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Culture - Théâtre

À Beyrouth, Adjani et l’amour fol

Quelque 300 happy few ont assisté hier soir à la performance donnée par l’actrice française au Musée Sursock.

L’esplanade du Musée Sursock, dans un « état proche de l’Ohio » avec Isabelle Adjani.


Elle a beau s’avancer vers le devant de la scène, on n’y voit qu’un retour en arrière. Chacun de ses pas de velours réveillant des mélancolies adolescentes rivées sur les posters et les écrans d’où elle nous cambriolait le regard. Isabelle Adjani se tient là, devant nous, à portée de main, et on ne peut s’arrêter de scruter cette créature opaque, indomptable, cette ermite vivante dont le moindre battement de cils suffit à épaissir le mystère qui l’enveloppe depuis ses débuts. 
Sauf qu’hier soir, sur l’esplanade du Musée Sursock, un lieu qui sied bien à son statut de trésor national du cinéma (français), elle a choisi de se vêtir entièrement de noir. Elle a troqué ses verres fumés pour des lunettes de lecture qui laissent deviner des yeux d’un bleu aussi invraisemblable qu’on l’avait imaginé. Elle n’est protégée par aucun décor, aucune fioriture de scène, si ce n’est un fauteuil où elle reprend son souffle et sirote de l’eau gazeuse entre deux lectures. Autre élément du décor : une table en plexi sur laquelle elle cassera lentement cette gangue qui l’a longtemps enfermée dans sa réputation de statue de marbre. Mise à nue, Isabelle Adjani n’a jamais été aussi présente que pour ces « Lectures Intimes de Duras à Dickinson » (proposées par Valérie Six et organisée par 62 events). Ainsi, dès les premiers syllabes de l’extrait d’Écrire de Marguerite Duras qui ouvre la soirée, Adjani la tant rêvée, la tant racontée, se fait conteuse et embarque les présents à bord des pages qu’elle semble presque découvrir. Écarquillés de mascara tels ceux d’une Alice émerveillée, ses yeux parlent, furètent, touchent. 


Escortée par la chorégraphie de ses mains, l’actrice pioche dans les textes – d’extraits De L’Amour de Camille Laurens à Une âme en incandescence d’Emily Dickinson – comme dans un jeu de rôles dont elle incarne, tour à tour, tous les atouts. Et si tous ces écrits sont sous-tendus par le thème de l’amour, à mesure que la représentation progresse, c’est la voix d’Isabelle Adjani, personnage principal de sa représentation qui, capable de toutes les prouesses, assigne à chacun une deuxième vie. On revoit aussitôt l’ondulé vindicatif d’Eliane de l’Été Meurtrier quand elle traverse Les Visages et les Corps de Patrice Chéreau, le regard naufragé d’Adèle H. quand elle susurre la Lettre de Rupture de Françoise Sagan, ou l’élégance farouche de Camille Claudel quand elle réinvente les Correspondances Camus-Casarès de Maria Casarès. Et on se demande presque si tous ces textes n’attendaient pas d’être lus par elle... Grand final avec le poignant En montagne libanaise de Nadia Tuéni qu’Isabelle Adjani interprète avec une telle puissance, que le poème finit par nous renvoyer aux mots de Duras avec lesquels l’actrice avait démarré la soirée : « Écrire, c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. »


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