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Culture

« Confessions » de divas

Maya GHANDOUR HERT, Joséphine HOBEIKA, Colette KHALAF, Gilles KHOURY et Zéna ZALZAL

« Confessions » de divas

Si elles pouvaient, aujourd’hui, se confier à L’Orient-Le Jour, qu’auraient murmuré Oum Kalthoum, Feyrouz, Sabah, Asmahan, Dalida, Souad Hosni, Warda et Leila Mourad ? Voici leurs confidences un peu ou beaucoup imaginées et fantasmées, en marge de la grande exposition que leur consacre l’Institut du monde arabe à Paris.

Si elles pouvaient, aujourd’hui, se confier à « L’Orient-Le Jour », qu’auraient murmuré Oum Kalthoum, Feyrouz, Sabah, Asmahan, Dalida, Souad Hosni, Warda et Leila Mourad ? Voici leurs confidences un peu ou beaucoup imaginées et fantasmées, en marge de la grande exposition que leur consacre l’Institut du monde arabe à Paris.


Oum Kalthoum sur la scène de l’Olympia, 14 novembre 1967, Paris. Farouk Ibrahim, photothèque de l’IMA. © IMA

Oum Kalthoum, la Dame

Lorsque dans les salles de concert je vois des milliers d’hommes à mes pieds dont le chef d’État d’Égypte, Gamal Abdel Nasser, et que je tourne le dos à un grand orchestre aussi composé d’hommes, je suis mue par une force incroyable devant cette société patriarcale. Je porte alors une de mes écharpes à mon nez et je hume. C’est un sentiment d’euphorie qui m’habite. Dire que lorsque j’étais petite, pressentant mon talent, mon père m’avait déguisée en garçon afin que je puisse interpréter le chant sacré avec les cheikhs. Aujourd’hui, c’est moi qui impose ma loi.

De femme ? Qu’importe ! Je suis l’Astre d’Orient, « la Dame » comme m’appelait le général de Gaulle. Je suis Oum Kalthoum, celle qui a réinventé l’amour en chantant, sans genre, ni masculin ni féminin.


Feyrouz dans le film « Le vendeur de bagues » (Bayaa al-khawatim) réalisé par Youssef Chahine Liban, 1965 Beyrouth, collection Abboudi bou Jawde. © Abboudi bou Jawde


Feyrouz et le président

C’était le 31 août 2020. Le Liban en entier, et peut-être même le monde, avait les yeux rivés sur nous. Je recevais ce soir-là le président français Emmanuel Macron, venu m’octroyer la légion d’honneur. Tout le monde connaît cette tranche de l’histoire. Sauf qu’une fois l’armada de photographes partie, le président m’avait avoué qu’il n’avait pas eu le temps de manger de la journée. Là, je lui avais dit, comme ça, de but en blanc : suis-moi à la cuisine. On s’était installés autour de la table en formica, avec ma fille Reema. Et en lui fredonnant Li Beirut, sa chanson préférée, je lui avais frit deux œufs à l’huile d’olive et au sumac, accompagnés d’une tomate de mon potager de Bickfaya, et d’un peu de pain markouk. Et figurez-vous que tous les quelques temps, de Paris, le président m’envoie par texto : « Je pense souvent à ce plat d’œufs frits. Pour ça, aussi, vous méritez une légion d’honneur ma chère Feyrouz. »


Portrait d’Asmahan, Égypte, vers 1930. Fondation arabe pour l’image (Beyrouth), collection Habib Lteif. © The Arab Image Foundation

Asmahan, « Sublime rossignol »…

Certains ont cru voir en Yasmina*, mon arrière-petite-fille, ma réincarnation. Certes, elle a mes yeux, le goût du chant, une réserve un peu mystérieuse... Sauf que moi, Amal al-Atrach, surnommée Asmahan (la « sublime »), c’est en rossignol que je me suis réincarnée. C’était écrit ! Dans ma voix et ses modulations infinies. Dans ma chanson fétiche Ya Touyour. Dans mon signe de naissance même : Gémeaux, signe d’air par excellence. Un oiseau. Quoi de plus normal pour une insaisissable princesse druze éprise de liberté comme moi ? Trop belle, trop libre, trop jalousée, j’ai toujours voulu suivre mon cœur… Me voici enfin, les ailes déployées, loin des eaux troubles qui ont englué ma destinée terrestre, survolant, de haut, ce monde étriqué. Et, de temps en temps, revenant me poser sur une branche pour chanter…

