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Lifestyle - Exposition

De l’art religieux à la mode, un grand écart très créatif

Entre sacré et profane, « Heavenly Bodies : Fashion and the Catholic Imagination », au MET, est un spectacle à couper le souffle.

« Heavenly Bodies » au MET. Photo S.Z.

Extrêmement médiatisée, l’exposition Heavenly Bodies : Fashion and the Catholic Imagination, qui se déroule jusqu’au 8 octobre au Metropolitan Museum de New York (MET) et au MET Cloisters, est une superproduction magistralement orchestrée. Précédé par un gala exubérant et provocateur, ce spectacle est à la fois magnifique et troublant. Magnifique, parce qu’il permet d’admirer l’extraordinaire créativité de la haute couture d’inspiration religieuse, avec le rôle extravagant de la robe et des accessoires dans l’Église catholique romaine, et troublant, car il mêle le sacré au profane, à l’iconoclaste, voire au sacrilège.

Heavenly Bodies a été possible grâce à des prêts exceptionnels de vêtements, costumes et objets, accessoires et insignes pontificaux de la sacristie de la chapelle Sixtine au Vatican – dont certains n’ont jamais quitté Rome – et plus de 150 ensembles de vêtements séculaires du XXe siècle. Le spectacle, à la fois spirituel et matériel, et éparpillé dans différentes galeries, permet aux visiteurs de jeter un regard neuf sur les reliquaires de bijoux, les madones sensuellement drapées et les tapisseries à thème biblique, en y voyant d’autres possibilités d’appropriation vestimentaire. Ces installations sont souvent à couper le souffle.

La détermination d’Andrew Bolton, conservateur de l’Institut du costume au MET, qui a réussi à convaincre les autorités de l’Église de prêter des objets inestimables du musée du Vatican, ainsi que les efforts des comarraines de l’exposition, la créatrice italienne Donatella Versace et Anna Wintour, rédactrice en chef de Vogue US et directrice artistique de Condé Nast, ont permis de rassembler, pour la première fois dans l’histoire, plus de cinquante vêtements, ornements spectaculaires et objets inestimables du musée du Vatican. Anna Wintour a également joué un rôle-clé dans la transformation d’un événement philanthropique local en événement mondial sur 5th Avenue.

Opulence et pauvreté font bon ménage dans l’histoire de l’Église catholique. Tout au long de cette histoire, l’habillement a consacré allégeances et différences religieuses, et a permis de distinguer les hiérarchies et les genres. Ces vêtements et objets précieux rappellent l’étalage ostentatoire de la richesse et du pouvoir, la beauté et le faste, que l’Église catholique s’est employée à exhiber pour attirer les fidèles dans une appréciation de la gloire de Dieu. À l’occasion, on peut admirer la mitre spectaculaire qui a été présentée au pape Pie XI en 1926 par Benito Mussolini, ainsi qu’une opulente chasuble, brodée pour le même pape, créée en 1926 par les sœurs clarisses, prêtées par la collection des célébrations liturgiques du souverain pontife. Le catalogue de l’exposition, en deux volumes, est riche en essais sur les fondements théologiques et liturgiques des objets ecclésiastiques exposés.

Influence
Heavenly Bodies met en exergue les prêts du Vatican, fleuron des ornements visuellement outrageants, par des créateurs qui se réfèrent à des symboliques catholiques comme les croix, capes, halos, couronnes d’épine et ailes d’anges. Ces œuvres opulentes ornent les mannequins entremêlés dans les fragments architecturaux et objets rituels des collections byzantines et médiévales du MET. La plupart des créateurs représentés ont été élevés dans la tradition catholique romaine, y compris des figures historiques comme Elsa Schiaparelli, Cristóbal Balenciaga, Christian Lacroix, Yves Saint Laurent, Alexander McQueen, et des designers actuels comme Jean-Paul Gaultier, John Galliano, Dolce & Gabbana, Maison Chanel, Gianni et Donatella Versace, Raf Simons et Maria Grazia Chiuri. Les États-Unis sont représentés par Thom Browne et Kate et Laura Mulleavy de Rodarte. Les designers d’Amérique latine, continent d’origine du pape François, sont toutefois absents.

Même si beaucoup d’entre eux ne sont plus pratiquants et que leur relation avec la religion varie considérablement, la plupart reconnaissent son influence significative sur leur imagination. Elle est apparente dans leur utilisation du symbolisme chrétien, telles que la croix et la couronne d’épines. Mais, à un niveau plus profond, elle s’exprime à travers la dépendance des créations sur le récit ou la narration, et spécifiquement sur la métaphore, qui, comme le soutient le sociologue Andrew Greeley, est au cœur de cette sensibilité. Dans son livre The Catholic Imagination, Greeley déclare : « L’imaginaire catholique dans toutes ses manifestations tend à souligner la nature métaphorique de la création. Tout dans la création, du cosmos qui explose au tourbillon, dansant, et complètement mystérieuses particules quantiques, révèle quelque chose au sujet de Dieu et, ce faisant, amène Dieu parmi nous. »

Extrêmement médiatisée, l’exposition Heavenly Bodies : Fashion and the Catholic Imagination, qui se déroule jusqu’au 8 octobre au Metropolitan Museum de New York (MET) et au MET Cloisters, est une superproduction magistralement orchestrée. Précédé par un gala exubérant et provocateur, ce spectacle est à la fois magnifique et troublant. Magnifique, parce qu’il permet...

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