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Moyen Orient et Monde - Témoignages

Deux rescapées libano-américaines de la fusillade de Parkland s’engagent pour le contrôle des armes à feu

Christine et Florence Yared reviennent pour « L’Orient-Le Jour » sur les événements tragiques et racontent leur engagement au sein de l’organisation des « