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Dernières Infos - Manifestations

Contestation : regain de tension à Tripoli, rassemblements nocturnes à travers le pays

"Révolte-toi Nabatiyé", scandent des manifestants devant la branche de la BDL dans la ville.

A Hasbaya (Sud), plusieurs habitants de la région ont tenu un sit-in dans le Souk al-Khan, le 29 avril 2020. Photo Ani.

La tension est remontée d'un cran mercredi soir à Tripoli, au Liban-Nord, théâtre de nouveaux affrontements entre manifestants et militaires, alors que le calme semblait être revenu dans la journée après une longue nuit de violentes manifestations contre la dégradation de la situation socioéconomique, l'inflation et la dévaluation galopante de la livre libanaise. Parallèlement, des rassemblements nocturnes ont eu lieu dans la soirée dans plusieurs régions du pays, et ce malgré les mesures de confinements imposées pour lutter contre la pandémie de coronavirus.

Dans la capitale du Liban-Nord, des affrontements violents ont eu lieu entre des manifestants et des militaires à Mina, rapporte l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). Les protestataires ont jeté des pierres et des pétards sur les soldats qui ont riposté en lançant des bombes lacrymogènes et en tirant des balles en caoutchouc pour les disperser. Sur la place al-Nour, des protestataires ont mis le feu à des pneus alors que l'armée est fortement déployée. Une patrouille des services de renseignement a en outre arrêté R.J., accusé d'actes de vandalisme dans la ville.

Plus tôt dans la soirée, des manifestants s'étaient rassemblés au niveau du rond-point de Mina et ont coupé la route à l'aide de pneus enflammés. Ils ont lancé des slogans réclamant que leurs demandes soient satisfaites, que les corrompus soient jugés, que les fonds pillés soient rendus et que des élections législatives anticipées aient lieu.

A Saïda (Sud), des protestataires ont jeté des pierres, des pétards et des cocktails Molotov en direction du siège de la Banque du Liban dans la ville. Dans la rue des banques, ils ont lancé des pierres sur les devantures des agences bancaires avant que l’armée n'intervienne.

A Hasbaya (Sud), plusieurs habitants de la région ont tenu un sit-in dans le Souk al-Khan brandissant des drapeaux libanais. Ils ont notamment réclamé que "les corrompus et les voleurs des fonds publics" soient jugés. A Tyr, des manifestants se sont rassemblés sur la place al-Alam et ont allumé des bougies en hommage au manifestant qui a succombé à ses blessures mardi matin, à Tripoli. A Nabatiyé, des manifestants se sont rassemblés devant la branche de la BDL et lancé des slogans contre le gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé, selon une vidéo rapportée par Akhbar al-Saha sur son compte Twitter. "Révolte-toi Nabatiyé", ont-ils aussi scandé.

A Taalabaya (Békaa), des protestataires ont coupé la route dans les deux directions. A Jeb Jannine, dans la Békaa-Ouest, des manifestants ont protesté devant le domicile du vice-président du Parlement libanais, Elie Ferzli, rapporte notre correspondante dans la région, Sarah Abdallah. A Choueifate, dans le caza d'Aley, des cocktails Molotov ont été lancés à l'entrée de la Byblos Bank. A Beyrouth, la route a été coupée à Kaskas dans les deux directions.


Calme précaire dans la matinée

Cette nouvelle mobilisation nocturne intervient alors que la veille une longue nuit de manifestations virant aux émeutes, notamment à Tripoli mais aussi à Saïda, avait fait, selon l'armée libanaise, 81 blessés dans ses rangs.

Mercredi dans la journée, un calme précaire prévalait dans les rues de Tripoli et Mina, selon l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle). La circulation était quasiment nulle dans les deux localités ce matin, tandis que les deux municipalités ont entamé le déblaiement des rues, afin de les débarrasser des traces des affrontements de la veille. En début d'après-midi toutefois, un rassemblement de plusieurs dizaines de personnes a été organisé dans une des rues de Mina, pour protester contre les arrestations de protestataires par les forces armées.

