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Lifestyle - Mode

Dania Shammah, le quilt et l’art du « presque »

Dania Shammah, le quilt et l’art du « presque »

Série quilts réalisés par Dania Shammah. Photos DR

Pour cette économiste et analyste quantitative, tout commence sur un de ces tournants qui secouent brutalement routine et certitudes. En décembre 2014, Dania Shammah se dit « loin de se douter qu’une nouvelle vie (l)’attend ». Cette vie est aussitôt indissociable du ronronnement de sa machine à coudre. « C’est sur le chemin de la guérison que la couture et moi nous sommes rencontrées », affirme, énigmatique, celle qui va faire du quilt son cheval de bataille.

Thérapie comme une autre, la couture va devenir pour Dania Shammah une passion et un moyen d’expression. Née à Beyrouth sans y avoir jamais vécu, elle s’y installe en juin 2019, quand ses enfants quittent le nid. La machine à coudre (elle en possède une dans chacun de ses points de chute, à Paris comme à Abou Dhabi) va trouver sa place dans un atelier à Gemmayzé, baptisé « d’s atelier », DS comme ses initiales où l’on entend « déesse », mais on aura compris que l’idole, ici, n’est autre que la machine magique qui dévore des kilomètres de fils de couleurs pour rebroder le monde.

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Dania Shammah est un personnage solaire qui s’efforce de transformer les crises en opportunités. Ses enfants ayant déployé leurs ailes, elle va en profiter pour étendre les siennes, ce qui signifie dans son langage « coudre plus grand ». C’est alors qu’elle décide d’acquérir une machine à « quilter ». « J’avais besoin d’un plan de couture bien plus vaste que celui avec lequel j’avais travaillé jusqu’alors. Pour donner voix à des mouvements plus libres, plus ouverts, plus amples et plus vivants encore, je décide de me jeter, dans le grand bain et sans bouée, avec l’achat d’une machine à la taille de mes rêves et de mes ambitions : faire connaître le «quilting» moderne dans mon pays de naissance. Une fois de plus, je cherche par le biais de cette activité à renaître à une nouvelle vie, mais cette fois-ci, consciente et mieux éveillée », nous confie-t-elle.

Sans aide et sans filet

Cette machine est énorme. Elle mesure 3,30 m de long. Elle sert à étendre et à tendre les deux couches de tissu entre lesquelles va se glisser le rembourrage, avant de les broder selon la fantaisie de celui qui la dirige. « Étant tête brûlée un peu, quand même, je décide de l’acheter sans l’ordinateur de support qui automatise l’activité. La petite voix dans ma tête, toujours en quête de dépassement et d’aventure, me dit gentiment : « Tu vas apprendre à manier l’animal coûte que coûte par la pratique, sans aide et aussi sans filet», et ceci littéralement, puisque je serai en effet la seule à posséder un tel engin au Liban et qu’il n’y a aucun technicien pour venir à mon secours en cas de pépin, s’amuse la « quilteuse » qui va procéder comme elle se l’est promis, par tâtonnement. « Nous allons apprendre, ma machine à quilter et moi, à nous connaître », décide celle qui, 18 mois et une double explosion plus tard, apprivoise la bête au quotidien et brode comme on chante, au rythme « des refrains d’Ella Fitzgerald et de Marvin Gaye, ou sur les multiples Variations Goldberg de Bach ».

Dania Shammah, solaire. Photo DR

« Une lettre d’amour écrite avec du fil »

Le quilt n’est pas un simple couvre-lit, une banale courtepointe. C’est une surface dessinée au fil et à l’aiguille qui peut tendre vers l’œuvre d’art. Pour la créatrice, « un quilt, c’est avant tout une expression de générosité, car cet assemblage, cette union de trois pans ‒ ou plus ‒ de tissus par le biais du matelassage requiert beaucoup de patience, de temps et d’attention. Un quilt, c’est une lettre d’amour écrite avec du fil sur un très grand bout de tissu ». Amour et fantaisie vont donc guider ce travail très physique, puisque rien que la fixation des tissus et du rembourrage nécessite une bonne heure d’installation. Alors seulement, l’imagination peut vagabonder au gré de la main qui guide le fil, et le quilt devient le produit d’une pure rêverie, qu’il s’agisse de tracer des chemins de traverse entre lin et soie, ou d’agencer ensemble des tissus disparates pour faire émerger d’un patchwork quelque ordre caché. Loin de chercher la perfection, c’est avant tout la spontanéité qui l’intéresse dans ce tracé quasi méditatif. « Dans tous les cas, mon travail vient chuchoter que la beauté réside dans l’humanité imparfaite de nos mouvements de vie. Ma contribution est de les mettre à nu, sur le tissu, avec des lignes presque tendues, avec des cercles presque ronds, avec des angles presque droits. «Presque» étant l’espace où se révèlent mon humilité, ma fragilité, mais aussi la force qui jaillit de l’audace de les révéler », sourit-elle.

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« Quel que soit le cas de figure, quilt uni ou patchwork quilté, je redeviens cette enfant complément enivrée dans un joli magasin de jouets dès lors que je dois choisir tissus, fils et motifs pour composer chaque nouvel ouvrage à ma portée. Quoi de mieux que de se servir de ses mains et de son cœur pour mettre du vent dans les voiles de nos petits bateaux sur cette grande mer agitée ? » nous confie encore Dania Shammah. Solaire, on vous l’a dit.

Instagram : @dania_shammah

Pour cette économiste et analyste quantitative, tout commence sur un de ces tournants qui secouent brutalement routine et certitudes. En décembre 2014, Dania Shammah se dit « loin de se douter qu’une nouvelle vie (l)’attend ». Cette vie est aussitôt indissociable du ronronnement de sa machine à coudre. « C’est sur le chemin de la guérison que la couture et moi nous...

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