*Yasmina Joumblatt a revisité le répertoire d’Asmahan, son iconique arrière-grand-mère, dans un CD qu’elle a signé avec Gabriel Yared.


Photographie officielle de Dalida en Miss Égypte. Égypte en 1954. D. R. Productions Orlando, Paris. © DR

Dalida au marché noir

Bonsoirrrr, « nawwarto ». Vous venez du Liban... Ah, Le Liban. Vous savez, sur la petite table de ma maison à Montmartre, se trouve un objet que je chéris particulièrement. Il m’a été offert par une amie libanaise journaliste, quand je suis venue chanter à Beyrrrrouth. C’est une femme Bacchante, l’on pense qu’elle date de très longtemps, j’aime imaginer qu’elle a été détachée d’un chapiteau du site archéologique de Baalbeck et qu’on l’a retrouvée échouée sur une plage de Tyr. Ah Beyrrrouth, vous avez toujours les meilleurs sandwiches de falafels ?

C’est mon péché mignon. Vous savez, les billets de mes concerts au cinéma Piccadilly se vendaient au marché noir. Ce marché qui se joue du dollar aujourd’hui...On me trouve changée ? Mais il n’y a pas de secret. Avec la vie, comme avec le temps, on évolue, on bouge. Et si l’on ne change pas, on devient sa propre caricature...


Sabah avec le couturier William Khoury, séance d’essai d’une robe cape pour la pièce de théâtre « Sitt al-kul », 1974. Collection Madonna Khoury © Madonna Khoury

Sabah, un seul amour…

Le sourire était mon élégance. La joie de vivre, ma politesse. La légèreté, ma générosité. Ma blondeur, ma coquetterie, ma féminité étaient mes armes et ma cuirasse de guerrière de l’amour. Cet amour que j’ai tant chanté, que j’ai tant cherché, auprès de sept maris officiels, d’amants, d’amis, de confidents, j’ai toujours su, au fond, qu’il n’existait pas. Depuis mon enfance auprès d’un père abusif et d’un frère qui a tué notre mère pour avoir eu une liaison extraconjugale. Comment croire à l’amour dans ces conditions ? Comment imaginer un lien durable? Une conjugalité heureuse ? Un foyer harmonieux ? J’en ai pris mon parti. Moi qu’on qualifiait de « Barbarella orientale », je me suis comportée en homme : chassant, conquérant, abandonnant la proie pour… la lumière. Celle de la scène qui m’apportait, au final, le seul amour qui valait la peine à mes yeux. Celui du public… Qui a fait de moi « sa » diva.


Leila Mourad en couverture du magazine « al-Cinéma », Égypte, 1945, Beyrouth, collection Abboudi bou Jawde. © Abboudi bou Jawde

Leila Mourad, héritages multiples

Pourquoi ai-je dû arrêter de chanter au moment où Nasser a pris le pouvoir ? Pourtant, c’est bien moi qu’Oum Kalthoum avait choisie comme chanteuse officielle de la révolution égyptienne, en 1953. Peut-être que mon voyage en Israël m’a fait du tort, et j’ai dû subir de nombreux boycotts. Mais même après avoir cessé de me produire sur scène, je suis restée populaire en Égypte et dans tout le monde arabe. Pour mon premier mariage, je me suis convertie à l’islam, puis j’ai enchaîné trois divorces. Mon lieu d’ancrage, c’était mon appartement cairote, qui aujourd’hui est gardé par mon voisin Nizar. Près de mon lit, ma coiffeuse, délicatement sculptée, siège toujours avec une certaine majesté. Sa véritable beauté, c’est celle de ses tiroirs multiples, bien alignés, et uniformes en apparence, qui regorgent de curiosités disparates, comme la mosaïque de mes héritages, ashkénazes, séfarades, musulmans et égyptiens.


Portrait de studio de Warda al-Djazaïria, vers 1970, Alger, collection Reyad Kesri © Cherif ben Youcef/Collection Reyad Kesri

Warda, le chant des sirènes

Je me suis toujours sentie en décalage. Née à Paris, j’ai grandi entre les chansons de ma mère libanaise et le cabaret de mon père algérien, avant de déménager à Beyrouth, où j’ai pu développer mes talents musicaux. Mais les sirènes des origines m’ont poussée à suivre un homme en Algérie, et je n’ai plus eu le droit de chanter. Deux enfants plus tard, je n’ai pas pu résister aux sollicitations dont je faisais l’objet, et je suis repartie en Égypte pour me produire sur scène. Au Caire, j’ai connu le succès, j’ai décidé de m’autoriser à briller devant un public planétaire, avec toutes les aspérités de mon parcours chahuté. Je me demande ce que mes enfants ont retenu de la mère que j’ai été.

Ont-ils le sentiment que je les ai abandonnés pour suivre ma passion, ou bien ont-ils compris mon élan, ce qui les a poussés à choisir, à leur tour, de poursuivre leurs rêves et d’accepter qui ils sont ?


Souad Hosni dans le film « Le Caire 30 » (al-Qahira 30), réalisé par Ahmad Badrakhan, Égypte, 1966. Paris, photothèque de l’IMA © IMA

Souad Hosni, Zouzou cendrillon

On m’a appelée la Cendrillon de l’écran arabe, mais aussi Zouzou en allusion au film qui a lancé ma carrière Khalli balak min Zouzou (« Prends garde à Zouzou »). Pourtant, je ne fais pas peur. À moins que la gaieté et la modernité ne fassent peur à l’Égypte. J’ai joué différents rôles dans de nombreux films. J’ai aussi épousé plusieurs hommes (quatre). Comprenez-moi, j’ai toujours aimé le changement. Lorsque je suis tombée, en juin 2001, de l’immeuble Stuart Tour à Londres, on a crié au suicide et au meurtre. En fait, je me suis simplement envolée vers un monde meilleur, car je ne m’adaptais plus à l’Égypte de l’époque, morose et triste. Que s’est-il passé ? Trois fois disparue ! La cinéaste libanaise Rania Stephan, auteure de The three disapearances of Souad Hosni, vous le dira...

Si elles pouvaient, aujourd’hui, se confier à « L’Orient-Le Jour », qu’auraient murmuré Oum Kalthoum, Feyrouz, Sabah, Asmahan, Dalida, Souad Hosni, Warda et Leila Mourad ? Voici leurs confidences un peu ou beaucoup imaginées et fantasmées, en marge de la grande exposition que leur consacre l’Institut du monde arabe à Paris.Oum Kalthoum sur la scène de l’Olympia, 14...

commentaires (2)

J'aimerais bien voir "The 3 disappearances of Souad Hosni" ... je suis curieux de voir ce livre ou film de Rania Stephan. Quelle est la definition de diva au fond ? Si je pense a des chanteuses emblematiques du Liban et de l'Egypte, j'ajoute encore les noms de Samira Tawfiq et pour l'Egypte Layla Nazmi.

Stes David

13 h 33, le 13 juin 2021

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Commentaires (2)

  • J'aimerais bien voir "The 3 disappearances of Souad Hosni" ... je suis curieux de voir ce livre ou film de Rania Stephan. Quelle est la definition de diva au fond ? Si je pense a des chanteuses emblematiques du Liban et de l'Egypte, j'ajoute encore les noms de Samira Tawfiq et pour l'Egypte Layla Nazmi.

    Stes David

    13 h 33, le 13 juin 2021

  • Asmahan, la meilleure a mon avis !

    Jack Gardner

    13 h 47, le 12 juin 2021

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