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Culture - Exposition

Nicolas Moufarrege, une belle rétrospective au Queens Museum

Une quarantaine de tapisseries et toiles brodées, ainsi que des dessins, photographies et documents divers retracent le parcours de cet artiste libanais de Bechmezzine, mort à New York en 1985.

« Ut Eyes and Columns Export », 1975, tapisserie brodée et peinte de Nicolas Moufarrege.

Catalyseur important de la scène artistique de East Village à New York au début des années 80, Nicolas Moufarrege, décédé à l’âge de 36 ans du sida, a créé un impressionnant ensemble de « peintures brodées » qui font l’objet d’une grande rétrospective au Queens Museum sous le thème, « Nicolas Moufarrege : Recognize My Sign ». Organisée en collaboration avec le Contemporary Arts Museum Houston (CAMH) et le conservateur Dean Daderko, avec l’aval du frère de l’artiste, Nabil, et sa sœur, Gulnar (Nouna) Moufarrege, cette exposition rassemble une quarantaine de tapisseries et toiles brodées, ainsi que des dessins, photographies et documents divers. Elle retrace le parcours de cet artiste libanais de Bechmezzine (Koura), depuis les petites tapisseries créées à Beyrouth, au début des années 1970, jusqu’aux « peintures brodées » à grande échelle – comme il les qualifiait –, réalisées à Paris et à New York avant sa mort prématurée en 1985.

La rétrospective, qui s’étend jusqu’au 16 février 2020, examine également les effets des images et idées rencontrées dans chaque ville sur le développement de son travail qui s’inspire d’expériences personnelles – avec des références à la guerre, à la migration, et à son identité arabe et « queer ». Elle offre des perspectives sur la peinture contemporaine, la figuration, l’artisanat et l’identité transnationale.

Bandes dessinées et pop art

Les œuvres de Nicolas Moufarrege incorporent des images provenant d’un large éventail de sources. Elles comprennent des fils, des pigments, des paillettes, des perles, de l’adhésif, des minéraux et des broches sur un canevas à l’aiguille. Ses réalisations mêlent des références à la sculpture classique et à la peinture baroque, avec des héros de bandes dessinées du Pop Art et de la calligraphie arabe. « Mon père m’a appris la calligraphie arabe », lit-on sur une des tapisseries.

Comme beaucoup d’artistes de sa génération, Nicolas Moufarrege combine des motifs du passé et du présent avec un talent particulier pour recycler les images de Van Gogh, Picasso, tablettes japonaises et bandes dessinées, les mélangeant avec des nus « michelangelesques », des motifs islamiques et des lettres arabes. Il était particulièrement habile à utiliser des thèmes pour lier les différents cultures et niveaux d’activité artistique. L’œuvre de Roy Lichtenstein était clairement une inspiration et un ingrédient essentiel dans ses meilleures dernières œuvres réalisées en 1985. En 1983, son personnage de bande dessinée préféré, Spiderman, apparaît en leitmotiv dans presque toutes les broderies.

« Art personnel chargé de promesses »

Nicolas Moufarrege était à la fois critique d’art, commissaire d’exposition et artiste. « Mon frère aîné était un jeune homme doué et très intelligent. Je le considère comme un mentor et un génie. Il m’a guidée et m’a beaucoup appris », indique sa sœur Gulnar, qui vit en Louisiane, dans une interview accordée à L’Orient-Le Jour. « Il obtient d’abord un Bachelor of Science en chimie de l’Université américaine de Beyrouth puis décroche une bourse pour poursuivre son PhD à Harvard. Il y reste deux ans, mais change d’avis. Il laisse tout tomber pour se vouer à l’art », poursuit-elle. Il s’installe à Beyrouth en 1971 et travaille à la galerie Triad Condas. C’est là où il expose, en 1973, ses premières œuvres brodées qu’il qualifie de « tissage expérimental » en utilisant une combinaison colorée de fils de soie, de coton et de laine. La célèbre peintre et poète Etel Adnan relève alors que « c’est ainsi que l’artisanat traditionnel devient un art personnel chargé de promesses ». Nous retenons particulièrement la série de broderies d’une grande actualité, telle que Le Sang du Phénix (1975), une œuvre onirique qui évoque Beyrouth en temps de guerre avec les yeux figés sur les champs couleur rouge sang, le poing de la révolution et le cèdre du drapeau libanais. Ce Phénix en émergence suggère le renouveau, avec les colonnes classiques dont la base révèle le profil d’un visage humain.

En 1975, Nicolas Moufarrege quitte le Liban pour Paris au moment de la guerre. Il transforme désormais ce mélange complexe de ses racines ethniques et culturelles en une sensibilité distincte et commence à combiner la broderie à la peinture. Pour le critique d’art Pierre Restany, son œuvre est comme « une broderie fondamentalement hybride, ce n’est pas une tapisserie, ni une peinture, mais tout cela à la fois ». Car l’artiste mélange les traditions visuelles orientales et occidentales en incorporant dans son travail les paysages et portraits de l’art européen des XVIIe et XVIIIe siècles et dessins géométriques colorés avec une omniprésence de nus masculins en contemplation, souvent vus de dos.


Nouvel élan à New York

En arrivant à New York au début des années 1980, Nicolas Moufarrege découvre un nouveau monde de l’art qui l’accueille chaleureusement. Il commence à introduire des références au pop art et aux superhéros de bandes dessinées, en adoptant des images et des graffitis populaires. Il participait à ce qu’on pourrait appeler un style « East Village » dans lequel des artistes émergents, réagissant à l’esthétique austère et conceptuelle des années 1970, cherchaient à revigorer la peinture et la figuration. Au-delà de la création artistique, il collabore régulièrement à des revues d’art et organise des expositions. Ses écrits sont publiés dans des revues telles que Native, Arts Magazine et Flash Art de New York, et la galerie Monique Knowlton accueille deux expositions qu’il a organisées en lui donnant ainsi une place prépondérante sur la scène de East Village.

Cette rétrospective a été rendue possible grâce au soutien de Claude Joe Audi, la Fondation Lenore G. Tawney, Joumana Rizk, Judi Roaman, de la curatrice libanaise Carla Chammas et de Nayla Hadchiti. « Le conservateur du CAMH, Dean Daderko, s’occupe de la promouvoir à Paris et à Beyrouth. Il a eu des contacts à Paris dans cet objectif et s’est rendu au Liban où il a été impressionné par la riche créativité artistique et culturelle du pays. Le musée Sursock serait une option. Il faudra toutefois attendre que les choses se tassent pour organiser une telle exposition », assure Gulnar Moufarrege.

Catalyseur important de la scène artistique de East Village à New York au début des années 80, Nicolas Moufarrege, décédé à l’âge de 36 ans du sida, a créé un impressionnant ensemble de « peintures brodées » qui font l’objet d’une grande rétrospective au Queens Museum sous le thème, « Nicolas Moufarrege : Recognize My Sign ». Organisée en...

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