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Culture - Exposition

La route de la colère de Nadine Kanawati

La jeune diplômée en beaux-arts de l’Université libanaise présente son premier solo à la CUB Gallery*, avec un pneu omniprésent.

Nadine Kanawati braque son art sur les problèmes de la société libanaise.

La galerie CUB, en partenariat avec la Beirut Art Residency, s’anime autour d’un objectif : faire découvrir de nouveaux talents, en sélectionnant uniquement des artistes diplômés depuis moins de trois ans. Nadine Kanawati en fait partie. Elle a obtenu son master en arts plastiques de la faculté des beaux-arts de l’Université libanaise en 2017. L’artiste n’en est pas à sa première exposition : elle a déjà participé à des expositions collectives à l’université ou à la Beirut Art Fair. Aujourd’hui, elle présente, dans The Road, une peinture engagée qui s’attaque aux problèmes sociétaux au Liban.

Après une enfance tourmentée passée entre le Liban et l’Égypte, fuyant la guerre civile, Nadine Kanawati devient étudiante en art et en fait rapidement son outil de contestation dans un pays dont elle critique le redressement laborieux. Terrorisme, instabilité économique, non-garantie de droits fondamentaux, comme l’accès à l’eau et l’électricité, sont autant d’éléments qui nourrissent sa colère. Aujourd’hui, contemplant ses œuvres dans la galerie, elle décrit, d’un ton mêlant inquiétude et légèreté, une société incertaine de son lendemain. « L’exposition tourne autour de l’idée du changement. C’est une phase différente, engoncée dans un cercle vicieux qui reflète le réel libanais et ses tourments, entre problèmes politiques, économiques et sociaux chroniques, sans issue ni solution apparentes. » On ressent la colère dans la noirceur de ses tableaux. « La peur m’accompagne et accompagne tous les Libanais. Quant à la colère, elle est issue du sentiment d’être incapable de changer, d’où le conflit entre la détresse et l’impuissance, d’une part, la résistance, la persistance et la détermination pour créer le changement et la quête d’une lueur dans l’obscurité, d’autre part. Ceci se manifeste clairement dans la lumière présente dans les tableaux en dépit de cette noirceur qui l’entoure. » Son tableau The Road, élément phare de la galerie, symbolise la volonté de l’artiste de reprendre sa route et de ne pas s’enfermer dans la colère chronique qui frappe la société libanaise.

Technique unique

Mais c’est surtout en utilisant les armes de contestation comme outils de peinture que Nadine Kanawati pousse son engagement artistique à son paroxysme. En effet, en voyant des gens brûler des pneus dans la rue comme signe de colère et de revendication, elle a voulu, elle aussi, en faire son moyen d’expression. Armée de sciure et copeaux de pneu, elle s’attaque à ses toiles et obtient ainsi des tableaux très sombres avec une texture très particulière. « Chaque pièce nécessite un processus très gestuel qui consiste à recréer cette image que j’apercevais dans les rue après les manifestations, et j’ai tenu à respecter la palette de couleurs que je voyais : le jaune des flammes qui devient un rouge marron, mélangé au noir des pneus et au gris de l’asphalte... » Elle utilise donc sa peinture pour exprimer à la fois ce qu’elle ressent et ce que la société libanaise dégage. The Road, c’est au départ une route de la colère qui passe par l’espoir et la jovialité. Kanawati explique aussi passer très peu de temps sur chaque tableau et avoir réalisé son exposition en quelques mois seulement. Elle mise sur la spontanéité et la sincérité de ses œuvres, laissant aller ses outils et pinceaux au gré de ses ressentis.

Artiste, enseignante en art-thérapie pour des enfants de réfugiés syriens, militante au sein du mouvement « La santé de nos enfants est une ligne rouge », s’attaquant aux problèmes environnementaux, Nadine Kanawati a plus d’une corde à son arc pour faire fleurir ses idées de changement. « Mon activisme n’était pas un choix, je ne pouvais pas rester les bras croisés devant les massacres écologiques qui ont lieu au Liban. » Là encore, on retrouve sa volonté persistante de faire de son pays un endroit meilleur, qui se traduit cette fois-ci non pas sous l’angle artistique, mais par le militantisme. Ayant pu rencontrer certaines personnalités politiques dans ce cadre, Nadine Kanawati se dit déçue de leur inaction sans pour autant perdre espoir, et s’attarde sur le rôle de l’art. « Toute solution d’un problème quelconque commence par la définition de ce dernier et de ses causes ; l’art n’offre pas de solutions mais braque l’éclairage sur les éléments du problème. » Et de poursuivre : « Nous sommes une société obsédée par l’objection, mais ne possédons aucun moyen pour chercher les solutions. » Elle utilise ainsi son art comme un projecteur sur la société libanaise afin de « susciter l’espoir et de pousser au changement ». Si elle se dit en recherche permanente de son être et de son art, la protestation et la volonté de changer les choses resteront sa marque de fabrique.

Une artiste spontanée, prometteuse et attentive à son environnement, qui laisse parler sa conscience collective et ses sentiments personnels dans une exposition explosant de sincérité.

CUB Gallery

*Jusqu’à fin juin. Rue Benoît Barakat, Badaro. L’artiste donne une visite guidée de son exposition le 20 juin de 17h30 à 19h.

La galerie CUB, en partenariat avec la Beirut Art Residency, s’anime autour d’un objectif : faire découvrir de nouveaux talents, en sélectionnant uniquement des artistes diplômés depuis moins de trois ans. Nadine Kanawati en fait partie. Elle a obtenu son master en arts plastiques de la faculté des beaux-arts de l’Université libanaise en 2017. L’artiste n’en est pas à sa...

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