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Moyen-Orient - Égypte

La pandémie enfonce les travailleurs pauvres dans la précarité

La crise risque d’engendrer une contestation sociale qui pourrait être réprimée brutalement par le régime, selon un expert.

Des Égyptiens font la queue pour recevoir une aide alimentaire d’une ONG, au Caire. Mohamed el-Shahed/AFP

Accablé, épuisé, Sayed Chaaban, un journalier de 42 ans, fait la queue pour récupérer un colis alimentaire au milieu de dizaines de travailleurs cairotes, tous sans emploi à cause de l’épidémie du nouveau coronavirus.

« Vous voyez que je n’ai qu’un bras valide. Jusqu’ici, je gagnais de l’argent en servant des boissons mais, maintenant, je n’ai même plus une piastre (un centime) qui rentre », explique-t-il devant un centre de distribution alimentaire affilié à l’association caritative Egyptian Food Bank (EFB), au Caire.

En Égypte, pays le plus peuplé de la Méditerranée et du monde arabe avec ses 100 millions d’habitants, près d’un tiers de la population vit avec moins de 1,5 euro par jour, selon l’agence nationale des statistiques (Capmas). D’après les chiffres officiels, le taux de chômage atteint près de 10 % et le nombre de travailleurs du secteur informel dépasse les cinq millions de personnes dépourvues de protection sociale, comme M. Chaaban. Ce dernier, père de deux enfants et habitant du quartier populaire de Salam city, à l’est du Caire, était serveur dans un café jusqu’à ce que la pandémie le prive de son gagne-pain à la fin du mois dernier.

Situation urgente

L’Égypte a pour l’heure enregistré officiellement 1 450 cas de nouveau coronavirus, dont 94 décès. Pour lutter contre la propagation du virus, un couvre-feu a été décrété le 25 mars et les cafés ainsi que la plupart des lieux de sociabilité ont été fermés pour plusieurs semaines.

Depuis la mi-mars, l’EFB distribue de l’aide alimentaire pour pallier les effets ravageurs de ces mesures préventives sur les foyers les plus pauvres. L’association prépare 10 000 colis de denrées de base par jour, selon son directeur, Mohsen Sarhan. Constitués de riz, de pâtes, de sucre, d’huile et de conserves de viandes, les colis sont distribués à des centaines de milliers de familles en difficulté.

Via un réseau de 5 000 associations partenaires réparties sur l’ensemble du territoire, l’organisation, basée au Caire, a prévu un premier lot de 500 000 colis dans les 27 gouvernorats d’Égypte. Bien que l’EFB ait reçu des millions de livres égyptiennes de dons au cours du mois écoulé, elle croule sous les demandes d’aide.

« Nous devons nourrir des centaines de milliers de personnes durant plusieurs semaines. C’est une campagne humanitaire (...) et le facteur temps est critique », prévient M. Sarhan.

« Nourrir nos enfants »

La crainte principale de Mohamed Saïd, 36 ans, menuisier et père de trois enfants, est de ne pas réussir à subvenir aux besoins de sa famille. « On ne sait pas comment nourrir nos enfants (...). Dieu nous en préserve, mais s’il arrive quoi que ce soit à l’un d’eux, je ne pourrai pas payer les frais médicaux », confie M. Saïd, l’air abattu devant le centre de distribution.

Lundi, le président Abdel Fattah al-Sissi a ordonné l’attribution d’une aide mensuelle de 500 livres égyptiennes (29 euros) durant une période de trois mois aux travailleurs dont l’activité est menacée.

Pour Adam Hanieh, chercheur en sciences politiques à la School of Oriental and African Studies (SOAS) à Londres, le nouveau coronavirus risque de fragiliser une part plus importante encore de la population active égyptienne.

La pandémie pourrait avoir « des conséquences inattendues » comme la « rupture des réseaux de solidarité », la « perturbation de l’approvisionnement alimentaire » ou une « énorme pression » sur le système sanitaire, estime l’expert. « Cela va certainement engendrer une contestation sociale et, si l’on se fie à l’histoire de l’Égypte, une aggravation de la répression et l’usage accru de mesures autoritaires », ajoute-t-il.

Désemparé de ne plus avoir de source de revenus et inquiet face à l’apparition de nouveaux cas de contamination, M. Saïd a le sentiment d’être dans une impasse.

« La situation me donne envie de tout plaquer, mais je ne peux pas abandonner ma famille, dit-il. Nous ne mendierons pas, mais la vie s’est véritablement arrêtée. »

Farid FARID/AFP

Accablé, épuisé, Sayed Chaaban, un journalier de 42 ans, fait la queue pour récupérer un colis alimentaire au milieu de dizaines de travailleurs cairotes, tous sans emploi à cause de l’épidémie du nouveau coronavirus.« Vous voyez que je n’ai qu’un bras valide. Jusqu’ici, je gagnais de l’argent en servant des boissons mais, maintenant, je n’ai même plus une piastre (un...
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