La ville de Saïda s'est elle aussi réveillée dans le calme, tandis que le travail pour effacer les traces des incidents de la veille a commencé. À l'intérieur et devant la façade de la branche locale de la Banque du Liban (BDL), cible de jets de pierres, de cocktails Molotov et de feux d'artifice hier, des travailleurs s'affairaient à nettoyer les traces du sinistre, tandis que dans les rues de la ville, la circulation automobile est revenue à son état normal et devant les banques, des files d'attente de citoyens venus toucher leur salaire mensuel se forment. Mardi soir, des protestataires avaient lancé près d'une dizaines de cocktails Molotov, sur la place en face du bâtiment de la BDL. Avant cela, des jets de pétards avaient provoqué des échauffourées avec les forces de l’ordre, faisant des blessés. Les protestataires ont également brisé la façade d'une agence bancaire à Saïda.

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Dans un communiqué, la troupe a annoncé dans la journée avoir appréhendé vingt personnes lors des échauffourées. Elle a par ailleurs déploré que 81 militaires ont été blessés lors des incidents opposant les militaires aux contestataires dans plusieurs régions du pays.

A Tripoli, 50 soldats ont été blessés, dont 6 officiers, lors des affrontements qui ont eu lieu sur la seule place el-Nour. L'armée y a arrêté 19 personnes, accusées selon elle d'avoir lancé des pierres et des pétards en direction des forces armées, de s'être livrées à des actes de vandalisme ou encore d'avoir incendié des établissements bancaires ou des distributeurs automatiques de billets. Une personne qui avait tiré en direction des protestataires, faisant un blessé parmi eux, a en outre été arrêtée, rapporte l'armée. Sur la place Bahsas, toujours à Tripoli, deux soldats ont été blessés par des jets de pierre et un véhicule militaire a été endommagé.

A Beyrouth, dans le quartier de Hamra, l'armée affirme avoir été la cible de jets de pierre, de bouteilles en verre et de morceaux de métal, alors que des soldats tentaient de rouvrir la route bloquée par les manifestants. Quatre militaires ont été blessés, selon elle. Quatre autres soldats ont aussi été blessés, dont un officier, alors qu'ils cherchaient à rouvrir une route à Saïda, dans le sud du pays, et trois véhicules militaires ont subi des dommages lors de cette intervention. Sur l'autoroute côtière, au niveau de Naamé, au sud de Beyrouth, l'armée, déployée en plusieurs points, souligne avoir été visée par des jets de pierres, blessant 21 soldats.

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L'armée, qui rappelle l'importance de préserver le caractère pacifique des manifestations, n'apporte aucune précision quant à la gravité des blessures subies par ses membres. Pour sa part, la Croix-Rouge libanaise avait fait état, dans la nuit, de l'hospitalisation de six personnes, tandis que 30 autres avaient été traitées sur place par les secouristes.

Mobilisation à Zouk
En cours d'après-midi, quelques dizaines de manifestants se sont rassemblés au bord de l'autoroute côtière, au niveau de Zouk Mosbeh, au son de chants patriotiques et révolutionnaires. Plusieurs manifestants, certains portant des masques de protection, ont commencé à investir le parking de la pâtisserie Sea Sweet de Zouk, face à des agents des forces de l'ordre les empêchant de bloquer la circulation, selon notre journaliste sur place, Suzanne Baaklini.

La révolte populaire au Liban, déclenchée le 17 octobre 2019, connaît un second souffle, après avoir été mise en veille dans le cadre du la lutte contre le coronavirus, qui imposait de minimiser les sorties de son domicile. Dans un contexte de crise économique qui s'aggrave, et de chute du pouvoir d'achat de la population à cause notamment de la dépréciation galopante de la valeur de la livre libanaise, de nombreux Libanais redescendent dans les rues pour protester contre des conditions de vie insoutenables. Mais les manifestations pacifiques dégénèrent en violents affrontements depuis trois jours.

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