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Les vrais coupables de la crise économique

Depuis le début de la révolution, le 17 octobre dernier, une série d’analystes plus ou moins crédibles s’épanchent sur les réseaux sociaux. Chacun y va de son interprétation sur la situation économique et financière du pays, certains faisant porter le chapeau du marasme actuel aux manifestations récentes, d’autres au système bancaire, ou encore aux épargnants.

Quelques petites clarifications s’imposent donc. Les manifestations récentes ne sont pas la cause des troubles économiques actuels, mais plutôt le signal d’alarme sonné par les Libanais suite à 30 ans de corruption, de dépenses publiques inconsidérées et de gestion catastrophique des ressources publiques, auxquelles les politiciens n’ont trouvé pour seul remède que des augmentations d’impôts et taxes indirectes qui ont asphyxié l’économie.

Quant au système bancaire, il est accusé d’avoir bénéficié de cet environnement de taux élevés pour enregistrer des profits jugés indécents par certains observateurs. Ce constat est toutefois fondé sur une compréhension approximative du système bancaire, selon laquelle l’ensemble du taux d’intérêt perçu sur les instruments de dette publique (bons du Trésor émis pour financer l’État Libanais dans ce cas) constituerait un profit net pour les banques commerciales. Ces théories ignorent le fondement même du fonctionnement du système bancaire. Les banques ne placent pas leurs capitaux propres mais servent d’intermédiaire entre les agents à besoin de financement (l’État dans ce cas) et les agents à capacité de financement (les épargnants). Ces derniers doivent être rémunérés par les banques pour le risque associé à un placement au Liban et perçoivent une part conséquente du taux d’intérêt que l’État paye sur sa dette.

Ce qui nous conduit directement au 3e coupable désigné : le déposant, accusé d’avoir bénéficié de l’environnement de taux élevés. Ces taux sont souvent comparés aux taux d’intérêt bien plus faibles dans les principaux pays développés (souvent proche de 0 %). Le fait est que si l’écart de rendement est si différent, le niveau de risque l’est tout autant et justifie l’écart de rémunération entre les dépôts au Liban et des dépôts dans les pays développés (l’État libanais étant le 3e État le plus endetté). D’autre part, le Liban compte largement sur les flux entrants de capitaux pour financer ses déficits jumeaux (déficit budgétaire et déficit de la balance commerciale) et ne peut se permettre de s’en passer, sous prétexte d’une baisse de taux décidée de manière arbitraire. La baisse des taux d’intérêt au Liban doit venir d’un assainissement des finances publiques et d’une réduction des besoins de financement de l’État libanais. Nous reviendrons sur ce point.

Cette quête de bouc émissaire a malheureusement dévié l’attention du véritable coupable de la situation économique actuelle : l’État libanais, la corruption et le clientélisme, qui minent les finances publiques depuis des décennies. Et c’est d’ailleurs de là que doit émerger la solution à la crise actuelle. Le pays a urgemment besoin de stabilité politique, mais surtout d’une refonte profonde de son secteur public mettant fin à la corruption, au clientélisme et au gaspillage des ressources publiques.

À plus court terme, des mesures conjoncturelles de réduction du déficit budgétaire doivent être implémentées d’urgence. Au lieu de s’acharner fiscalement sur les secteurs encore productifs de l’économie (notamment le secteur financier), comme si c’était devenu un outrage de prospérer au Liban, les réformes conjoncturelles devraient davantage se concentrer sur la source du problème. Des mesures strictes de réduction des dépenses publiques improductives, en commençant par une restructuration de la fonction publique visant à réduire le nombre des emplois fictifs et improductifs, ainsi qu’une réorganisation de la compagnie d’électricité EDL, devraient permettre d’envoyer un signal fort au marché, afin de restaurer la confiance de investisseurs qui commence à sérieusement s’éroder.

La lutte contre le gaspillage des ressources publiques permettra également de libérer davantage de capitaux au secteur privé productif et permettra de redynamiser l’économie libanaise à plus long terme. L’immobilisme politique coûte de plus en plus cher, ces réformes doivent donc être adoptées en urgence pour donner un nouveau souffle à l’économie libanaise tant que c’est encore possible.

Économiste et gestionnaire de portefeuilles

Depuis le début de la révolution, le 17 octobre dernier, une série d’analystes plus ou moins crédibles s’épanchent sur les réseaux sociaux. Chacun y va de son interprétation sur la situation économique et financière du pays, certains faisant porter le chapeau du marasme actuel aux manifestations récentes, d’autres au système bancaire, ou encore aux épargnants.Quelques petites...