Le mufti de la République libanaise, Abdellatif Deriane, en compagnie du Premier ministre Hassane Diab, lors de la prière du Fitr, le 24 mai 2020. Photo Dalati & Nohra
A l'occasion de la fête du Fitr, qui marque la fin du ramadan, le mufti de la République libanaise, Abdellatif Deriane, a fait porter dimanche au pouvoir politique, à la Banque centrale et au système bancaire la responsabilité de la crise économique et financière. De son côté, le mufti jaafarite, le cheikh Ahmad Kabalan, a appelé à un changement du système communautaire.
"Ce ramadan aura été particulièrement lourd cette année en raison du coronavirus, de l'effondrement économique et financier et de la situation de chacun", a affirmé le mufti Deriane dans un prêche à la mosquée Mohammad el-Amine au centre-ville de Beyrouth, à l'occasion de la fête du Fitr.
Le Liban vit depuis septembre 2019 sa pire crise économique depuis la fin de la guerre civile (1975-1990), amplifiée par les mesures de confinement liées au coronavirus. La livre libanaise a perdu plus de la moitié de sa valeur face au dollar dans les bureaux de change, propulsant les projections d'inflation à plus de 50% sur l'année 2020, alors que 45% de la population vit sous le seuil de la pauvreté, selon les estimations officielles.
"Nous devons nous attaquer à l'effondrement financier, économique et bancaire qui a commencé avant la pandémie du coronavirus et qui se poursuivra après", a ajouté le mufti. "L'effondrement de la livre libanaise doit être enrayé. Les responsabilités sont claires. La première revient au pouvoir politique, puis à la Banque du Liban, enfin au système bancaire", a-t-il estimé.
"Où sont passés tous ces milliards qui auraient dû être utilisés au service des citoyens dans la fourniture d'électricité et d'eau, ou pour résoudre la crise des déchets ? Pourquoi la dette publique a atteint les 90 milliards de dollars, dont 50 gaspillées dans une électricité sans cesse coupée ?", s'est-il interrogé.
Le Premier ministre Hassane Diab a notamment participé à la prière du Fitr. "Le gouvernement œuvre à lutter contre la corruption et à restituer les fonds dilapidés. C'est quelque chose que nous devons lui reconnaître et le remercier pour cela, et pour les efforts qu'il déploie au service du pays et du peuple. Nous souhaitons au cabinet et à son président qu'il réussisse à relever le Liban et à le faire sortir de ses crises", a déclaré le cheikh Deriane.
Le Premier ministre Hassane Diab priant en la mosquée Mohammad el-Amine, le 24 mai 2020 à l'occasion du Fitr
Sur ce plan, il s'est posé en défenseur de la Constitution. "Il n'est permis à personne de démolir ou de troubler les institutions. Nous n'acceptons ni les violations de la Constitution, ni la marginalisation de la présidence du Conseil, ni toute atteinte à ses prérogatives", a-t-il déclaré, alors que certains parmi les détracteurs du pouvoir attribuent au tandem Baabda/CPL la volonté d'imposer un régime présidentiel au Liban.
"Tout retard n'est pas en faveur des gens et du pays. Les gens connaissent les pilleurs et les hors-la-loi un par un", a-t-il souligné. "La corruption ne se combat qu'à travers la justice. Nous craignons que si la justice devenait corrompue, l’État ne le devienne aussi", a souligné le mufti, s'interrogeant sur le retard pris dans les nominations judiciaires et la loi sur l'amnistie générale.
Après la prière du Fitr, le mufti s'est ensuite recueilli sur la tombe de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, assassiné le 14 février 2005, en compagnie du leader du Courant du Futur, Saad Hariri.
Photo Dalati et Nohra
Ce dernier a, lui, prié, en la mosquée de l'imam Ali, à Tarik Jdidé, particulièrement remplie dans un respect très relatif des mesures barrières.
Le leader du Futur, l'ex-PM Saad Hariri (en bas, à gauche) lors d'une prière en la mosquée de l'imam Ali, à Tarik Jdidé, le 24 mai 2020. Photo Dalati & Nohra
Le système confessionnel
De son côté, le cheikh akl druze, Naïm Hassan, a appelé les responsables à "cesser d'utiliser l'Etat et ses institutions pour des intérêts personnels et sectaires ou pour régler des comptes". Il a également appelé le gouvernement et le Parlement à coopérer pour mettre en oeuvre un chantier de réformes dans tous les secteurs et à "proposer une vision économique pour les secteurs productifs sur base d'une entente entre le patronat et les représentants des travailleurs". Le cheikh Hassan a également exhorté les autorités à enrayer l'inflation et à contrôler le taux de change de la livre libanaise.
Le mufti jaafarite Ahmad Kabalan a également pris la parole à cette occasion. Il s'en est pris au système confessionnel qui régit le pays depuis sa fondation. "Halte au rapiéçage du pays. Nous appelons à la fin de la formule confessionnelle. Nous n'accepterons aucune injustice ou corruption. Nous n'acceptons aucune formule corrompue au pouvoir ou les accords injustes (...) Mettons fin au monopole de l’État et de ses institutions, au mépris des gens, à la mise en lambeaux des communautés, à la haine et à ce système politique qui a mené le pays à la ruine", a-t-il lancé. "Nous voulons vivre ensemble dans un pays non confessionnel dans le cadre d'un projet politique qui protège. Nous voulons la justice politique et sociale. Le temps de la tutelle politique et des lois électorales sur mesure doit prendre fin", a-t-il ajouté. Par ailleurs, le mufti Kabalan a appelé le gouvernement à prendre officiellement langue avec Damas "au sujet des réfugiés" et concernant "une ouverture du Liban à l'ensemble des pays voisins, notamment aux marchés de la région". Il a enfin affirmé que le Fonds monétaire internationale (FMI), avec lequel le gouvernement négocie une aide financière sur la base d'un plan de redressement, n'était pas une "association de charité" apolitique.
A l'occasion de la fête du Fitr, qui marque la fin du ramadan, le mufti de la République libanaise, Abdellatif Deriane, a fait porter dimanche au pouvoir politique, à la Banque centrale et au système bancaire la responsabilité de la crise économique et financière. De son côté, le mufti jaafarite, le cheikh Ahmad Kabalan, a appelé à un changement du système communautaire."Ce ramadan...
commentaires (15)
DE L'INTÉGRITÉ ET DU COURAGE! C'EST CE DONT LE PAYS A BESOIN. Les paroles en l'air, les "il faut que..." y'en a marre. Tout le monde sait ce qu'il faut: il faut nommer par leur nom les hommes politiques, les hommes d'affaires, les banquiers... qui ont magouillé, volé et mis leur pécule en lieu sûr à l'étranger. Il faut les arrêter, les poursuivre, les juger et les condamner à restituer les fonds volés. Pour cela, il faut que les hauts placés arrêtent de protéger ces pilleurs et que la Justice ait le culot d'aller jusqu'au bout. TOUT LE RESTE N'EST QUE DE LA LITTÉRATURE. Si le Gouvernement actuel est capable de faire aboutir cette REVENDICATION PRIMORDIALE, il sera considéré comme un Héros, comme un Sauveur. Dans le cas contraire, il rejoindra les autres gouvernements dans les poubelles de l'Histoire.
Georges Airut
02 h 54, le 27 mai 2020