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Monde - Religion

La puissante Église polonaise en perte de vitesse

La puissante Église polonaise en perte de vitesse

La place du château dans la vieille ville à Varsovie, avec ses églises tout autour. Kacper Pempel/Reuters

La puissante Église catholique de Pologne s’est retrouvée en 2020 confrontée à une baisse de confiance et à un brusque vent de fronde, rare dans ce pays généralement considéré comme très fidèle à son enseignement.

Accusée depuis longtemps de rechercher des avantages matériels et politiques, et d’appuyer le pouvoir ultraconservateur en place, l’Église essuie aussi de nouveaux scandales de pédophilie, impliquant plusieurs hauts représentants de sa hiérarchie.

Le Vatican a même été appelé à élucider des doutes sur un proche du pape polonais Jean-Paul II, le cardinal Stanislaw Dziwisz, soupçonné d’avoir dissimulé des affaires de pédophilie dans l’Église catholique.

Depuis octobre, l’Église compte parmi les premiers visés par la révolte massive contre la tentative d’interdiction quasi totale de l’avortement, décidée par un tribunal conformément aux souhaits de la majorité de droite.

Selon un sondage publié à la mi-décembre, seulement 41 % des Polonais jugent positif le fonctionnement de l’Église, une baisse de 16 points de pourcentage depuis mars, dont la moitié ont été perdus depuis trois mois.

Cette étude confirme une tendance déjà rapportée fin novembre par un autre sondage, qui rappelait que ce taux s’élevait à 58 % quatre ans auparavant. Un Polonais sur deux (47 %) porte désormais un jugement négatif sur l’Église.

Un tel changement, « c’est beaucoup pour un laps de temps aussi bref. Et si, jusqu’alors, on parlait d’une “sécularisation rampante” en Pologne, la tendance s’est visiblement accélérée », a déclaré Katarzyna Zalewska, sociologue de l’Université jagellonne de Cracovie (Sud).

Apostasie

Le mécontentement est monté en force depuis la décision du Tribunal constitutionnel de proscrire l’IVG en cas de malformation grave ou irréversible du fœtus, qui a entraîné des manifestations massives dans tout le pays et poussé le pouvoir à suspendre l’application de cette décision.

Depuis, des initiatives en faveur de l’apostasie – c’est-à-dire de l’abandon formel de la communauté catholique – ont vu le jour. Et les médias ont rapporté des vagues de désinscriptions des cours de catéchisme assurés par l’Église dans le cadre de l’enseignement public, particulièrement dans de grandes villes.

Deux Polonais sur trois souhaitent transférer l’enseignement du catéchisme à la paroisse, selon un sondage publié la semaine dernière.

Un compteur d’apostasies en ligne licznikapostazji.pl a réuni en quinze jours un millier de déclarations de l’acte accompli, alors que le site apostazja.eu chiffre à plus de 30 000 le nombre de formulaires remplis en ligne.

« Cela a quasiment explosé depuis le 21 octobre, après la décision du tribunal » sur l’avortement, a affirmé le créateur du site, Krzysztof Gwizdala.

L’Institut des statistiques de l’Église polonaise a, lui, prévu de reprendre la collecte des données sur cette démarche jugée jusqu’à présent marginale. Les derniers chiffres, datant de 2010, faisaient état de 459 cas pour cette année.

Hiérarchie « déchirée »

« Chaque fois que l’Église se rattachait trop fort au pouvoir, ce fut au prix du respect » auprès des gens, fait remarquer Kamil Marcin Kaczmarek, sociologue à l’Université de Poznan.

L’évolution de cette perte de vitesse sera fonction des éventuels scandales successifs impliquant l’Église et « surtout de la réaction de la hiérarchie », estime-t-il. « Or, celle-ci semble déchirée entre son propre intérêt corporatif – pas forcément bien identifié – et le respect de son propre enseignement. »

Selon Mme Zalewska, l’Église semble « ne pas entendre les signes » qui lui parviennent et se comporte « comme si elle vivait dans un système à part », sans se sentir obligée de réagir, convaincue de sa position inébranlable.

La situation de l’Église n’est « pas aussi dramatique » que dans l’Occident des années 1970 mais, selon elle, il est possible que la baisse de confiance s’accélère encore, à l’instar de l’Irlande des années 1990 où elle s’était rapidement traduite par une sécularisation profonde. À moins que l’incertitude, la pandémie et la crise économique en perspective ne poussent les gens à revenir dans le giron de l’Église, souligne Mme Zalewska.

Stanislaw WASZAK/AFP

La puissante Église catholique de Pologne s’est retrouvée en 2020 confrontée à une baisse de confiance et à un brusque vent de fronde, rare dans ce pays généralement considéré comme très fidèle à son enseignement.Accusée depuis longtemps de rechercher des avantages matériels et politiques, et d’appuyer le pouvoir ultraconservateur en place, l’Église essuie aussi de nouveaux...

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