Saeb Erekat, secrétaire général du comité exécutif de l’OLP depuis 2015 et négociateur en chef de l'Autorité palestinienne (AP), est décédé aujourd’hui des suites du coronavirus, à l'âge de 65 ans. L’ancien diplomate palestinien avait été transféré au cours du mois d’octobre dans l’unité des soins intensifs du centre médical de l’université Hadassah, dans le village de Ein Karem, près de Jérusalem. Arrivé dans un « état grave » à l'hôpital, il avait été endormi et placé sous respirateur. M. Erekat, qui avait subi une transplantation pulmonaire il y a trois ans, avait également, selon le centre médical, développé « un système immunitaire affaibli et une infection bactérienne en plus du coronavirus ».
Né en avril 1955 à Abou Dis, Saeb Erekat est l’un des hommes-clés du processus de paix israélo-palestinien, dont il a connu de près tous les soubresauts. Durant presque trente ans, il a négocié par intervalles avec l’État hébreu, amorçant sa carrière diplomatique au sein de l'équipe palestinienne lors de la conférence de paix de Madrid en 1991. « Sur les images, nous voyions apparaître un grand homme à la carrure robuste, qui portait la keffiyeh par-dessus son costume-cravate. D’ordinaire, ceux qui portaient des keffiyehs ne portaient jamais de costume-cravate et Saeb ne l’a pas enlevé durant toutes les journées de réunions », confie Leila Shahid, ancienne ambassadrice de la Palestine auprès de l'Union européenne, de la Belgique et du Luxembourg.
Connu pour son sens de la formule et son humour grinçant, Saeb Erekat fut le leader palestinien le plus fréquemment cité par les médias occidentaux. Lorsque les accords d’Oslo, tenus secrets jusque-là, sont rendus publics en 1993, il démissionne de son poste de négociateur avant de rejoindre le cercle très restreint de Yasser Arafat dans le sillage de la création de l'Autorité palestinienne, basée à Ramallah. Il est le seul à faire partie des Palestiniens dits de « l'intérieur », les proches d’Abou Ammar étant, pour la plupart, rentrés avec lui en 1994, majoritairement de Tunisie.
Saeb Erekat devient alors ministre du gouvernement local et président de la délégation palestinienne en charge des négociations. En 1996, il est élu député au conseil législatif palestinien en tant que représentant de la ville de Jéricho et prend part, à l’orée du nouveau millénaire, aux pourparlers de paix de 2000 à Camp David et de 2001 à Taba. Erekat fut considéré comme un fidèle de Yasser Arafat à qui il a d’ailleurs souvent servi d'interprète. Un loyalisme dont il a pu, un moment, faire les frais, dans le cadre des luttes de pouvoir entre Mahmoud Abbas et Abou Ammar. Lorsque Abou Mazen est nommé chef du gouvernement en 2003, Saeb Erekat démissionne de son poste de ministre en charge des négociations dans le nouveau cabinet, exclu par la nouvelle administration d’une délégation prévoyant de rencontrer Ariel Sharon, Premier ministre israélien alors en fonction. La trêve diplomatique sera de courte durée. Il réintègre son poste en 2007 et participe à la conférence d’Annapolis, des pourparlers annoncés en grande pompe mais sans aucun résultat, énième aveu d'échec d’un processus de paix chimérique.
Ni « pro-israélien, ni pro-palestinien mais pro-paix »
Dans un ouvrage intitulé The much too promised land, publié en 2008, le négociateur américain Aaron David Miller décrit Saeb Erekat comme celui qui « aurait pu être le Bibi [NDLR Benjamin Netanyahu] palestinien. Il avait une green card, un diplôme de la San Francisco State University et une maîtrise impressionnante de la langue vernaculaire américaine et anglaise ». M. Erekat disait souvent n’être ni « pro-israélien, ni pro-palestinien mais pro-paix ». « Je crois qu’il le pensait. Mais cela ne reflétait pas sa réalité », indique M. Miller dans son ouvrage. « C'était un Palestinien musulman vivant sous l'occupation israélienne et dont chaque mouvement - même avec des permis VIP, un chauffeur et une voiture européenne haut de gamme - dépendait du bon-vouloir d'Israël ».
