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Culture - Documentaire

La vie après la « Mort à Venise »

Cinquante ans après le film de Luchino Visconti, Tadzio, alias Björn Andrésen, est à l’affiche de « The most beautiful boy in the world », sélectionné récemment au Festival de Sundance.

La vie après la « Mort à Venise »

Björn Andrésen, le jeune Suédois qui a incarné Tadzio dans « Mort à Venise » en 1971...

Un demi-siècle plus tard, ils l’ont retrouvé. À tous les cinéphiles des années 70, et au cinéma lui-même, les réalisateurs suédois Kristina Lindström et Kristian Petri offrent finalement leur projet de rêve. Björn Andrésen, le jeune Suédois qui a incarné Tadzio dans le légendaire Mort à Venise de Luchino Visconti (adapté du roman éponyme de Thomas Mann), est le sujet du documentaire intitulé The most beautiful boy in the world qu’ils viennent de présenter en première mondiale dans la compétition « Cinéma documentaire mondial » au Festival du film de Sundance, aux États-Unis. Une découverte saisissante de surprise et de douleur.

Aujourd’hui âgé de 66 ans, Björn Andrésen affiche une silhouette de vieillard, très mince et longiligne comme l’était le jeune Tadzio. Il porte toujours les cheveux longs mais ses traits se sont émaciés et il semble comme absent de lui-même. Aujourd’hui, il vit dans un petit appartement de Stockholm avec sa compagne. Sa vie n’a plus été un long fleuve tranquille depuis qu’il a incarné ce personnage pour Visconti. Devenu une icône gay, l’acteur a même vécu durant un an à Paris auprès d’un milliardaire homosexuel. Et pourtant, cet adolescent au regard troublant, voire trouble, semblait être destiné pour un parcours semé de paillettes.

... Et en 2018. Copyright Mantaray Film

La beauté s’allie à la mort

En 1970, Luchino Visconti parcourait l’Europe à la recherche du garçon qui incarnerait la beauté parfaite que Thomas Mann décrivait dans son ouvrage. On découvre dans le documentaire comment le cinéaste italien le choisit au cours d’un casting en lui demandant d’ôter sa chemise, ce qui avait surpris le garçon âgé de quinze ans. Aujourd’hui, on aurait sans doute traité le cinéaste démiurge de harcèlement sexuel ou plus encore. Ce rôle d’éphèbe attribué à un adolescent a bouleversé son avenir puisque Björn Andrésen est tombé dans la drogue, l’alcool et la dépression. Les auteurs de ce documentaire inattendu ont pris soin de travailler ce sujet avec délicatesse, de ne pas donner des réponses définitives mais de laisser les spectateurs poser davantage de questions sur ce rôle qui a coûté cher au jeune Suédois. « Ce film a détruit ma vie », déclare d’ailleurs Björn Andrésen, tout en admettant qu’il lui a aussi beaucoup apporté.

Le personnage d’Andrésen s’avère aussi ambigu que celui de Tadzio, ce jeune garçon qui souleva en 1971 (tout autant que cinquante ans plus tard) tant de questions sur la beauté, le corps et la mort. Car tout le roman de Thomas Mann, comme le film de Visconti, reposent sur l’alliage énigmatique et fascinant de l’amour, de la beauté avec la mort de celle-ci et la décomposition des corps. Gustav von Aschenbach, le compositeur allemand d’une cinquantaine d’années interprété par Dirk Bogarde, passait ses journées sur la plage à observer les gens ainsi que ce garçon au nom étrange « Tadzio », sorte d’ange de la mort, qui représentait à ses yeux la perfection, la beauté antique. Ni une affaire sexuelle ni un amour charnel, mais bien un bouleversement à la vue de cette beauté à la fois intemporelle mais si éphémère. Pourtant cette beauté incarnée dans un corps d’adolescent procure un moment d’éternité qui est aussi infini que la mort. Mais à ce sublime moment de contemplation, immobile et figé va s’ajouter l’odeur pestilentielle de la mort : une épidémie de choléra envahit la ville. Selon Bouddha, « l’impermanence est douleur. Tout ce qui existe se décompose, tout ce qui naît doit mourir ». The most beautiful boy in the world rappelle donc à notre mémoire que la beauté au goût d’éternité est éphémère et qu’elle est aussi fatale que la mort.

Un demi-siècle plus tard, ils l’ont retrouvé. À tous les cinéphiles des années 70, et au cinéma lui-même, les réalisateurs suédois Kristina Lindström et Kristian Petri offrent finalement leur projet de rêve. Björn Andrésen, le jeune Suédois qui a incarné Tadzio dans le légendaire Mort à Venise de Luchino Visconti (adapté du roman éponyme de Thomas Mann), est le sujet du...

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