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Culture - Exposition

Le chemin de Palmyre de Talar Aghbashian

C’est un univers d’une surréaliste et captivante abstraction qui émane des peintures de cette jeune artiste libano-arménienne de talent.

« Wash », huile sur toile (90x85cm, 2018).

D’emblée, quelque chose d’étrange et d’accrocheur se dégage de la série d’huiles qu’expose la galerie Marfa’ jusqu’à fin juillet*. Le sentiment ambigu d’une esthétique liée à la finitude, à la vacuité et au chaos… 

Rassemblées sous l’intitulé « Transposition », cette quinzaine de peintures récentes de Talar Aghbashian happent totalement le regard. Elles le déstabilisent, l’obligent à s’interroger, fouiller, forer presque, dans les superpositions de champs visuels qu’elles lui présentent, pour essayer de capter le propos de l’artiste. Et en même temps, elles le transportent, le « transposent » quasiment, dans un univers insolite : un paysage indéfini, hybride, où les accents surréalistes, le rapport à l’intime et à l’organique s’entremêlent pour composer une captivante abstraction. 

De ces paysages de nulle part (issus cependant d’un métissage de lieux et de pays qu’aurait visités l’artiste) se dégage une densité onirique, un accablant sentiment d’irréalité, une tension quasi palpable comme si, sous le regard insistant du spectateur, quelque chose allait se produire. Et pourtant, les éléments constitutifs de ces peintures semblent souvent puiser aux sources d’une inspiration ludique qui donne, par exemple, à un nuage une silhouette de lièvre détalant (dans une toile intitulée Hybride), érige un mur d’eau dans un terre-plein, habille un totem d’une longue chevelure ondulée ou intercale (dans une toile intitulée Inside Out) de drôles de ballons aux formes cylindriques entre des masses évoquant des stèles… 

De l’ambiguïté de la nature…
Cette propension à intervenir sur la réalité, à la déplacer dans un espace d’entre deux, où onirisme et mémoire, fiction et narration tissent, à travers des éléments fragmentés, des liens déroutants n’est pas nouvelle chez Talar Aghbashian. L’artiste, née en 1981 à Beyrouth, a débuté il y a une douzaine d’années sa carrière par une exposition (à l’Institut français) dans laquelle elle transposait (déjà !) sur toile la réalité des clichés photographiques de membres de sa famille arménienne, en y ajoutant, à travers des éléments fragmentés, sa vision fantasmée de leurs destins. 

Par la suite, elle exprimera dans ses peintures son intérêt pour les thématiques liées à l’environnement, à la nature cyclique du développement sociétal ainsi qu’à la déconstruction et la reconstruction.

Mais c’est un voyage à Palmyre, il y a huit ans, qui va totalement changer sa perception du paysage. Sur son chemin, à travers le désert, vers la cité antique, le regard de la jeune femme capte, spontanément, les moindres traces d’installation des populations : cordes, câbles électriques, canalisations ou encore tentes… Autant d’éléments, anodins en milieu urbain, qui deviennent, dans ces vastes espaces vides, des marqueurs de la présence humaine, tout en mettant en exergue son absence. Autant de fragments d’éléments qui vont induire chez elle une nouvelle perspective de la réalité des lieux et des espaces. Lesquels deviennent ainsi, dans sa dernière « cuvée », de mystérieux territoires, chaotiques, accidentés, défragmentés, comme portant les stigmates postapocalyptiques de l’impact des hommes sur la nature. Cette humanité, qui érige autant qu’elle détruit, répare autant qu’elle saccage... Talar Aghbashian la questionne inlassablement dans son œuvre. Et particulièrement dans ses dernières toiles, d’une beauté étrange et ambiguë. À découvrir assurément. Jusqu’à fin juillet. 


*Secteur du port de Beyrouth, 1339 Marfa’. Horaires d’ouverture : du mardi au vendredi, de 12h à 19h et les samedis de 14h à 18h. Tél. : 01-571636.

Parcours d’un talent prometteur


Talar Aghbashian vit et travaille actuellement à Londres, au Royaume-Uni. Elle a une licence en peinture et dessin aux beaux-arts de l’UL suivie d’un master au Central Saint Martins College Of Art and Design de Londres en 2008. Elle a à son actif de nombreuses expositions, dont le XXVIIe Salon d’automne du Musée Sursock (2006-2007), « Rebirth » au Beirut Exhibition Center en 2008 et « Site/Sight » à Dubaï en 2015. Elle a remporté le John Moores Painting Prize en 2016.

Pour mémoire

Des talents jaillissants à la galerie Running Horse



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