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Culture - Rencontre

Shams Nadir : Le poète s’inscrit dans le Lego de la création

Le poète franco-tunisien, best-seller en Amérique latine, était à Beyrouth pour son dernier livre, « Planisphère intime » (149 pages, Dergham), actuellement en librairie.

Shams Nadir, alias Mohamed Aziza, l’auteur, entre autres essais, d’œuvres sur le monde arabo-musulman. DR

À 78 ans, vêtu d’une chemise grise à manches courtes, le verbe haut, la phrase colorée, le regard pétillant, érudit jusqu’au bout de sa corpulente rondeur, le poète, romancier et essayiste tunisien Shams Nadir est un ami de longue date du Liban, qu’il visite pour la troisième fois depuis 1970. Shams Nadir est à Beyrouth à l’occasion de la remise du prix Gaïa 2018 au père Georges Hobeika, recteur de l’USEK, mais aussi pour promouvoir sa poésie : l’auteur des Portiques de la mer vient de signer son dernier opus Planisphère intime (joliment illustré pour la couverture et les pages internes par son fils usant du pseudonyme Sam Azulys), recueil de poésie libre et de prose poétique, préfacé par Alexandre Najjar. 

Quelles impressions que de fouler la terre libanaise avant, durant et après la guerre ? La réponse de Shams Nadir, né Mohamed Aziza et à qui l’on doit plusieurs essais sur le monde arabo-musulman, dont L’islam et l’image, La calligraphie arabe et Le théâtre et l’islam, est nuancée. « Difficile à dire, vu le peu de temps que je viens de passer. Mais je pense à mon ami Antoine Moultaka à qui j’avais développé autrefois un thème, al-Ghoul, sur le pouvoir, le mythe de l’asservissement. La pièce a été montée par la suite au Caire. Ici, j’ai de bons souvenirs avec Adonis, Salah Stétié, Amin Maalouf… L’immersion en ce moment a été de courte durée. Toutefois, physiquement, je ne reconnais plus Beyrouth, avec ce déchaînement immobilier. Sur le plan de l’humain, le monde arabe vit les mêmes problèmes : l’effritement des valeurs et la toute-puissance du consumérisme. L’aspect créatif a perdu son rayonnement… » regrette-t-il. 

Crocs-en-jambe
Quelles sont les sources d’inspiration de cette planisphère ? « C’est bien simple, c’est ma réponse à une sollicitation pressante à écrire mes Mémoires. Comme j’ai croisé le chemin de personnages irradiants tels Léopold Sédar Senghor, Yehudi Menuhin, Maurice Béjart, Salah Stétié, Amin Maalouf, Mahmoud Darwish, Louis Aragon, explique l’auteur du Silence des sémaphores, alors j’ai choisi, au lieu de rédiger des Mémoires que je trouve trop autoglorificatrices et nombrilistes, de contourner le sujet et de donner vie à vingt-six poèmes avec des annexes et des annotations. Pour parler justement de mon parcours et de mes rencontres. Un livre divisé en deux parties : “Balises” (le rapport avec l’espace) et “Stèles” (le rapport avec le temps, les amis, les gens très chers qui sont partis en me laissant très seul…). Pas de versification classique, mais une poésie libre et des textes de prose poétique… »Votre définition de la poésie ? « Une sorte de spéléologie intérieure méditative. C’est une tentative de reprendre le lien avec des voix chères qui ont disparu. C’est enjamber le temps et recoudre l’espace. » Qui peut-on appeler poète ? La réponse semble toute prête : « Le poète s’inscrit dans le Lego de la création. Un poète, c’est quelqu’un qui a les mêmes informations que tout le monde. Ça passe par un tamis intérieur et repasse différemment. Le poète fait des crocs-en-jambe au mode d’emploi normal. Le poète, c’est avant tout un alchimiste qui cherche la transmutation des mots. » Quelle place réserve-t-on aux poètes aujourd’hui ? « Plus le matérialisme monte, plus le besoin de poètes est perceptible, souligne Shams Nadir. Et puis je reprends cette formule de Khalil Gebran dans A3tini el-Nay (texte que je trouve sublime, à travers la voix de Fayrouz, et qui sera l’année prochaine l’image de marque sonore du prix Gaïa) en usant de la terminologie de l’auteur du Prophète. » Et Shams Nadir de citer ce passage « si éloquent » : « Car les hommes sont des lignes écrites mais avec de l’eau… » 

Un souhait avant de clore cette discussion ? « J’espère revenir à Beyrouth dans des conditions moins chargées pour parler avec mes amis, poètes et intellectuels… » répond l’homme aux vocables d’or, amoureux de la mer et de la Méditerranée.

« Planisphère intime », de Shams Nadir (149 pages, Dergham), préfacé par Alexandre Najjar, disponible en librairie.

À 78 ans, vêtu d’une chemise grise à manches courtes, le verbe haut, la phrase colorée, le regard pétillant, érudit jusqu’au bout de sa corpulente rondeur, le poète, romancier et essayiste tunisien Shams Nadir est un ami de longue date du Liban, qu’il visite pour la troisième fois depuis 1970. Shams Nadir est à Beyrouth à l’occasion de la remise du prix Gaïa 2018 au père...

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