’ouvrir une boîte de Pandore pour le sport international », constate Carole Gomez. S’il est « profondément naïf de continuer à croire à son apolitisme, ouvrir la voie à un certain nombre de revendications pourrait aussi s’avérer difficile à gérer », conclut l’experte.

Coralie FEBVRE et

Christophe BEAUDUFE/AFP

Maillots contestés, genoux à terre, soutien aux droits LGBT : les sujets politiques ont rythmé le début de l’Euro de football, au grand désarroi d’une UEFA renvoyée à ses contradictions et contrainte de louvoyer entre onze pays hôtes. L’instance « se savait attendue sur la gestion sanitaire du tournoi », mais n’avait « sans doute pas prévu un Euro aussi...

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