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Culture - Théâtre

Pour Stéphane Olivié-Bisson, Camus n’est pas un étranger

Le comédien et metteur en scène français monte sur la scène au théâtre du Boulevard* pour une performance en solo : une récitation de textes extraits des carnets du plus traduit des écrivains français, Albert Camus.

Stéphane Olivié-Bisson dans « Les Carnets d’Albert Camus ». Photo DR

De quoi parle-t-on au juste, quand on parle des « Carnets d’Albert Camus » ?

C’est à la fois un journal intime et un journal de travail. Il s’agit de notes prises en 1935 et 1959, 24 années de la vie de Camus, mort à 46 ans en 1960. C’est 947 pages en trois volumes.

Comment mettre sur scène une telle somme de textes ?

La grande difficulté, c’était effectivement le montage. On s’est beaucoup posé la question de savoir si on faisait un montage thématique, auquel cas il n’y a pas de dramaturgie, ou si on se lançait dans un montage chronologique, et alors tous les thèmes se répètent à l’infini... C’est Catherine Camus, la fille d’Albert Camus, qui m’a dit de penser à la géographie, elle m’a soufflé : « Par les lieux tu auras une fédération des thèmes et en même temps une tension dramatique. » Ça a été la clef. J’ai concilié des thèmes autour de certains lieux : par exemple l’Algérie pour l’enfance, Paris pour le politique et le culturel, etc.

Comment avez-vous tronqué les carnets ? En fonction de quoi preniez-vous la décision de lire ou pas un passage ?

En fonction de ce qui peut tenir sur un plateau. Il n’y a rien que j’aime moins au théâtre qu’un spectacle prétexte. Je ne voulais pas non plus faire un best of, dans le genre « le meilleur de la pensée de Camus ». Ce que j’ai vraiment gardé ce sont les passages les plus brûlants, sur mille sujets différents : l’argent, la famille, l’amour, la politique, le voyage, la vie, la mort… tous ces thèmes qu’on connaît chez lui. Pour moi, ce n’est pas le spectacle d’un philosophe ou d’un écrivain qui assène des vérités, c’est un homme qui est au pied de la montagne de tous les problèmes qui nous écrasent tous les jours, mais qui s’y mesure et nous propose des questions infiniment bien formulées.

Comment êtes-vous tombé sur ces carnets à l’origine ?

Tout simplement dans une librairie. J’adore les librairies, c’est mon sport préféré… (rire)

Quand est né votre amour pour Albert Camus ?

En 2008, j’ai vraiment plongé dedans. C’est parti d’une rencontre avec un acteur avec qui j’avais joué dans Littoral de Wajdi Mouawad qui m’a demandé : Quelle pièce tu rêverais de mettre en scène ? Je lui ai répondu : Caligula (une pièce de Camus, publiée en 1945). Lui, c’était le rôle qu’il rêvait de jouer. Puis il m’a planté, mais un autre ami, Bruno Putzulu, l’a vite remplacé. Ma vie a alors basculé, on a joué le spectacle dans le monde entier pendant six ans, et même à la télévision.

Vous qui êtes déjà venu neuf fois au Liban, comment pensez-vous que ces carnets vont être reçus ici ?

Je n’en ai pas la moindre idée. Mais je pense qu’il y a des passages du spectacle qui vont résonner ici, comme ceux dans lesquels Camus parle de l’amour, de la politique ou de la nature. Aussi, la manière qu’a Camus de raconter la guerre, celle de 1939-1945 notamment, je crois que ça va toucher.

Comment expliquez-vous le succès d’Albert Camus, son unanimité partout dans le monde ?

J’ai une petite théorie : comme il n’est pas né avec des livres autour de lui, comme il n’a pas fait partie du sérail littéraire et qu’il a fallu qu’il apprenne le français en tant que langue étrangère, il me semble qu’il avait une sorte de croyance en une forme de magie de l’écriture. D’où l’extrême générosité de son écriture, quasiment solaire et, pour le coup, presque enfantine. Cette écriture nous aide à grandir, à voir plus clair.

Albert Camus, n’était-il pas antireligion ?

Il était surtout anti-église. Mais il était fasciné par la personne du Christ. D’ailleurs il avait une phrase assez terrible : « Nietzsche a dit que Dieu est mort, mais on connaît l’auteur du crime. L’Église. » Je trouve ça vertigineux, absolument génial. Ça me rappelle quand j’étais gamin, que je voyais les images des phalangistes avec des croix énormes autour du cou et des cadavres humains à côté d’eux.

La guerre du Liban, ça vous a marqué étant jeune ?

Oui, à tel point que j’ai monté deux fois un spectacle de Jean Genet ici au Liban, intitulé Quatre heures à Chatila, en 1998 et en 2013. Un texte en prose magnifique du dramaturge français, qu’il a publié en 1983.

Avec Camus, ce n’est donc pas la première fois que vous adaptez de la prose au théâtre. Est-ce que vous avez senti une forme de résistance dans le passage d’une forme d’écriture à une autre ?

À partir du moment où il y a une possibilité de s’adresser à autrui, il y a de la place pour le théâtre. Ce qui est paradoxal dans les Carnets de Camus, c’est qu’ils ont beau avoir été écrits dans l’intimité, ils sont étonnamment tournés vers l’autre. C’est comme si on était invité à participer à la pensée de l’auteur, il n’y a rien de figé dans l’écriture de Camus, c’est peut-être ça qui est si invitant.

Théâtre du Boulevard

Chiyah, boulevard Camille Chamoun.

« Les Carnets d’Albert Camus », adaptation, mise en scène et interprétation de Stéphane Olivié-Bisson. Les 8, 9 et 10 février 2019, à 20h30. Billets chez Antoine Ticketing.

Infos au (961)70/626200.

De quoi parle-t-on au juste, quand on parle des « Carnets d’Albert Camus » ?C’est à la fois un journal intime et un journal de travail. Il s’agit de notes prises en 1935 et 1959, 24 années de la vie de Camus, mort à 46 ans en 1960. C’est 947 pages en trois volumes. Comment mettre sur scène une telle somme de textes ?La grande difficulté, c’était effectivement le...

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