S’il était perçu par les Occidentaux comme une voix réaliste encline au compromis, Saeb Erekat ne bénéficiait - selon certains commentateurs - que d’une faible crédibilité dans la rue palestinienne dépourvu d’une base sociale solide ou encore d’une légitimité émanant de la lutte armée ou de la prison. « Je ne pense pas que ce soit ce que les gens lui reprochent. Que l’on me donne un nom d’ancien prisonnier qui fait aujourd’hui partie des dirigeants de l’AP. Marwan Barghouti est encore en prison. Mis à part Faisal Husseini, les Américains ne permettaient pas à ce que les principaux négociateurs aient un passé militaire. C'était plutôt l'élite palestinienne éduquée et surtout, éduquée à l'américaine », avance Mme Shahid.
Saeb Erekat aura - tout en restant un membre influent du comité central du Fatah - passé une grande partie de sa carrière à slalomer entre les manœuvres de ses adversaires sur la scène interne pour défaire ce qu’un rapport américain a décrit comme son « quasi-monopole sur le processus de négociation ». « Ce que beaucoup lui reprochent, c’est en fait d’avoir toujours été collé au pouvoir, d’abord avec Arafat, puis avec Mahmoud Abbas », nuance Leila Shahid.
Avec l’enlisement du processus de paix, la détérioration des conditions de vie des Palestiniens et le fait que jamais autant qu’aujourd’hui, la perspective de l’auto-détermination n’a semblé si éloignée, M. Erekat, a pu, comme l’ensemble du leadership palestinien, faire l’objet d’une méfiance voire d’un rejet de larges pans de la société, leur reprochant de s’être faits avoir par Oslo. « Je crois que pour lui, l'échec d’Oslo est aussi un échec personnel. Il s’y est beaucoup investi, avant et après », dit Mme Shahid. « Le problème, c’est qu’il s’est fait beaucoup d’illusions sur la politique américaine vis-à-vis de l’OLP et de la Palestine en général. Il a vraiment pensé, depuis Bush père, qu’il allait convaincre les Américains de la nécessité de créer un État palestinien souverain et viable. Il a sans doute trop regardé vers les Etats-Unis, pas assez vers l’Europe, ni même vers les Arabes », poursuit-elle.
Palestine papers
En 2011, le scandale des Palestine Leaks donne du grain à moudre aux tenants de cette ligne. Selon les informations dévoilées à l'époque, M. Erekat, en tant que chef de l'unité des négociations de l’OLP, aurait été prêt à conclure un accord de paix trop accommodant avec Israël. Les concessions comprenaient, entre autres, le fait d'autoriser l’État hébreu à annexer tous les quartiers juifs construits à Jérusalem-Est - à l’exception d’un seul - et situés au-dessus de la Ligne verte ; à confier le contrôle de l'ensemble du Mont du Temple à un comité international et à limiter le nombre de réfugiés palestiniens autorisés à rentrer à 100 000 sur une période de 10 ans. « Tout cela n'était pas un secret. C'était la position officielle de la partie palestinienne et non pas la position personnelle de Saeb Erekat. Nous avons accepté que les Israéliens prennent la tombe de Rachel à Bethléem et la tombe de Joseph à Naplouse. Et nous avons accepté de leur donner aussi une partie de la vieille ville d'Hébron. Mais tout cela n’a pas suffi », note Leila Shahid.
Quoi qu’on pense du personnage, le décès de Saeb Erekat laisse comme un goût amer. Le principal visage des négociations coté palestinien disparaît l’année ou Washington et Israël officialisent la fin du paradigme fondé sur deux États dans les frontières de 1967 comme solution juste et durable au conflit israélo-palestinien. Sa disparition intervient également quelques jours seulement après la victoire du candidat démocrate Joe Biden à l'élection présidentielle américaine. « Saeb Erekat était le responsable palestinien doté du réseau le plus développé aux États Unis depuis presque 30 ans », indique Leila Shahid. « Il part au moment où la défaite de Trump et la victoire de Biden auraient été une occasion pour lui et pour l’OLP de reprendre le dialogue avec la réouverture du bureau de l’OLP à Washington après l’investiture de Biden en janvier 2021 », poursuit-elle.
« Si quelqu'un éternue à Tel Aviv, j'attrape la grippe à Jéricho », se plaisait à dire M. Erekat. Ce sera finalement le Covid-19 qui aura eu raison de lui comme pour clore, une fois pour toute, le chapitre d’Oslo.
Je ne verserai pas une larme furtive sur ces terroristes et assassins qui ont pillé et saccagé Beyrouth de 1975 a 1982 Je pardonnerai pas , je n oublierai pas J ai quitté mon pays à cause de l OLP Puisse - t - il ne jamais voire une Palestine indépendante et prospère .
05 h 28, le 12 novembre 2020