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Culture - Hommage

Arménienne à 100 % et libanaise à part entière...

Nina Jidéjian au musée de l’AUB, décembre 2006. Photo d’archives L’OLJ

Elle n’aura pas attendu le coronavirus pour avoir le confinement comme compagnon. Ses longues heures de labeur et de recherches dans les bibliothèques nécessitaient de l’isolement et de la solitude, pour écrire une œuvre qui fait date. À 95 ans, Nina Jidéjian, décédée de vieillesse dans son lit, s’en est allée discrètement, comme elle a vécu, loin de toute agitation, à une période où l’univers chamboulé s’affole et se cherche. Entre un piano, aujourd’hui fermé, et une immense table de salle à manger couverte d’ouvrages et de paperasse, cette grande dame, qui a voué sa vie aux livres, à l’archéologie et à l’histoire, accueillait chaleureusement ses invités, dans sa belle demeure entourée d’oliveraie située à Yarzé, du côté de Baabda.

Plus de seize ouvrages parus attestent de son travail entre faits historiques, objets de fouilles et documents exhumés d’archives rongées par la poussière. Faire revivre le passé à la fois glorieux et toujours présent des grandes villes du Liban, voilà ce qui a jalonné l’itinéraire d’une historienne chevronnée. Cette auteure, femme de lettres et de sciences confondante de discrétion et de modestie, a côtoyé durant plus d’un demi-siècle, dans son laborieux travail au quotidien, ces rives fabuleuses où glissent les trirèmes, où se reposent pour l’éternité des sarcophages en pierre sculptée et où dorment des figurines serties d’or…Née à Boston, au Massachussets, Nina Jidéjian, « arménienne à 100 % et libanaise à part entière » selon ses termes, incarne la simplicité, l’élégance et la transparence. Un mélange de culture jamais étalée et d’humour à fleur de peau, avec un goût immodéré pour la « recherche » et le fini impeccable du bel ouvrage.

Nina Jidéjian s’exprimait dans un français châtié métissé d’un amusant accent anglophone. Elle communiquait dans la simplicité. En tant qu’historienne, sa principale préoccupation était de faire connaître les prestigieux sites archéologiques du Liban à un grand public par le biais d’un langage clair et accessible. « C’était en 1969. L’AUB me désigne pour entreprendre une tournée aux États-Unis, de San Francisco à New York. New York justement où j’ai présenté “Byblos” et “Tyr” à U Thant, secrétaire général de l’ONU à l’époque, confiait-elle sur ses débuts de conférencière. Depuis, je n’ai pas arrêté d’écrire, enchaînant livre sur livre. Certains ont été traduits en français (par ma fille Denise et mes voisines Aïda Esseily et Roselyne Eddé). Mon dernier ouvrage, publié en 2007 par Yuki Press, A young person’s guide to ancient Lebanon (Guide pour la jeunesse au Liban ancien), a été traduit en arabe. » Écrire de l’histoire, rien que de l’histoire, voilà ce qui résume l’aventure littéraire de Nina Jidéjian. Elle n’a jamais été tentée par les chemins de traverse. « Je suis plutôt une scientifique. Je suis une historienne qui donne toutes ses sources. Je mets des faits. Jamais je n’interprète. Et quand je fais mes recherches, je me sens chez moi chez les anciens… Mais je dois avouer que je suis tentée par l’Arménie. J’aimerais écrire sur Tigran le Grand... Le seul livre non historique que j’ai signé est la biographie de mon mari après sa mort », disait-elle au sujet de ses ouvrages. « Dans ce siècle de technologie pointue, je résiste à l’appel de l’ordinateur et je travaille encore avec une machine à taper… Que l’on n’essaye pas de me convertir au monde des machines ! » s’amusait l’historienne. Ce qu’elle aimait dans la vie ? La solitude, l’absence de bruit, la musique classique, la lecture (très élitiste en nommant Plutarque, Thucydide), sa fille jouant du piano et regarder la BBC. Autant dire qu’elle aurait trouvé son compte en cette période de confinement.

La plume de l’historienne a pris le dessus sur le temps qui passe. « Que chaque Libanais apprenne son passé prestigieux, un passé que l’on doit respecter. La seule chose qui dure dans la vie, ce n’est pas l’argent mais le respect d’autrui… » Voilà ce qu’était l’un des plus grands souhaits de Nina Jidéjian, et qui apparaît comme un legs sacré et indéfectible, une véritable leçon de sagesse, de lucidité, de modestie, d’humilité, de refus du mensonge et de la vantardise. Paix sur l’âme de cette grande dame qui a courageusement écrit ces lignes. Des mots qui apparaissent prémonitoires dans notre réalité actuelle.

Elle n’aura pas attendu le coronavirus pour avoir le confinement comme compagnon. Ses longues heures de labeur et de recherches dans les bibliothèques nécessitaient de l’isolement et de la solitude, pour écrire une œuvre qui fait date. À 95 ans, Nina Jidéjian, décédée de vieillesse dans son lit, s’en est allée discrètement, comme elle a vécu, loin de toute agitation, à une...

commentaires (1)

Merci Nina pour une vie riche et généreuse! Si le Liban est un message c'est bien à cause de personnes-message telle que Nina!! Rest in peace...

Wlek Sanferlou

15 h 00, le 11 avril 2020

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Commentaires (1)

  • Merci Nina pour une vie riche et généreuse! Si le Liban est un message c'est bien à cause de personnes-message telle que Nina!! Rest in peace...

    Wlek Sanferlou

    15 h 00, le 11 avril 2020

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