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Culture - Décryptage

La polémique Yann Moix fait-elle recette ?

Pas de rentrée littéraire sans grande commotion... littéraire ? Après la tempête Michel Houellebecq fin 2018, l’auteur de « Naissance » soulève un ouragan de récriminations et d’invectives. Non seulement pour son dernier roman « Orléans », mais aussi pour des propos et des dessins anciens, antisémites et négationnistes.

Yann Moix. Photo AFP

Poursuivi comme pour une curée, il a fait son mea culpa dans l’émission télévisée On n’est pas couché de Laurent Ruquier (qui, une fois n’est pas coutume, écoute sans interrompre son interlocuteur !) devant les caméras, comme dans un confessionnal. Est-ce suffisant pour remonter dans l’estime des lecteurs et redorer son blason ? Il a toujours été au centre des polémiques ! Son personnage et ses propos les appellent et les provoquent. Yann Moix, un peu touche-à-tout agité, aussi bien dessinateur, réalisateur, chroniqueur de télévision qu’écrivain, n’a jamais raté une occasion pour se singulariser et sortir du rang. En endossant toujours une agressivité incontrôlable.

Aujourd’hui, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le verre : son dernier roman Orléans (éd. Grasset, 272 pages, 19 euros) attise d’une manière violente les dissensions et les querelles, pour ses dénonciations de maltraitance parentale : allégations que son père et son frère réfutent catégoriquement, en le menaçant de poursuites judiciaires. « Yann Moix ne sait rien de moi », a répondu Alexandre Moix dans une lettre lue par Ruquier le 14 septembre à la télé, en réponse au témoignage de son frère écrivain.Voilà que l’auteur de Naissance est littéralement plongé dans l’ouragan, une tempête médiatique à nulle autre pareille. Car se sont jointes à cela les voix du passé, lors d’une jeunesse estudiantine aux prétentions littéraires encore imprécises, avec des attaques antisémites et négationnistes, orchestrées par Bernard-Henri Lévy (BHL), qui exhume des propos et des documents qu’il juge injurieux et inacceptables…

Dire que les camps de concentration n’existent pas ne viendrait à l’esprit de personne (c’est faire acte d’un esprit douteux et de mauvais goût !), sauf pour Yann Moix qui cultive à outrance le paradoxe et l’hystérie verbale. Et là aussi il nie les faits et biaise…

Il a demandé pardon à son protecteur et soi-disant ami et mentor BHL et s’est fait même le chantre de la judaïté à un certain moment. L’atteste son bel et édifiant ouvrage sur Edith Stein, polonaise juive, élève du philosophe Husserl, qui se convertit au catholicisme et se fait carmélite ; rattrapée par les nazis, elle meurt à Auschwitz et Jean-Paul II la canonise en 1998.

Voilà pour les deux faces de Janus : Yann Moix est capable du meilleur comme du pire… Par conséquent, en cette turbulente rentrée littéraire où abondent les premiers romans, Moix – qui avait pourtant de fortes chances de prendre la tête du peloton car sa verve et son verbe sont puissants et remarquables – a été écarté des sélections des grands prix littéraires. Branle-bas dans le monde de l’édition et pluie de questionnements pour une polémique qui rejoint la hargne et les rancœurs de l’affaire Dreyfus, qui avait divisé la société française et le monde.


(Lire aussi : Le Goncourt avec Nothomb mais sans Moix)


Boutades, lubies ou piques
On connaissait déjà Yann Moix, avec sa bouille de balafré à la Nicolas Peyrac de La marquise des anges, sans le charme et la séduction bien entendu (ses aveux pour son peu de succès avec les femmes en témoigne !), pour ses surprenantes interventions (qui étaient parfois à côté de la plaque et d’autres fois assénées en toute justesse et finesse, car sa culture et son savoir sont immenses) dans On n’est pas couché.

