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Politique - Décryptage

Comment le Hezbollah se défend d’être la cause de la crise actuelle...

Dans la crise à facettes multiples qui frappe actuellement le Liban, les approches diffèrent d’une partie à l’autre. Certes, les citoyens, eux, ne veulent pas entendre les explications des uns et des autres, n’attendant que des mesures concrètes qui leur permettraient de s’en sortir et de retrouver un mode de vie plus ou moins décent et digne. Par contre, du côté des différentes parties politiques, chacune essaie de rejeter la faute sur l’autre, afin de détourner d’elle la colère populaire.

Pour le chef de l’État et le Courant patriotique libre, par exemple, c’est le système qui a gouverné depuis les années 1990 qui est responsable non seulement d’avoir plongé le pays dans des dettes outrancières, mais aussi de ne pas avoir utilisé les fonds à bon escient. Au point qu’aujourd’hui, les institutions de l’État sont gangrenées par la corruption et donc inefficaces, alors que le pays est pratiquement soumis à un blocus indirect à cause de la loi César. Il doit en plus gérer la présence des déplacés syriens en grand nombre, alors que la communauté internationale refuse désormais de lui venir en aide.

Par contre, pour le camp adverse, c’est-à-dire Saad Hariri et son camp, ainsi que le chef druze Walid Joumblatt, les Forces libanaises et même moins franchement le président de la Chambre et son mouvement, c’est le chef de l’État et le CPL qui seraient en grande partie responsables de la crise actuelle, à cause de leur obstination et de leur insistance à soulever des questions qui avaient été tranchées par l’accord de Taëf, à savoir « les droits des chrétiens ». Leur politique serait ainsi responsable du fait que la communauté internationale, et en particulier les États du Golfe, se désintéressent désormais totalement du Liban.

Mais au-delà de ces considérations purement internes, chacun de ces deux camps considère en filigrane que c’est aussi le développement impressionnant des capacités du Hezbollah depuis 2006, en particulier dans le cadre de la guerre en Syrie, qui serait en grande partie responsable de la crise actuelle. Selon les milieux proches du parti, la puissance militaire du Hezbollah assure au Liban ce qu’ils appellent « l’équilibre de la dissuasion » face aux Israéliens, obligeant ces derniers à ne pas lancer des attaques contre le Liban par crainte des ripostes. Mais pour d’autres parties libanaises, c’est cette puissance justement qui contribue aujourd’hui à aggraver la crise, ayant placé le Liban dans un axe contre l’autre et provoqué la colère des Américains et des États du Golfe, privant ainsi le pays de toute aide économique et financière.

À mesure que la crise s’aggrave, l’idée se répand chez les Libanais que sans la puissance du Hezbollah tout pourrait aller mieux. Il y a donc ceux qui veulent le désarmer complètement et ceux qui souhaitent le ramener à « des dimensions libanaises », en le poussant à ne plus regarder au-delà des frontières du pays.

Selon les milieux proches du parti, le Hezbollah serait conscient de l’existence de ce sentiment chez une partie de la population. Que ce sentiment soit alimenté par des parties extérieures (notamment américaines et arabes) ou qu’il soit réellement la conséquence naturelle des difficultés actuelles, le parti chiite accorde beaucoup d’importance à ce sujet. Dans le centre d’études et de recherches stratégiques qu’il a créé et qui est actuellement dirigé par le Dr Abdel Halim Fadlallah, les études se multiplient pour analyser le système libanais et ses lacunes. L’idée principale c’est de montrer que le système libanais n’a pas été conçu pour édifier un État avec des institutions publiques, mais plutôt pour servir les intérêts des confessions et de leurs leaders, au détriment de l’État et des citoyens. D’ailleurs l’allégeance citoyenne n’a jamais été encouragée, alors que l’appartenance confessionnelle a toujours été privilégiée. Ce système confessionnel, instauré à l’époque du mandat français, a engendré ce système de partage des parts qui aujourd’hui mine l’État et empêche l’émergence de véritables institutions publiques. Selon le Dr Fadlallah, le système confessionnel ajouté à un système économique basé sur les rentes, les services et l’absence de production ont donné naissance à ce fameux modèle libanais qui ne peut vivre que grâce à l’aide venue de l’extérieur et qui permet aux confessions de se développer au détriment de l’État.

De même, pour le Pr Houssam Matar, proche du Hezbollah, le Liban n’est jamais devenu un État. Il est resté une entité et c’est pourquoi il demeure tributaire des développements et des rapports de forces régionaux et internationaux. Chaque partie continue à avoir peur de l’autre et les compromis et accords sont toujours conclus grâce à un parrainage extérieur qui fait pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Ainsi, à chaque changement dans les rapports de forces régionaux et internationaux, le pays connaît une nouvelle crise. C’est pourquoi l’histoire du Liban est jalonnée de crises régulières, plus ou moins fortes, qui n’ont rien à voir avec l’existence ou non du Hezbollah...

