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Culture - Photographie

Le ciel de Yara Saadé n’est pas celui que l’on voit

Il n’appartient qu’à elle et à chaque visiteur qui veut bien traverser son univers. À l’espace KED*, « Beirut Around Now » en dévoile toute la complexe beauté.


Yara Saadé devant ses clichés « embellis » de Beyrouth. Photo DR

Yara Saadé aurait pu, dans une autre vie, être un papillon, aux couleurs chatoyantes… Comme lui, elle porte en elle autant la puissance du feu solaire et diurne qu’une part de mystère infranchissable, un monde fantastique dont elle est la seule à connaître et à explorer les méandres. Comme lui, elle en a la légèreté, la pureté et l’esprit voyageur.

Pour la rejoindre dans ses déambulations aériennes irisées de mille couleurs, il faudrait être, pour un moment, funambule et rêveur, glisser sous les voiles qu’elle tend et la suivre sur ces fils imaginaires qu’elle a passionnément tissés, pour traverser les ponts et fendre l’azur.


De fil en clichés

Ils se croisent, se chevauchent, s’enroulent et s’entrelacent comme une toile d’araignée suspendue au-dessus de la ville, faisant presque de l’ombre aux habitants et repoussant les rayons d’un Soleil qui peine à se frayer un passage. Les câbles électriques envahissent notre perspective visuelle, pour peu qu’il en reste. « C’est l’histoire de notre quotidien, affirme l’artiste en parlant des photographies qu’elle expose à l’espace KED.  Quarante ans que le citoyen libanais vit au rythme des coupures d’électricité. »

Cette obscurité imposée à l’intérieur comme à l’extérieur, Yara Saadé la sublime pour laisser les couleurs quadriller et illuminer l’espace de son œuvre. Combien faut-il avoir gardé la candeur de son enfance en bandoulière pour arriver à porter un regard si pur et catalyseur sur ce qui est fondamentalement laid ? De la laideur, elle fera naître un enchantement.

En transformant une simple et maussade photo de fils électriques enchevêtrés en un cliché coloré, vivant et optimiste. « J’ai toujours aimé remplir les vides, dit-elle. Sur les banquettes du métro qui me transportait de la maison à l’université, je commençais le trajet par dessiner des visages, je le terminais en remplissant tous les vides de couleurs. »

De clichés en identité

Le parcours académique de Yara Saadé est jalonné de petites histoires d’amour. Celle avec la photographie prend son départ lors d’un simple cours qu’elle suivait en parallèle au double master en Mass Communication et Fine Arts à l’Université d’Augsburg à Minneapolis, dans le Minnesota (États-Unis). Elle découvre que ce qu’elle aime par-dessus tout, c’est, dit-elle, « ce papier blanc plongé dans le liquide et qui soudainement dévoile des visages, des paysages...

La magie du développement m’avait séduite. » Plus tard, quand elle affronte la rue armée de sa caméra, ce sont les multiples couleurs bigarrées des passants qui l’interpellent. « Chaque passant a quelque chose à m’offrir. » C’est dans cet état d’esprit qu’elle aborde la photographie. En 2004, elle a 24 ans quand elle retourne au Liban. Elle avoue avoir été séduite par le changement. « Après un long voyage, on a un regard différent. » À l’espace SD, elle expose pour la première fois ses photos imprimées sur des tissus. Ces proverbes et autres locutions en arabe qui agrémentent l’arrière des bus, l’œil bleu contre la mauvaise fortune, les façades des immeubles beyrouthins... Autant d’images qui habilleront ses sacs en tissus.

« Je n’avais pas la prétention de vendre un simple cliché pris dans la rue, alors j’en faisais des sacs. » Et de confier avec beaucoup de tristesse : « Mon travail a inspiré une artiste qui en fera son image de marque. »

En 2006, c’est au Salon d’automne du musée Sursock qu’elle présentera une installation numérique où défilent 60 photos et qui confirmera son titre de photographe. Sauf que Yara Saadé veut aller encore plus loin et décide de faire une formation complète à Esmod. On n’est pas la fille de la grande styliste Papou Lahoud pour rien ! Cette démarche l’encouragera à se lancer dans les grosses productions de costumes avec sa mère pendant plusieurs années. Aujourd’hui, après avoir pensé le théâtre, réfléchi les grosses productions, décliné un imaginaire en textile, capté l’humain et les secrets qu’il décèle, Yara Saadé peut être fière : elle honore l’appareil photo suspendu à son cou !

* L’espace KED Beyrouth, secteur la Quarantaine. Jusqu’au 22 septembre.

Yara Saadé aurait pu, dans une autre vie, être un papillon, aux couleurs chatoyantes… Comme lui, elle porte en elle autant la puissance du feu solaire et diurne qu’une part de mystère infranchissable, un monde fantastique dont elle est la seule à connaître et à explorer les méandres. Comme lui, elle en a la légèreté, la pureté et l’esprit voyageur.Pour la rejoindre dans ses...

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