
Le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin à l’Assemblée nationale à Paris le 21 juillet 2020. Alain Jocard/AFP
Plus de 15 jours après sa nomination, le nouveau ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin doit faire face à une polémique autour d’une accusation de viol qui, loin de s’étioler, le fragilise et embarrasse une partie de la majorité politique. Auparavant ministre des Comptes publics, la « promotion » de M. Darmanin à l’Intérieur, le 6 juillet dernier, a déclenché la colère de plusieurs militantes féministes et chacun de ses déplacements est désormais le théâtre de manifestations. « Ce qui est ennuyeux, c’est que cette histoire va feuilletonner », lâche un membre du gouvernement. M. Darmanin fait l’objet depuis 2017 d’une plainte d’une femme qui l’avait sollicité en 2009 pour tenter de faire annuler une condamnation. La plaignante affirme que Gérald Darmanin lui a fait miroiter son appui et qu’elle s’est sentie contrainte de « passer à la casserole ». Pour M. Darmanin, il s’agissait au contraire d’une relation librement consentie. Classée sans suite dans un premier temps, la procédure a été relancée par la cour d’appel de Paris qui a demandé début juin de nouvelles investigations, sans que cela fasse obstacle à sa nomination. Dans les couloirs du ministère, cette nomination a pourtant provoqué des haussements de sourcils : si Gérald Darmanin devait être entendu sur les faits qui lui sont reprochés, ce serait par des policiers dont il est le supérieur hiérarchique, laissant entrevoir un possible conflit d’intérêts. Qu’importe : l’affaire a déjà fait l’objet de deux classements sans suite et d’un non-lieu rendu par un juge d’instruction, ne cesse de répéter le Premier ministre Jean Castex ; c’est dire si l’affaire est promise à « évoluer dans le bon sens », s’est même aventuré à déclarer l’entourage d’Emmanuel Macron.
Une fragilité
Prise de court par une polémique à l’ampleur inattendue, depuis relayée par plusieurs responsables politiques de l’opposition de gauche, la majorité politique se veut unanime derrière le principe de la présomption d’innocence, « qui a valeur constitutionnelle », a rappelé hier sur la radio RTL le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal. Au ministère de l’Intérieur, d’aucuns constatent pourtant que la polémique « ne retombe pas » et craignent que l’affaire ne se transforme en « sparadrap qui reste collé » au ministre.
Aucun des responsables de la majorité ou des membres du gouvernement n’échappe depuis quinze jours aux interpellations sur le sujet et ceux-ci sont désormais partagés entre embarras et agacement. « Pas très sûr qu’on évalue bien les dégâts que cette affaire est en train de produire », a alors commenté le professeur de communication politique à Sciences Po Philippe Moreau-Chevrolet. Car, sans se prononcer sur le fond du dossier judiciaire, une source au ministère de l’Intérieur fait valoir que le comportement reproché à M. Darmanin traduit un rapport aux femmes qui est une « fragilité » préjudiciable pour le premier « flic » de France. « Sur le terrain judiciaire, je pense que cette affaire égale zéro. Après, c’est le terrain moral : est-ce que Darmanin a toujours été élégant avec les femmes ? » renchérit, faussement interrogatif, un ministre. Avant d’estimer que « si tous les mecs qui se sont mal comportés avec les filles ne peuvent plus accéder à des responsabilités, on va avoir un problème ».
Paul AUBRIAT/AFP
Darmanin n'est pas sympathique
00 h 30, le 22 juillet 2020