Rechercher
Rechercher

Liban - En toute liberté

Chacun de nos combats aurait pu fonder une nation

Quel dommage que les Libanais se soient permis de croître, à ce point, dans l’insensibilité aux joies et aux souffrances les uns des autres !
 Il y a quelque chose d’incongru dans les réactions de certains cadres du Hezbollah au succès du film de Nadine Labaki à Cannes. Quel rapport, sinon celui de la concomitance des mois, mai 2018 et mai 2013, entre ce succès et les sacrifices consentis pour Qousseir? Les réactions aux critiques du Hezbollah participent, du reste, de la même incongruité. Pourquoi, sinon par dépit, rester insensible aux sacrifices consentis par le Hezbollah ?
Il fut un temps où l’on pouvait dire que ce sont les maronites qui ont fait le Liban. Un Liban dont l’identité nationale a des racines religieuses, comme l’a bien relevé Jean-Paul II. Mais nous sommes en 2018. Le Liban existe depuis près d’un siècle. Il semble que chaque communauté libanaise est là depuis assez longtemps pour pouvoir dire qu’elle est là depuis toujours; que chaque communauté a payé le prix de sa présence assez cher pour pouvoir dire que cette présence est fondée dans le sang : celui de la résistance aux ingérences et intrusions palestiniennes, celui de la guerre contre les invasions israéliennes, celui qui a été versé dans la lutte contre la volonté d’hégémonie syrienne. Même si chaque guerre a été livrée par une communauté différente, elles ont toutes contribué à forger le Liban où nous vivons. Pourquoi donc le 14 mars est ineffaçable de la mémoire des Libanais? C’est qu’il a été fondé sur le sang de Rafic Hariri, qui a fait pour le Liban autant que toutes les résistances réunies, et rendu possible ce glorieux jour de retrouvailles, qui restera à jamais un moment fondateur de notre unité nationale, en dépit du dissonant « merci à la Syrie » que le Hezbollah a poussé à l’époque.
Diversité, jusqu’au contraste, voilà le maître mot de notre identité ; une identité si forte, si riche et si diversifiée que chacun de nos combats à lui seul aurait pu fonder une nation. Toutefois, le cadre national de notre société plurielle nous met en devoir d’additionner ces combats ; si bien qu’en voulant, chacun, occuper tout le champ politique, nous ne réussirons qu’à créer des dissonances, détruisant là où nous pensons construire.
C’est de la capacité de chaque groupe à percevoir ces réalités, de la capacité à transformer la rivalité politique en émulation spirituelle que dépend notre prospérité ; sachant d’ailleurs très bien que le Hezbollah est une « hala », une situation sociale en même temps qu’un parti, comme le sont d’ailleurs, à des degrés divers, les autres communautés fondatrices du Liban, et qu’en se permettant de critiquer, il faut garder à l’esprit la différence essentielle entre la communauté humaine elle-même et son cadre idéologique et politique.

Culture et divertissement
Mais il y a un autre grand danger qui guette le pays et qui est partiellement responsable du malaise signalé, c’est l’affligeant paysage médiatique qu’il offre. Un paysage éclaté et livré aux divertissements les plus vulgaires, les plus primaires, les plus révoltants. Or, c’est malsain un peuple qui passe son temps à rire grassement et qu’on habitue à croire que c’est bien ainsi que l’on se divertit. À qui la faute ? À qui s’en prendre sinon à nous-mêmes, devant ce paysage médiatique faussé par les idéologies et l’audimat, devant cette absence flagrante d’éducation qui nous fait confondre culture et divertissement, alors que ce dernier n’est qu’une facette de la culture ? C’est là un autre grand défi qui nous est lancé, dans la mesure où la culture est par essence le lieu de la liberté des formes, mais aussi le creuset des valeurs communes où se fondent nos différences, où se résolvent nos conflits, où se perpétue notre vitalité de « modèle » de liberté et de pluralisme – et notre aversion pour toutes les uniformités.
C’est à l’avènement de cette culture, qui englobera également la justice et l’enseignement de l’histoire, que nous aspirons, pour sortir de nos cavernes et ressembler enfin à un peuple. Et ce n’est pas sans appréhension que quelques-uns d’entre nous attendent de voir à qui va échoir le portefeuille de la Culture et de l’Enseignement supérieur.

Quel dommage que les Libanais se soient permis de croître, à ce point, dans l’insensibilité aux joies et aux souffrances les uns des autres !  Il y a quelque chose d’incongru dans les réactions de certains cadres du Hezbollah au succès du film de Nadine Labaki à Cannes. Quel rapport, sinon celui de la concomitance des mois, mai 2018 et mai 2013, entre ce succès et les sacrifices...

commentaires (5)

Une approche humaniste, loin de toute posture polémiste mais sans une once d'angélisme. Puisse Fady Noun être entendu ! Et il a raison, comme Zyad Makhoul récemment, d'insister sur l'importance des portefeuilles de la culture et de l'éducation nationale. Et pourquoi ne pas rappeler Rony arayji à la culture ? Il a montré un grand savoir-faire et zéro sectarisme quand il était aux affaires. Pourquoi ne pas lui confier la mission de poursuivre son œuvre ?

Marionet

20 h 33, le 23 mai 2018

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Une approche humaniste, loin de toute posture polémiste mais sans une once d'angélisme. Puisse Fady Noun être entendu ! Et il a raison, comme Zyad Makhoul récemment, d'insister sur l'importance des portefeuilles de la culture et de l'éducation nationale. Et pourquoi ne pas rappeler Rony arayji à la culture ? Il a montré un grand savoir-faire et zéro sectarisme quand il était aux affaires. Pourquoi ne pas lui confier la mission de poursuivre son œuvre ?

    Marionet

    20 h 33, le 23 mai 2018

  • LES NATIONS SONT FONDEES PAR ENTENTE ET ACCEPTATION DE L,AUTRE ET NON PAR NEGATION !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 35, le 23 mai 2018

  • C comme esperer reunir l'huile et le feu ! laissons passer qqs annees de +, pt't que la situation geopolitique dans la region aiderait le hezb et d;autres a recouvrer leurs sens, se desengager de leurs sponsors, commencer a penser LIBAN

    Gaby SIOUFI

    10 h 25, le 23 mai 2018

  • Le titre de votre article résume et dit tout! La ou je ne suis cependant pas d'accord c'est de mettre au même pied d’égalité les divers combats. Les combats contre les Palestiniens et les Syriens ont été mené en presque grande exclusivité par les Chrétiens, pour eux même bien sur, mais surtout pour préserver la légalité et la souveraineté du pays a tous ces concitoyens sans exceptions. Celui du Hezbollah n'a été fait que pour établir une théocratie qui sera sous la gérance du Fakih. Fashar! Comme ont dit si bien en Libanais! Autrement, je vous rejoins dans votre appréhension sur la personne qui va gérer le ministère de l’éducation. En fait, dite moi de quel ministère ne devrons nous pas nous désoler? Il n'y a pas un seul que ces gens la ont gérer sans qu'il finisse pourrit et corrompu a outrance? mais Dieu est grand et saura protéger ses ouilles de l'ivraie!

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 23, le 23 mai 2018

  • Il est deux cultures en dehors des religions qui ne peuvent s'entendre la culture de la mort et la culture de la vie

    yves kerlidou

    07 h 09, le 23 mai 2018

Retour en haut