
Le président du Parlement libanais, Nabih Berry, la ministre sortante de la Défense, Zeina Acar, le commandant en chef de l'armée libanaise, le général Joseph Aoun, et le commandant de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), le général Stefano del Col après l'annonce de l'accord-cadre du Liban avec Israël sur les frontières, le 1er octobre 2020. REUTERS/Aziz Taher.
Le président du Parlement libanais, Nabih Berry, a annoncé jeudi qu'un accord-cadre avait été trouvé sur le mécanisme des négociations entre le Liban et Israël concernant la délimitation de leurs frontières terrestre et maritime communes, capitale pour Beyrouth et ses projets d'exploitation des ressources d'hydrocarbures offshore.
"L'accord que j'annonce aujourd'hui est un accord-cadre, pas un accord définitif, traçant la voie aux négociateurs libanais", a déclaré M. Berry lors d'un discours à Aïn el-Tiné en présence notamment de la ministre sortante de la Défense, Zeina Acar, le commandant en chef de l'armée libanaise, le général Joseph Aoun, et le commandant de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), le général Stefano del Col. M. Berry a affirmé que Beyrouth souhaitait que les discussions se déroulent "dans le cadre du respect de la résolution 1701" et sans séparation des tracés maritimes et terrestres. Le Liban sera représenté par "l'armée, ses officiers et ses spécialistes" et s'engagera dans les discussions "sous le parrainage du président Michel Aoun et du gouvernement en place", a précisé le président du Parlement, se félicitant que son "travail" sur ce dossier qu'il a pris en charge pendant 10 ans "se termine aujourd'hui".
Médiation US et parrainage de l'ONU
Selon les termes de cet accord conclu le 9 juillet dernier, "en ce qui concerne les discussions sur le tracé des frontières maritimes, les réunions auront lieu au siège de la Force intérimaire de l’ONU à Naqoura, au Liban-Sud, sous les auspices du bureau du coordinateur spécial de l'ONU pour le Liban (UNSCOL), qui s'est dit prête à rédiger les compte-rendus de ces réunions qui seront signés par les deux parties", a détaillé M. Berry, mettant en avant "l'expérience positive" des réunions tripartites qui se déroulent régulièrement à Naqoura entre les armées libanaise et israélienne. "Le Liban et Israël ont demandé aux Etats-Unis de jouer le rôle de médiateur et de facilitateur pour la délimitation des frontières maritimes. Washington a affirmé son intention de ne ménager aucun effort pour aider à construire une atmosphère positive et constructive entre les deux parties et la préserver dans la cadre de ces négociations pour qu'elles aboutissent le plus rapidement possible", a précisé M. Berry. "Lorsqu'un accord sera trouvé entre les deux parties, cet accord sera transmis aux Nations unies. Lorsque des accords seront trouvés sur les frontières maritimes et terrestres, elles seront mises en œuvre conformément au tracé de la Ligne bleue, en ce qui concerne les frontières terrestres, et dans le respect des Zones économiques exclusives (ZEE)".
"Si un accord sur le tracé est trouvé comme le souhaite le Liban, le pays aura une grande marge de manœuvre sur l'exploitation des ressources offshore dans les blocs 8 et 9 de la ZEE. Cela aidera le Liban sur le sujet de sa dette" abyssale, a estimé M. Berry. "Le Liban a été largement vulnérabilisé mais aujourd'hui, le Liban, son peuple, son armée et sa résistance ne peuvent pas être menacés. Nous voulons nos droits, ni plus, ni moins", a-t-il ajouté. Il a par ailleurs expliqué que ces négociations auraient pu débuter l'année dernière, mais elles ont été retardées en raison de l'absence d'accord sur le mécanisme de ces discussions.
"Je suis comme un fruit sauvage..."
