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Culture - Théâtre

Famille, je vous aime/hais !

L’adoption, un thème attendu dans l’univers des planches libanaises. Et voici qu’arrive aujourd’hui au Monnot « L’inattendue », la pièce d’Alexandre Najjar mise en scène par Lina Abyad. Le rideau est déchiré et se révèlent, entre drame, humour et tendresse, les terribles secrets de famille et les mentalités sclérosées et retorses...

Un vaudeville mouvementé à base d’un poignant drame humain. Photo DR

Une belle et fructueuse rencontre entre Alexandre Najjar, homme de lettres libanais francophone à la production féconde, et Lina Abyad, metteuse en scène dynamique et polyvalente. Rencontre des vocables qui volent comme des bulles de savon et des claques, situations et personnages les plus improbables et pourtant si vrais… Et cela donne une pièce, dans une langue de Molière métissée et farcie d’expressions libanaises, menée tambour battant entre répliques qui font mouche et rythme des comédiens nerveux et accéléré. Pour faire éclater au grand jour l’abcès des choses longtemps cachées et tues comme une tare et une honte !
Dans un décor bourgeois élégant, une brochette d’une dizaine d’acteurs reconstitue le puzzle d’une vie et d’une famille marquées par le sceau d’une enfant abandonnée et adoptée par un couple de médecins français. Comme une ronde bien bouclée, tout commence par un air de piano de Chopin qui ouvre la pièce et la clôt.
Assise devant le clavier avec son prof de musique, Clémence, la jeune fille adoptée, décide d’aller à la recherche de sa famille biologique au Liban. On n’ouvre pas impunément les portes fermées. Car les surprises, bonnes et mauvaises, vont tomber en cascades fracassantes et vertigineuses…
La pièce raconte l’arrivée impromptue d’une jeune fille parfaitement étrangère et comme il faut, sauf le handicap d’un seul poumon, au sein d’une famille qui a cru bien enterrer ses secrets et soigneusement camoufler « la poussière sous le tapis », comme le souligne l’auteur des Exilés du Caucase.
Dans cet intérieur se déroule paisiblement un quotidien ponctué de douces habitudes d’un fils paraplégique sur une chaise roulante, un jeune homme barbu, incarnation un peu insipide du jagal, une jeune fille éprise de lingerie fine et de son corps canon qu’elle exhibe en toute impudence, un père un peu balourd, le tout chapeauté par une mère gorgone aux confins d’une Génitrix mauriacienne. Et, cerise sur le gâteau, une amie, la bobonne Georgette (tout le monde a une Georgette dans sa vie et son voisinage !), qui jacasse, cancane et vole subrepticement au salon les bonbons de leurs présentoirs…

Amertume
Atmosphère d’auberge espagnole dans cette maison, entre cris hystériques et liberté étouffée, avec une mère bigote et dans la crainte maladive du qu’en-dira-t-on… Et débarque Clémence, comme un archange exterminateur, avec juste le besoin de savoir les raisons de son abandon. C’est effarée et tombant des nues que la fratrie se découvre. Et les langues se délient, les (dés)affections se nouent et se dénouent. Pleuvent brusquement jugements, culpabilisation et accusations. Le passé est farouchement revisité et la société libanaise est dénoncée dans ses peurs, son hypocrisie, son comportement bancal, sa lâcheté, ses cachotteries, sa soumission, sa résignation, ses faillites, ses manques. Il est clair que les handicapés au pays du Cèdre n’ont pas de place au soleil, pas plus qu’aux meilleures loges. Un constat clair et lucide, même si l’amertume et les pointes de révolte l’emportent parfois. Mais c’est un bon rappel à l’ordre et un vibrant appel à l’éveil des consciences, à l’altérité, à la solidarité.
Les acteurs, quoique de teneur d’interprétation inégale, sont tous bien dirigés et donnent le meilleur d’eux-mêmes. Le texte d’Alexandre Najjar ne vise pas seulement la francophonie, car son ton est délibérément libre et mélange en une fantaisie dosée phrases françaises et de très nombreuses expressions dialectales libanaises. Un mélange des genres qui réussit à la pièce et apporte du sang neuf à ce vaudeville mouvementé à base d’un poignant drame humain.
Une pièce qui interpelle. On n’en sort pas indifférent. Sur les êtres, sur la société, sur les rapports humains. Malgré la crudité des questions soulevées, tout cela est amené avec tact, intelligence, finesse, humour, tendresse et beaucoup d’émotion. Devant une salle comble religieusement recueillie pour l’avant-première, un bon moment de théâtre.

Fiche technique


Texte : Alexandre Najjar
Mise en scène et scénographie : Lina Abyad
Production : Josyane Boulos
Musique : Nicolas Chevereau
Lumière : Hagop Der Ghougassian
Acteurs : Mike Haroutioun Ayvazian, Walid Arakji, Tony Balabane, Josyane Boulos, Nicolas Chevereau, Donia Eden, Ali Farhat, Charbel Sahyoun, Yara Zakhour et Lina Abyad.

Théâtre Monnot
« L’inattendue » d’Alexandre Najjar, mise en scène de Lina Abyad
Jusqu’au 22 avril, de jeudi à dimanche, à 20h30
Billets à la librairie Antoine

Une belle et fructueuse rencontre entre Alexandre Najjar, homme de lettres libanais francophone à la production féconde, et Lina Abyad, metteuse en scène dynamique et polyvalente. Rencontre des vocables qui volent comme des bulles de savon et des claques, situations et personnages les plus improbables et pourtant si vrais… Et cela donne une pièce, dans une langue de Molière métissée et...

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