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Culture - Livre

Peut-on survivre à un dernier tango à Paris ?

« Tu t’appelais Maria Schneider », de Vanessa Schneider (Grasset, 260 pages) essaye de restituer la vraie image de celle qui est tombée en enfer après le film de Bertolucci.


Vanessa Schneider.

À l’origine, une scène mythique et provocante au cinéma : une simulation de viol-sodomie entre un homme et une femme avec une noix de beurre dans Le dernier tango à Paris de Bernardo Bertolucci. Protagonistes de la prouesse : Marlon Brando et Maria Schneider. Lui est sorti de cette aventure grandi dans sa virilité de monstre sacré, tandis qu’elle, elle est tombée dans toutes les bouches, tous les ragots, tous les potins sordides, graveleux et pornographiques.

Pour effacer ce passé tristement glorieux, farci de quolibets et de railleries, une cousine de Maria Schneider, sa famille de substitution, Vanessa Schneider, journaliste au Monde, se penche sur cette vie. Et tente de dégager de ce traumatisme profond causé par une scène audacieuse et choquante, les mobiles d’une dégringolade, d’une désintégration de personnalité, d’une perdition, d’une dérive.

Quel âge avait Maria Schneider avec sa jolie frimousse, ses boucles brunes, sa bouche pulpeuse et son regard entre innocence et sensualité pendant que Bernardo Bertolucci tournait cette scène mythique ? Dix-neuf ans, et à l’époque c’est à vingt et un ans qu’on est majeur ! Une scène tournée sans le consentement de la jeune femme, et ourdie, dit-on, par Brando lui-même, qui l’aurait plus que suggéré au metteur en scène italien.

Née dans une famille dysfonctionnelle, Maria a été découverte par Brigitte Bardot, qui la prit sous son aile et qui payera ses obsèques. Par la suite, la jeune femme, fille de Daniel Gélin qui brillera par son absence, travaillera avec Delon, Gérard Depardieu, Nicholson, Bowie, Antonioni, Zeffirelli, Comencini, Rivette, Vadim, Clément, et bien d’autres… Rien que cela. Elle sera éconduite de Cet obscur objet du désir de Bunuel dont elle devait être la vedette, et sera renvoyée du plateau de Caligula de Guccione après avoir refusé d’être filmée nue.

Ni roman ni biographie

Entre-temps, la drogue, le sexe à outrance (elle déclarera ouvertement sa bisexualité), une dépression qui traîne en longueur, des nuits agitées, la fièvre des déplacements, lui conférera, à tort ou à raison, une légende d’épave perdue et de personnage paumé. Ce qui ne l’empêche pas d’être nommée pour le César du meilleur second rôle, pour son personnage de prostituée dans La dérobade de Daniel Duval.

Tout cela défile dans cet ouvrage qui n’est ni un roman ni une biographie ou une autobiographie. Cela reste sans nul doute un hommage avec des éclairages choisis pour une explication aux angles les plus glauques. Mais c’est aussi, en parallèle, le parcours de Vanessa Schneider dont la famille, avec ses fêlures et ses rapports brisés, était proche de l’actrice, qui tendait toujours de garder le pied à l’étrier grâce au cinéma, sa planche de salut et de stabilité.

Errance, fuite en avant, tentative de se ressourcer ou d’échapper aux flots de paroles fielleuses qui la traquent, les voyages sont légion pour cette actrice qui a intrigué le public et éloigné certains metteurs en scène. De Londres à Paris en passant par la Californie, New York et le Brésil pour éviter les blagues douteuses, les paroles grivoises, les attitudes déplacées, suites appuyées de cette funeste scène. Scène qui a fait fantasmer la planète et fait cauchemarder celle qui en fut l’incarnation. Incroyable histoire d’une vie.

Et c’est ce livre qui apporte la lumière sur les coins d’ombre d’un parcours chaotique. Avec ses multiples combats et défaillances. Une intimité tragique dévoilée qui se termine par un cancer. Ce livre n’est pas seulement un témoignage, une apologie, si l’on peut dire, d’une carrière brisée, mais surtout une dénonciation. Celle d’un instant machiavélique où le futur d’une « parfaite victime » bascule à cause de l’impunité d’un acteur génial et d’un grand metteur en scène.

Un livre bien écrit (déjà un succès en librairie) qui force la réflexion sur l’arbitraire et dictatoriale notion de domination masculine. Il semble qu’aujourd’hui les choses aient changé et les femmes se défendent mieux. Mais certainement pas aux quatre coins du monde...

À l’origine, une scène mythique et provocante au cinéma : une simulation de viol-sodomie entre un homme et une femme avec une noix de beurre dans Le dernier tango à Paris de Bernardo Bertolucci. Protagonistes de la prouesse : Marlon Brando et Maria Schneider. Lui est sorti de cette aventure grandi dans sa virilité de monstre sacré, tandis qu’elle, elle est tombée dans toutes...

commentaires (2)

Quelle scène terrible... la vivre devait l'être encore plus...

lila

05 h 48, le 12 septembre 2018

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Commentaires (2)

  • Quelle scène terrible... la vivre devait l'être encore plus...

    lila

    05 h 48, le 12 septembre 2018

  • Bien triste et révoltant... Comment la vie d'un être humain peut être brisée en un rien de temps par la simple bêtise des personnes qui l'entourent!

    NAUFAL SORAYA

    07 h 02, le 11 septembre 2018

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