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Culture - Théâtre

Éva Rami « vole » et atterrit à Beyrouth

C’est un monologue qui oscille entre le drame et la comédie, où, dans un jeu frontal avec le public, l’auteure et comédienne française laboure le terroir de son enfance pour mieux prendre son envol.

Éva Rami dans « Vole ». Photo Gabriel Martinez

Si on se penche sur le verbe « voler » dans le dictionnaire français, il est question d’oiseaux et d’avions qui se déplacent dans les airs ou encore de l’action de soustraire frauduleusement un bien à autrui. Mais qu’en est-il de son sens symbolique, celui qui exprime un désir de sublimation, ou de recherche d’une harmonie intérieure ? Est-ce celui-ci qu’Éva Rami tente d’explorer à travers ce parcours initiatique de l’enfance vers l’âge adulte ? Comédienne avec plus de 15 pièces à son actif, actrice à la télévision pour la série La vengeance aux yeux clairs et au cinéma dans La promesse de l’aube d’Éric Barbier, auteure de deux pièces de théâtre qu’elle interprète elle-même, Éva Rami confie à L’Orient-Le Jour son engouement pour la scène, qui lui est venu très tôt, à l’âge de 14 ans précisément. « Enfant, raconte-t-elle, j’habitais un petit village sur les collines niçoises. À cette époque-là, un comédien, qui avait pris comme nom de scène Élie Kakou, se fait connaître sur le petit écran grâce à des personnages hauts en couleur comme l’attachée de presse ou Madame Sarfati. J’étais fascinée par cet artiste un peu androgyne qui campait les femmes aussi bien que les hommes et jouait sur le pouvoir des métamorphoses. Je refaisais sans cesse ses sketches que je connaissais par cœur. »

À Nice, en classe de troisième plus exactement, elle s’inscrit pour suivre une formation dans un petit théâtre, sachant pertinemment qu’il fallait l’aborder comme un loisir de week-end ou du mercredi après-midi, son père ayant d’autres ambitions pour elle. « Il était artisan ouvrier, issu d’une famille d’ouvriers (son père était tapissier décorateur), rien ne me prédestinait à cette branche artistique sur laquelle il me fallait absolument grimper. Il fallait aller au bout de mes études et de surcroît qu’elles soient sérieuses. Longtemps, j’ai menti pour dissimuler cette passion que je nourrissais et qui occupait de plus en plus mon temps, jusqu’à obtenir une place dans une grande d’école d’art et l’annoncer à mes parents. » En 2008, elle est acceptée à l’École supérieure d’art dramatique de Paris, de Jean-Claude Cotillard. Elle avait 19 ans. Rien ne pouvait plus l’arrêter.

Dans le gosier d’un cochon

La pièce qu’elle a écrite et qu’elle présente ce week-end à Beyrouth s’intitule Vole et elle la joue depuis cinq ans. Son origine ? « J’avais huit ans quand au village, avec mon amie d’enfance, il nous arrive une petite mésaventure. Camille attrape une poule, la lance pour tenter de la faire voler en criant : “Vole poule vole”, elle atterrit dans le gosier d’un cochon qui l’avale d’un coup. Cette scène est restée gravée dans ma mémoire. » Lorsque des années plus tard elle a voulu écrire sa propre pièce, le titre devait être inconsciemment empreint de cette petite histoire, mais le point de départ demeure le décès de sa grand-mère. « J’avais beaucoup de difficultés à accepter son absence, j’avais peur d’oublier sa voix, ses gestes, ses mots qu’elle reprenait en boucle quand elle se répétait sans cesse. Pour moi, l’idée de la transmission intergénérationnelle de la grand-mère à la mère à la petite-fille est un thème récurrent dans mes textes et qui me touche profondément. Vient s’ajouter à cela d’abord l’idée de l’émancipation du petit oiseau qui quitte le nid et qui va voler de ses propres ailes, ensuite de cet être en chacun de nous qui sort de l’enfance pour affronter, sans grande conviction, le monde des grands. » Et Rami d’ajouter : « Avec tout ce que cela comporte comme appréhensions, comme frayeurs face à cette liberté qui s’offre à un âge où on n’est pas encore tout à fait prêt. Quand j’ai commencé à écrire, mon intention était de faire une pièce drôle mais au fur et à mesure, le texte prenait d’autres allures et les codes se mélangeaient, allant de la poésie à l’autodérision. Une forme hybride voyait le jour et il fallait que je l’assume. »

Pour Éva Rami, être sur scène, c’est être un passeur. C’est toucher et rassembler, c’est vivre un moment de communion et partager des expériences communes pour dire à tout le monde et à chacun vous n’êtes pas seuls. Pour Éva Rami être sur scène, c’est être en hypnose. Vole est ainsi une pièce qui s’offre d’abord un décollage autobiographique pour finalement poursuivre son rythme de croisière en délivrant un message universel fait de moment de rires et d’émotions.

* « Vole » de et avec Éva Rami, mise en scène Marc Ernotte.

Ce samedi soir et demain dimanche 17 mars à 20h30, au Théâtre Gemmayzé

Si on se penche sur le verbe « voler » dans le dictionnaire français, il est question d’oiseaux et d’avions qui se déplacent dans les airs ou encore de l’action de soustraire frauduleusement un bien à autrui. Mais qu’en est-il de son sens symbolique, celui qui exprime un désir de sublimation, ou de recherche d’une harmonie intérieure ? Est-ce celui-ci qu’Éva Rami...

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