Pour les intellectuels proches du parti chiite, les différentes parties libanaises devraient donc aujourd’hui cesser de se mentir et de mentir à leurs partisans, en les enfermant dans les émotions et les sensibilités confessionnelles. Elles devraient évoquer avec franchise les sujets qui fâchent et qui portent sur l’essence même du Liban au lieu de se contenter de slogans qui restent en surface sans entrer dans le fond du problème.

C’est ainsi, selon eux, que la crise pourrait devenir une opportunité de construire enfin un État libanais sur des bases saines pour qu’il puisse servir et rassembler tous les citoyens, au lieu de les maintenir divisés selon leurs appartenances confessionnelles et de se renvoyer les responsabilités de la crise comme les balles dans un match de ping-pong.

Dans la crise à facettes multiples qui frappe actuellement le Liban, les approches diffèrent d’une partie à l’autre. Certes, les citoyens, eux, ne veulent pas entendre les explications des uns et des autres, n’attendant que des mesures concrètes qui leur permettraient de s’en sortir et de retrouver un mode de vie plus ou moins décent et digne. Par contre, du côté des différentes...

commentaires (12)

Que peut on faire si une bonne partie des Libanais elisent des traitres et des voleurs?! Philippe Bardawil

Bardawil dany

10 h 56, le 07 mars 2021

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Commentaires (12)

  • Que peut on faire si une bonne partie des Libanais elisent des traitres et des voleurs?! Philippe Bardawil

    Bardawil dany

    10 h 56, le 07 mars 2021

  • Il ne faut pas compliquer les choses. Pour préserver ses dollars réfugiés à l'étranger, l'Etablishment refuse d'aborder le problème de la BDL et des banques. Et pour cela il crée des problèmes. C'est de la rhétorique. Bientôt, on parlera du sexe des anges. Tous corrompus, n'est pas le bon slogan.

    NASSER Jamil

    19 h 01, le 06 mars 2021

  • """Comment le Hezbollah se défend d’être la cause de la crise actuelle...""" OU COMMENT NASRALLAH EST DEVENU OMNIPOTENT ET SES ALLIES MOINS POTENTS QUE JAMAIS !

    Gaby SIOUFI

    11 h 06, le 06 mars 2021

  • La démocratie à l'occidentale est morte et enterrée . La caste au pouvoir depuis le départ du Général ne représente que le quart des Français et encore . Les problèmes du LIBAN résultent d'un système de corruption à tous les niveaux , voulu par TOUS LES CITOYENS LIBANAIS de toute confession : qui paye ses impots ,son électricité,et tout le reste.... Le Libanais se croit au centre du monde. Remettez vous au travail en lieu et place des autres étrangers

    Bassam Hajjar

    08 h 16, le 06 mars 2021

  • Ce sont ces intellos de pacotille de l'Axe du nitrate d'ammonium qui "se contentent de slogans qui restent en surface sans entrer dans le fond du problème". L'abolition du confessionalisme politique (si on veut ouvrir ce sujet ouvrons alors aussi celui du fédéralisme) ne concerne que le pouvoir de surface. On sait tous que le vrai responsable de la crise qui jette les Libanais à la rue c'est le pouvoir profond en place au Liban au moins depuis 1990 instauré par le régime assadien qui a transmis le relais au Hezbollah et à l'Axe du nitrate d'ammonium dont lui-même fait partie. Le pouvoir profond évidemment n'a fait que profiter des failles du pouvoir de surface, et le dit "confessionalisme politique" est clairement une faille, mais alors si on veut le remplacer par autre chose le fédéralisme ne doit pas être un tabou. Dans tous les cas faire comme si ce pouvoir profond des armes illégales et son asservissement aux puissances étrangères de l'Axe du nitrate d'ammonium n'existait pas c'est prendre les Libanais pour des êtres superficiels et abrutis, c'est un crime intellectuel, mais rien d'étonnant de la part des zbires d'un parti si habitué aux assassinats physiques.

    Citoyen libanais

    19 h 22, le 05 mars 2021

  • Quand le Hezb de Dieu n’aura plus d’armes on pourra discuter avec eux, et avec ces intellectuels qui ne font que légitimer leurs maîtres…. Le confessionalisme et le communautarisme ne peut servir à la reconstruction de ce pays, ni au développement du Moyen-Orient globalement ! Courage aux résidents…

    TrucMuche

    15 h 47, le 05 mars 2021

  • Je pense qu'il est grand temps de passer à un pays laic et democratique! Le confessionnel est en train de tuer un pays qui est déjà à l'agonie! quand allons nous finir de cela? Malheureusement, je ne vois pas cela demain, à moins qu'il y ai un sursaut de nationalisme et une reprise en main par un nouveau Fouad Chehab!