Mais ce qu’on connaît moins, ce sont ses innombrables boutades, lubies ou piques incompréhensibles et imprévisibles, où l’élégance et la bienséance ont pris congé. On cite quelques-unes de ses « sorties » (« sottie » serait un terme plus adéquat pour ses bouffonneries) qui ont défrayé les chroniques : il aime Polanski, mais pas la Suisse (sympathie pour le violeur d’une jeune fille et pays qu’il fustige de toutes ses foudres) ; Renaud Camus est pour lui misanthrope (parce qu’il vit dans un château ? Et que le personnage est loin d’être aimable, on en convient !), antisémite et raciste; les femmes de plus de 50 ans ne sont plus consommables pour lui (il reste à les jeter aux fagots ? Et que ferez-vous de votre femme, la mère de vos enfants et votre compagne, monsieur Moix, à l’âge de la retraite ? Allez balance ta misogynie !) ; sa prise de bec insipide sur la notion du peuple avec Michel Onfray et Michael Jackson, et dont nul n’a éludé la sexualité, n’a pas trouvé grâce non plus auprès de la langue vipérine de l’auteur de Jubilations vers le ciel, avec des jugements biscornus, comme si tout le sordide tam-tam, sans en rajouter, orchestré autour de la pop star ne suffisait pas…

Il a demandé pardon en public sans émouvoir personne. Sur son passé, sur ce qu’il a fait et dit. Cela le lave-t-il de ses dires, dessins ou écrits ? Recommencera-t-il encore un jour si le désir d’être inutilement agressif le prenait ? Seul Dieu pardonne, les humains n’oublient pas…

Propos malencontreux ? Désir de scandale ou de provocation ? Paranoïa aiguë ? Réputation de redoutable écrivain (on admet qu’il est un bon écrivain, sans être un Jean-Paul Sartre quand même !) ou homme d’information à faire ou défendre ?


(Lire aussi : L’écrivain polémiste Yann Moix de nouveau en pleine controverse)


Toujours est-il qu’aujourd’hui, au fur et à mesure que la colère est montée, les invectives se sont multipliées, la nomination dans la sélection du Goncourt a été retirée il y a quelques jours par Bernard Pivot. Résultat : Yann Moix capitule et, comme un enfant capricieux ou incapable de faire face, boude et s’isole en sortant de la bataille médiatique de l’édition. Il met abruptement fin à la promotion de son livre Orléans qui bouillonne dans le chaudron de la rentrée littéraire.

Tempête dans un verre d’eau ? Ce qui veut dire, en termes plus clairs, plus de publicité pour l’ouvrage. Mais pour quoi, pour piquer encore plus à vif la curiosité des gens ? Tout ce raffut et puis, brusquement, le silence. Tactique ou impuissance à se défendre raisonnablement ? Mais la raison n’a jamais été le fort de Yann Moix…

En tout cas, il semblerait que la polémique n’ait pas fait recette, car selon l’institut de référence GFK, au 1er septembre, soit dix jours après sa publication, Orléans s’était écoulé à 8 200 exemplaires. « Il faut y ajouter les 20 % de ventes qui sont traditionnellement réalisées en Belgique, en Suisse et au Canada », précise-t-on chez Grasset, l’éditeur. Au total, 10 000 exemplaires ? Un chiffre respectable mais qui reste assez modeste au regard du buzz médiatique.

Affaire à suivre, semble-t-il, pour un personnage glauque au verbe venimeux, mais à la plume féconde. Car par-delà ce déballage malsain, et tout ce (beau !) monde qui s’étripe et s’écharpe, c’est bien de littérature qu’il s’agit après tout !


Pour mémoire
Yann Moix se défend après des propos polémiques sur les femmes


Poursuivi comme pour une curée, il a fait son mea culpa dans l’émission télévisée On n’est pas couché de Laurent Ruquier (qui, une fois n’est pas coutume, écoute sans interrompre son interlocuteur !) devant les caméras, comme dans un confessionnal. Est-ce suffisant pour remonter dans l’estime des lecteurs et redorer son blason ? Il a toujours été au centre des polémiques ! Son...

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