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Culture - Théâtre

Les yeux bandés, voyage dans le chaos de Beyrouth

« Toyota 89 »* de et par Petra Serhal au Hangar UMAM D&R, ou quand l’expérimental oscille entre absurde et surréalisme dalinien.

Petra Serhal.

D’emblée, entre autorité et gentillesse, une poignée de placeurs assaillent les spectateurs venus au Hangar UMAM D&R assister à Toyota 89, le spectacle de et avec Petra Serhal. Il faut se délester du téléphone portable (comme si, même fermé, cela restait un objet inconvenant), des sacoches et autres portefeuilles et les entreposer dans un grand bac placé à la porte d’entrée, tout en déclarant son identité comme pour une fouille policière.

Avec des airs mystérieux et pour d’inutiles précautions, ces placeurs demandent aux quelques spectateurs (moins d’une trentaine) de se déposséder de tout et d’entrer dans l’aire de la flaque de noir (ici c’est le noir qui l’emporte sur la lumière et c’est tout l’enjeu de cette performance) les yeux bandés. On entre ainsi à tâtons avec les placeurs comme guides de sauvegarde pour une séance sans éclairage ni spots !

Avec des bruits de fond d’une rue animée, agrémentés de quelques notes de musique et de chansonnette populaire arabe – ont collaboré à la performance Fadi Tabbal, Tara Sakhi, Sharif Sehnaoui, Ieva Saudargaité Douaihi –, Petra Serhal lit d’une voix monocorde et monotone son texte (qui ne recule devant aucune verdeur tel que « fourré dans mon cul » pour un arabe dialectal sans élégance aucune, farci aussi d’expressions francophones) d’une quarantaine de minutes.

Une voiture Toyota 89 la transporte de Hamra à Achrafieh. Un accident arrive. Banal sur nos routes malsaines. Les corps démembrés, déboîtés, disloqués se promènent dans et sur la ville de Beyrouth. Les pieds, les doigts, le ventre, les seins, le cerveau s’en vont se promener comme particules fines dans l’air vicié et le vacarme de la capitale libanaise.

L’occasion de distribuer un morbide voyage empreint d’un humour noir à travers la typographie et la nomenclature des zones d’une cité à l’urbanisme nul, chaotique, désorganisée et multicolore avec ses communautés et confessions. L’occasion de tracer aussi, bien vaguement et d’une manière fantaisiste, un pan de l’histoire d’une ville, d’un pays, dans ses composantes politiques, sociales, artistiques. Tout cela sur un tempo inconsistant car cette narration est entre absurde et surréalisme dalinien dans ses rapports à l’image et au visuel.

Allongé dans le noir, l’imaginaire du spectateur est certainement sollicité et c’est là la force motrice de ce rassemblement. Mais, en fait, bercé par des mots mollement et mal orchestrés, le voyage est plus soporifique que convaincant ou amusant.

Fallait-il tant de chichis, de chuchoteries et d’obscurité pour une simple lecture dans une chambre noire ? Cela rappelle cette anecdote d’un personnage imbu de sa personne qui ouvre à grand fracas la porte d’un immense garage pour en ressortir avec une bicyclette…

*« Toyota 89 » de Petra Serhal se donne au jusqu’au 26 mai au Hangar UMAM D&R, Haret Hreik, Ghobeiry. Performances en arabe, et en anglais le 23 mai. Réservations sur Ihjoz.com.


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