Le litige frontalier entre le Liban et Israël concerne un triangle de quelque 850 km2 revendiqué par les deux pays comme appartenant à leurs propres ZEE. Cette zone se trouve au niveau du bloc 9 de la ZEE libanaise. Pour ce bloc et le bloc 4, le Liban a attribué des licences d’exploration et de production d’hydrocarbures offshore, au terme d’une procédure d’appel d’offres remportée par le consortium ENI-Total et Novatek.
Interrogé sur le rôle que jouera son principal conseiller Ali Hassan Khalil, visé par des sanctions américaines, dans ces pourparlers, M. Berry a déclaré que l'ancien ministre, "devenu encore plus proche de moi après les sanctions", n'était pas concerné par le dossier du tracé des frontières. "L'accord a été conclu avant l'annonce des sanctions US. Je suis comme un fruit sauvage dont la saveur ne s'adoucit pas sous la pression. Pareil pour le Liban", a ajouté le leader du mouvement Amal, en réponse à une question. A travers ce dicton populaire, M. Berry entend qu'il n'est pas du genre à céder aux menaces de sanctions US.
Le président du Parlement libanais, Nabih Berry, lors d'une conférence de presse annoncant l'accord-cadre du Liban avec Israël sur les frontières, le 1er octobre 2020. REUTERS/Aziz Taher
Israël confirme des "discussions directes"
Dans la foulée, Israël a confirmé la tenue prochaine des négociations. Ces "discussions directes" se tiendront après la fête juive de Souccot qui se termine le 10 octobre, dans une base de la Finul à Naqoura, au Liban-Sud, selon un communiqué du bureau du ministre de l'Energie israélien, Youval Steinitz. Les négociations entre les deux pays, toujours techniquement en état de guerre, "ont pour objectif d'aider au développement des ressources naturelles pour tous les peuples de la région", a-t-il précisé.
De son côté, le ministre israélien des Affaires étrangères, Gabi Ashkenazy, a remercié dans un communiqué son homologue américain "Mike Pompeo et son équipe pour leurs efforts dévoués qui ont mené à des négociations directes entre Israël et le Liban".
Washington a, pour sa part, salué l'accord "historique" conclu "sous l'égide des Etats-Unis". Cette entente "est le résultat de près de trois ans d'efforts diplomatiques intenses" de la part de Washington, a déclaré le secrétaire d'Etat Mike Pompeo dans un communiqué. "L'accord entre les deux parties sur un cadre commun pour des discussions maritimes permettra aux deux pays d'entamer des pourparlers, qui peuvent aboutir à plus de stabilité, de sécurité et de prospérité pour les Libanais comme pour les Israéliens", a-t-il ajouté. Il a évoqué "une étape cruciale qui sert les intérêts du Liban et d'Israël, de la région, et des Etats-Unis", appelant de ses vœux à un début "rapide" des discussions sur les frontières maritimes.
La présidence libanaise a elle aussi salué l'annonce de ces négociations. Dans un communiqué publié après celui de M. Pompeo, Baabda affirme que le chef de l'Etat va prendre en charge les négociations conformément à l'article 52 de la Constitution selon lequel "le président de la République négocie les traités", en commençant par former l'équipe libanaise de négociation, exprimant l'espoir que "la partie américaine poursuive sa médiation impartiale".
Quant à la Finul, elle a affirmé être disposée à "soutenir et à faciliter les efforts en vue d'une résolution de ce dossier". "Dans le cadre de la 1701, la Finul soutient tout accord entre les deux pays visant à renforcer la confiance pour amener les parties à s'engager à nouveau en faveur du caractère sacré de la Ligne bleue et du processus plus large de démarcation de la frontière", indique un communiqué publié après l'annonce de M. Berry.
Schenker bientôt à Beyrouth
Notre correspondant politique Mounir Rabih affirme que le Hezbollah, classé terroriste par Washington, accepte cet accord. Selon lui, en acceptant que l'ONU joue le rôle de parrain et non de médiateur, le Liban fait une concession, dans l'espoir de voir réduire la pression des Etats-Unis. Cependant, notre correspondant estime que rien ne changera prochainement car ces négociations peuvent s'étaler dans le temps et les choses seront différentes lorsque les détails seront abordés. Selon Mounir Rabih, ce sont les Etats-Unis qui vont prendre en charge les négociations sur la frontière maritime. La Finul sera, elle, partie prenante dans les discussions sur la frontière terrestre dans un deuxième temps.