    Andree R

    14 h 09, le 05 mars 2021

  • S'il fallait croire l'adage qui dit que "le ridicule ne tue pas", tous ses grands analystes qui gravitent dans l'orbite du Hezb. auraient du quand même faire profil bas, après s'être permis d'exprimer leurs évaluations sur le Liban et son système!!! Car critiquer l'inexistence d'un Etat citoyen dans un pays confessionnel, dont ils sont les principaux bénéficiaires, est une abhération en soi. D'autant plus qu'ils sont eux-mêmes, le fruit d'un système religieux et qu'ils n'ont même pas le droit d'exprimer er une réflexion laique, dans leurs déambulations et analyses internes ! Comment peuvent-ils par ailleurs, se targuer de l'innocence du Parti de Dieu,, alors que ce dernier est depuis quarante ans, le principal acteur et intervenant dans la gestion de la Chose Publique au Liban????

    Salim Dahdah

    12 h 23, le 05 mars 2021

  • Même les plus instruits des Libanais font preuve d’un étrange AVEUGLEMENT sur l’importance de leur pays et sur l’ÉGOÏSME des grandes puissances qui considèrent naturellement, leurs propres intérêts avant celui des pays qui sont SANS PUISSANCE MILITAIRE. Certains demandent la protection Étrangère (Est ou Ouest) et s’accordent des PRIVILÈGES UTOPIQUES sans obligations (caractéristique du Libanais ). Le Liban demeure une mosaïque religieuse aux COULEURS BIEN MARQUEES. Tout essai de large unification abouti – comme on le voit et merci à la France - « à quelque chose « fait de pièces, de morceaux et à une administration déplaisante pour un citoyen dont les instincts le ramènent toujours à une organisation LOCALE ET FAMILIALE. , Voire les références d’aujourd’hui : les COMMERÇANTS de DIEU , médecin /assassin chef d’ancienne milice en plus des nihilistes échantillons de la semi féodalité ..

    aliosha

    10 h 55, le 05 mars 2021

  • heureux que les intellos hezbollahi ont "decouvert" les lacunes de notre systeme.Ouf on devenait fous de ne les avoir pas encore decouvertes. comme si wali fakih au liban n'en profite pas a outrance, vu que c'est justement ce systeme qui lui permet d'agir comme il le fait. bref merci dame haddad d'avoir rapporte leur heureuse participation a notre renaissance. Mais pardonnez moi si je ne comprends rien a ce decryptage-rien de nouveau non plus - a part que ces intellos analystes irano perso pseudo libanais parlent de tout mais pas de l'essentiel qui est leur allegeance a un pays etranger a nous les citoyens du Liban.

    Gaby SIOUFI

    10 h 35, le 05 mars 2021

  • Pour une fois un article non outrageusement tendancieux. . L'analyse des intellectuels du Hezbollah est en grande partie vraie. Mais leur dénonciation du confessionnalisme qui implique son abolition déboucherait sur hégémonie chiite sur le pays qui est le vrai objectif du parti

    Tabet Ibrahim

    09 h 51, le 05 mars 2021

  • Sans vouloir faire de la peine au "intellos" du Hezbollah, ils ont, une fois de plus, tout faut dans leurs analyses puisqu'ils occultent un important facteur comportemental des dites communautés et en particulier mahométane. Depuis 1943, ceux qui se sont maintes fois appuyés sur les puissances étrangères régionales c'étaient les Sunnites et les druzes. Cela a commencer avec les idéologies a la Abdel Nasser, puis les idéologies baasistes et autres inepties arabes de la sorte. Leurs acharnements, alors que le pays était devenu "La Suisse du Moyen Orient", a conduit le pays a la guerre. Une guerre qui prévoyait l'expulsion des Chrétiens et son remplacement par les palestiniens sécurisant ainsi l'existence d’Israël et clôturant le problème du moyen orient. Ils ont foire dans leur projet. Aujourd'hui nous sommes confrontes a une une trahison, celle du Hezbollah mais avec l'Iran des mollah. Leur idéologie prône exactement la même chose mais cette fois avec une hégémonie Chiite. En bref nous faisons face a ce que les anglo-saxons expriment si bien: "Same s...t in a different package". Ils ont fait de leur politique une politique confessionnelle jusqu’à avoir réussi a renverser la majorité démographique. A présent ni les Chrétiens, ni le restant des communautés ne peuvent accepter de changer quoi que ce soit car en raison des armes du Hezbollah, il est impossible de créer un état tout comme les armes Palestino-progressistes l'avaient détruit a l’époque.

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 43, le 05 mars 2021

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