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Agenda - anniversaire

Sélim Abou a quatre-vingt-dix ans

Le Père Sélim Abou.

Le père Sélim Abou a aujourd’hui quatre-vingt-dix ans. Une vie commencée au siècle dernier quand la France exerçait son mandat et qu’un État s’édifiait sur le fond estompé d’un souvenir d’empire.
Son éducation chez les pères de la Compagnie de Jésus fut un moment marquant de sa vie. Elle fut déterminante à la fois de sa vocation de prêtre et de celle d’éducateur. Unique et inséparable destin noué en une gerbe intellectuelle et spirituelle. Mais qu’on ne croit pas que cette vie vouée à l’enseignement, la recherche et une quête du plus grand sens fut seulement académique ou de transmission de la foi et du savoir. Elle fut civique. Le combat de l’intellectuel fut celui du citoyen. Et les deux ceux d’un résistant.
Aux moments les plus sombres de l’histoire du Liban, Sélim Abou s’attacha à en défendre l’existence libre ; lui qui en avait théorisé les fondements culturels. Face à la complaisance de politiques, de dignitaires et d’intellectuels devenus hommes liges, thuriféraires ou plumes serves, il se dressa en homme libre. Il défendit les libertés, appela au recouvrement de la souveraineté et fustigera l’occupation du territoire et la présence des occupants. Plus que tout, il s’élèvera contre la culture de servitude, rappelant l’importance d’un Liban ouvert sur le monde, pluraliste, attaché aux valeurs de tolérance et de dialogue, dénonçant l’uniformité idéologique et cette fausse solidarité arabe dont la Syrie arguait pour mieux camoufler son emprise. À la Saint-Joseph, devant l’université réunie, le discours attendu du recteur Sélim Abou s’adressait à tous les Libanais. Sélim Abou était alors, et le demeure, l’homme des constantes libanaises, à l’instar du patriarche Sfeir. Les historiens de la guerre libanaise se souviendront de ces deux hommes de foi et de combat qui se sont hissés à la hauteur de l’événement et restèrent sourds aux sirènes du renoncement.
Que pense Sélim Abou des réalités libanaises d’aujourd’hui ? Que dit-il du Liban dont il avait su maintenir et défendre le cap vers la liberté? Que connaît-il du Liban libéré de l’occupation militaire étrangère mais non encore tout à fait libre? Dans la cruelle solitude du temps, au jour de son anniversaire, sait-il la reconnaissance de tous ceux qui célèbrent avec lui la force de croire et les raisons d’espérer qui restent pour toujours les siennes ?

Joseph MAÏLA
Ancien vice-doyen de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth.
Ancien recteur de l’Institut catholique de Paris.

Le père Sélim Abou a aujourd’hui quatre-vingt-dix ans. Une vie commencée au siècle dernier quand la France exerçait son mandat et qu’un État s’édifiait sur le fond estompé d’un souvenir d’empire. Son éducation chez les pères de la Compagnie de Jésus fut un moment marquant de sa vie. Elle fut déterminante à la fois de sa vocation de prêtre et de celle d’éducateur. Unique...