Dans ce contexte, le secrétaire d’État adjoint américain aux Affaires du Proche-Orient, David Schenker, chargé de ce dossier au sein de l'administration Trump, a affirmé lors d'un point de presse téléphonique avec plusieurs médias qu'il se rendra au Liban le 14 octobre prochain. "C'est la crise économique que traverse le Liban qui a poussé à la conclusion de cet accord-cadre", a déclaré le diplomate US, assurant qu'un accord sur le tracé des frontières entre le Liban et Israël allait "bénéficier aux deux pays". "Les ressources d'hydrocarbures offshore bénéficieront à tous les Libanais. Il s'agit d'un patrimoine commun au peuple libanais", a-t-il déclaré. David Schenker a dans ce cadre déclaré que l'accord "n'exclut pas l'imposition de nouvelles sanctions" contre les corrompus et les alliés du Hezbollah au Liban, s'engageant dans ce cadre à poursuivre cette lutte. Par ailleurs, le responsable américain a souligné que cet accord-cadre ne signifiait pas pour autant une normalisation des relations avec Israël, alors que plusieurs Etats du Golfe ont conclu récemment des accords dans ce sens. "Les Etats de la région qui se sont engagés à normaliser leurs relations avec Israël ont décidé de mettre en avant leurs intérêts économiques", a expliqué M. Schenker.
M. Schenker avait mené, l'année dernière, une série d'aller-retours entre Beyrouth et Tel Aviv dans le cadre d'une médiation américaine entre Israël et le Liban sur la question de la démarcation des frontières terrestre et maritime. la résolution de ce dossier est importante pour les projets d'exploration d'hydrocarbures en Méditerranée du Liban, alors que les explorations ont commencé fin février 2020 dans le bloc 4 de la Zone économique exclusive du pays. David Schenker avait indiqué, le 7 septembre lors d'un point presse, que des "progrès graduels" étaient enregistrés concernant ce dossier.
"Nécessaire" pour le Liban
La résolution du litige frontalier est vitale pour le Liban, à la traîne dans l'exploration de ses ressources offshore et englué depuis un an dans sa pire crise économique depuis des décennies. "La délimitation de la frontière (maritime) est nécessaire car elle facilitera d'abord le travail dans le bloc 9 et peut susciter l'intérêt des entreprises internationales pour le bloc 8, dont plus de la moitié se trouve dans la zone contestée", explique Laury Haytayan, experte sur la gestion des hydrocarbures au Moyen-Orient.
Le Liban, en défaut de paiement depuis mars, est d'autant plus intéressé par de nouvelles explorations que les travaux menés dans le premier bloc (no.4) ne se sont pas avérés concluants, des traces de gaz ayant été trouvées mais pas en quantité suffisante pour une commercialisation. Les autorités libanaises nourrissent de grands espoirs vis-à-vis d'une potentielle découverte conséquente, y voyant une manière de relancer une économie au point mort et de répondre aux besoins énergétiques dans un pays souffrant depuis plus de trois décennies de pénuries chroniques de courant.
commentaires (16)
Hezbola ne rendra pas les armes même si Chebaa et kfarchouba étaient données au Liban. N'oublions pas que Hassan Nasrala dans l'un de ses discours nous a rassuré que, tant que l'espace aérien libanais était violé par l'aviation israëlienne, il gardera les armes. Il ne les rendra jamais à mon humble avis sauf si une nouvelle constitution le met à la tête de l'état libanais qui deviendra la république islamique libanaise, ce qui est le but effectif de ses armes...
DJACK
15 h 14, le 02 octobre 2020