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Idées - Tribune

CEDRE : la réunion du 6 avril marque le lancement d’un processus

Ludovic Marin/AFP

Annoncée par le président Macron lorsqu’il avait reçu le Premier ministre, M. Saad Hariri, et le président de la République, le général Michel Aoun, à Paris au tout début de l’automne 2017, la tenue de la conférence CEDRE avait été confirmée par le communiqué final du Groupe international de soutien au Liban dans la première moitié du mois de décembre. La France, qui n’a pas ménagé ses efforts pour mobiliser la communauté internationale, en ayant été à la fois l’hôte et l’organisatrice, je souhaite d’ores et déjà en tirer quelques enseignements.

1. Alors qu’une fraction non négligeable des observateurs pensait qu’il aurait été préférable qu’elle soit reportée après les élections législatives, la conférence peut être considérée comme un plein succès. Elle a réuni toutes les composantes de la communauté internationale autour du soutien à la stabilité économique et financière du Liban. Les contributions annoncées sont venues à la fois des institutions multilatérales (Banque mondiale, BEI, BERD), des institutions régionales (FADES, BIsD) et des bailleurs bilatéraux, qu’il s’agisse des pays du Golfe (Arabie saoudite, Koweït, Qatar) ou des pays de l’OCDE. 

Les engagements pris par l’ensemble des bailleurs ont atteint un peu plus de 11 mds$, ce qui correspond quasi exactement au montant de la première tranche du plan d’investissement (Capital Investment Program) qui avait été préparé par le cabinet du Premier ministre et approuvé par le Conseil des ministres après avoir été dûment évalué par les services de la Banque mondiale. Ce n’était pas acquis a priori. 

2. Au risque de reprendre une image qui a souvent été utilisée, y compris dans d’autres cas, la CEDRE est beaucoup plus une « rue à double sens » qu’une « rue à sens unique ». 

C’est, à la vérité, un contrat de confiance entre la communauté internationale et le Liban. La première a confirmé sa disponibilité à financer la modernisation des infrastructures libanaises et la seconde à engager les réformes nécessaires pour consolider dans les meilleurs délais une situation dont le Fonds monétaire international a récemment souligné la fragilité, afin de donner à la fois aux bailleurs et aux agents économiques (quelle qu’en soit la nature) la visibilité dont ils ont le plus grand besoin. 

Ce n’est ni un chèque en bois (car la détermination et la sincérité des bailleurs ne font aucun doute) ni un chèque en blanc (car ils ne décaisseront que si la situation le permet). Ce n’est pas davantage un faux-semblant ou une mise en scène. Les engagements pris par les bailleurs ont été clairs et précis. L’essentiel des mesures que les bailleurs avaient demandé à la partie libanaise de prendre dès avant la conférence l’ont été, l’adoption du budget de l’exercice 2018 et celle du Code de l’eau notamment. La liste des réformes dont le Premier ministre a indiqué qu’elles devront être engagées sans tarder une fois passé le cap des élections législatives est inédite et ambitieuse. La volonté de réduire le déficit public dans des proportions voisines de 1 % du PIB par an sur une période de cinq ans et de réformer profondément le secteur de l’électricité en augmentant concomitamment la production et les tarifs de l’électricité sont là pour en témoigner. 

3. J’ai entendu un certain nombre d’observateurs dire que les engagements pris dans le cadre de la conférence CEDRE auraient pour conséquence d’alourdir encore un peu plus le poids relatif de la dette publique alors même qu’elle dépasse déjà 150 % du PIB. Je ne partage pas leur analyse. Les emprunts contractés dans le cadre du Capital Investment Program le seront pour financer la modernisation des infrastructures et, par voie de conséquence, celle de l’économie réelle (alors que l’essentiel de la dette publique a été souscrite pour couvrir le déficit public). Les investissements qui seront lancés et financés dans le cadre du Capital Investment Program auront pour conséquence probable, sinon mécanique, de soutenir l’activité économique et, d’une manière plus générale, la croissance, ce qui peut « tirer » à la baisse le ratio dette publique/PIB, comme ce fut le cas entre le tout début des années 2000 et le tout début des années 2010. 

L’essentiel des concours annoncés par les bailleurs dans le cadre du Capital Investment Program sont de nature concessionnelle, c’est-à-dire qu’ils ont toute chance de contribuer à augmenter la durée moyenne de la dette publique et à en diminuer le taux moyen. J’ajoute qu’ils ont vocation à être décaissés, projet par projet, sur une période qui ne sera probablement pas inférieure à six ans. 

4. Comme les autorités françaises l’ont rappelé à plusieurs reprises, la réunion qui a eu lieu le 6 avril est moins, voire beaucoup moins, un point d’arrivée qu’un point de départ. Contrairement aux exercices qui l’ont précédé, la CEDRE a été conçue comme un exercice itératif. 

C’est dans cet esprit et pour cette raison qu’un mécanisme de suivi des engagements pris de part et d’autre va être mis en place sans tarder. Il fonctionnera à la fois au niveau des capitales concernées et au niveau local. Il sera aussi régulier, exhaustif, exigeant et transparent qu’il doit l’être. Il sera essentiel, sinon crucial, pour assurer la crédibilité de l’exercice CEDRE afin d’éviter qu’il ne soit qu’un feu de paille et pour vérifier régulièrement, dans le cadre d’un dialogue ouvert, l’avancement effectif des réformes et celui des projets. 

Le travail le plus dur est probablement devant nous. 


Ambassadeur de France au Liban


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