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Dernières Infos - Élection à Chypre-Nord

Le "président" sortant et le candidat d'Ankara au coude à coude

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Mustafa Akinci, candidat à la présidence de la République turque de Chypre-Nord. AFP / BIROL BEBEK

Les habitants de l'autoproclamée République turque de Chypre-Nord (RTCN), reconnue uniquement par la Turquie, ont voté dimanche pour élire leur dirigeant lors d'un second tour à l'ombre des tensions en Méditerranée orientale et dont les résultats s'annoncent plus serrés que prévu selon les premiers résultats du Conseil électoral.

Mustafa Akinci, "président" sortant, en froid avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, est arrivé deuxième au premier tour avec près de 30% des voix, derrière le nationaliste Ersin Tatar (32%), "Premier ministre" sortant. Le soutien du candidat arrivé troisième le 11 octobre devait apporter une victoire facile à M. Akinci mais, à la surprise générale, les résultats du dépouillement de 413 bureaux sur 738 montraient que les deux adversaires étaient au coude à coude: M. Akinci avec environ 49,03% des voix et M. Tatar 50,97%. La participation était en hausse de trois points une heure avant la fermeture des bureaux.

Quelque 199.000 personnes étaient appelées à voter sur plus de 300.000 habitants. Les résultats devraient être publiés dans la soirée mais une demande de recompte des voix n'est pas à exclure. Des supporters de M. Tatar, dont le quartier général de campagne surplombe la place où sont diffusés les résultats, ont applaudi à la publication des premiers chiffres.

L'élection se déroule dans un contexte de vives tensions autour de l'exploitation d'hydrocarbures en Méditerranée orientale entre Ankara et Athènes, principale alliée de la République de Chypre --membre de l'Union européenne depuis 2004-- qui exerce son autorité sur les deux tiers sud de l'île.

Après des forages réalisés au large de Chypre-Nord, le renvoi cette semaine d'un navire turc d'exploration dans des eaux revendiquées par la Grèce a réveillé la discorde et a entraîné une condamnation par les dirigeants de l'UE des "provocations" de la Turquie. Social-démocrate de 72 ans, M. Akinci défend la réunification de Chypre sous la forme d'un Etat fédéral et n'a jamais caché son intention de desserrer les liens avec Ankara. M. Tatar, 60 ans, défend une solution à deux Etats.

"Dignité"

Après avoir voté, M. Akinci a dit espérer que les Chypriotes-turcs se souviendront de cette élection "comme d'une célébration de la volonté du peuple" tandis que son rival a souligné l'importance d'entretenir de bonnes relations avec la Turquie.

"La bonne solution est la solution fédéraliste", affirme Said Kenan devant un bureau de vote à Nicosie-Nord. Vantant la localisation "stratégique" de l'île, ce cardiologue de 76 ans considère que Chypre pourrait s'en sortir seule grâce aux hydrocarbures qui attirent d'autres pays dans ses eaux.

Considérant la RTCN comme une pièce majeure dans sa stratégie pour défendre ses intérêts en Méditerranée orientale, Ankara suit attentivement l'élection et a multiplié les coups de pouce à M. Tatar.

L'inauguration en grande pompe d'un aqueduc sous-marin entre Chypre-Nord et la Turquie et la réouverture partielle d'une ancienne station balnéaire renommée, abandonnée et bouclée par l'armée turque après la partition de l'île, ont suscité des accusations d'ingérence de la Turquie et ont irrité de nombreux Chypriotes-turcs, M. Akinci en tête. "Les Chypriotes-turcs ne sont pas contents d'être considérés comme dépendants d'un autre", estime Umut Bozkurt, politologue à l'université de la Méditerranée orientale, à Chypre-Nord. Selon elle, les interventions d'Ankara ont transformé le scrutin en un référendum sur leur "dignité" pour beaucoup de Chypriotes-turcs.

"Utiliser leur cerveau"

Mais afficher une position indépendante d'Ankara est difficile tant la RTCN est sous emprise économique turque depuis sa création en 1983. La crise économique, amplifiée par la pandémie de Covid-19, n'a rien arrangé. Chypre a obtenu son indépendance du Royaume-Uni en 1960 mais les troupes turques ont envahi le nord de l'île en 1974 en réaction à un coup d'Etat visant à rattacher l'île à la Grèce. Avec son élection en 2015, M. Akinci avait ravivé l'espoir d'un accord de paix mais les dernières négociations officielles ont échoué en 2017. "Nous ne pouvons rien faire sans la Turquie, l'histoire a montré que les Chypriotes-grecs n'accepteront jamais que nous soyons égaux dans la République", relève Dilek Ertug, agente immobilière de 60 ans.

Des Chypriotes-grecs se sont rassemblés samedi près de la zone tampon pour réclamer le retour des territoires du nord, affirmant que Chypre était "grecque". Condamnant les "interventions" de la Turquie, le frère de Mme Ertug, Asaf Senol, retraité de 64 ans, se dit pro-fédéralisme, illustrant les divisions au sein même des familles chypriotes-turcs.

Les habitants de l'autoproclamée République turque de Chypre-Nord (RTCN), reconnue uniquement par la Turquie, ont voté dimanche pour élire leur dirigeant lors d'un second tour à l'ombre des tensions en Méditerranée orientale et dont les résultats s'annoncent plus serrés que prévu selon les premiers résultats du Conseil électoral.Mustafa Akinci, "président" sortant, en froid avec le...