À Nice, en classe de troisième plus exactement, elle s’inscrit pour suivre une formation dans un petit théâtre, sachant pertinemment qu’il fallait l’aborder comme un loisir de week-end ou du mercredi après-midi, son père ayant d’autres ambitions pour elle. « Il était artisan ouvrier, issu d’une famille d’ouvriers (son père était tapissier décorateur), rien ne me prédestinait à cette branche artistique sur laquelle il me fallait absolument grimper. Il fallait aller au bout de mes études et de surcroît qu’elles soient sérieuses. Longtemps, j’ai menti pour dissimuler cette passion que je nourrissais et qui occupait de plus en plus mon temps, jusqu’à obtenir une place dans une grande d’école d’art et l’annoncer à mes parents. » En 2008, elle est acceptée à l’École supérieure d’art dramatique de Paris, de Jean-Claude Cotillard. Elle avait 19 ans. Rien ne pouvait plus l’arrêter.
Dans le gosier d’un cochon
La pièce qu’elle a écrite et qu’elle présente ce week-end à Beyrouth s’intitule Vole et elle la joue depuis cinq ans. Son origine ? « J’avais huit ans quand au village, avec mon amie d’enfance, il nous arrive une petite mésaventure. Camille attrape une poule, la lance pour tenter de la faire voler en criant : “Vole poule vole”, elle atterrit dans le gosier d’un cochon qui l’avale d’un coup. Cette scène est restée gravée dans ma mémoire. » Lorsque des années plus tard elle a voulu écrire sa propre pièce, le titre devait être inconsciemment empreint de cette petite histoire, mais le point de départ demeure le décès de sa grand-mère. « J’avais beaucoup de difficultés à accepter son absence, j’avais peur d’oublier sa voix, ses gestes, ses mots qu’elle reprenait en boucle quand elle se répétait sans cesse. Pour moi, l’idée de la transmission intergénérationnelle de la grand-mère à la mère à la petite-fille est un thème récurrent dans mes textes et qui me touche profondément. Vient s’ajouter à cela d’abord l’idée de l’émancipation du petit oiseau qui quitte le nid et qui va voler de ses propres ailes, ensuite de cet être en chacun de nous qui sort de l’enfance pour affronter, sans grande conviction, le monde des grands. » Et Rami d’ajouter : « Avec tout ce que cela comporte comme appréhensions, comme frayeurs face à cette liberté qui s’offre à un âge où on n’est pas encore tout à fait prêt. Quand j’ai commencé à écrire, mon intention était de faire une pièce drôle mais au fur et à mesure, le texte prenait d’autres allures et les codes se mélangeaient, allant de la poésie à l’autodérision. Une forme hybride voyait le jour et il fallait que je l’assume. »
Pour Éva Rami, être sur scène, c’est être un passeur. C’est toucher et rassembler, c’est vivre un moment de communion et partager des expériences communes pour dire à tout le monde et à chacun vous n’êtes pas seuls. Pour Éva Rami être sur scène, c’est être en hypnose. Vole est ainsi une pièce qui s’offre d’abord un décollage autobiographique pour finalement poursuivre son rythme de croisière en délivrant un message universel fait de moment de rires et d’émotions.
* « Vole » de et avec Éva Rami, mise en scène Marc Ernotte.
Ce samedi soir et demain dimanche 17 mars à 20h30, au Théâtre Gemmayzé
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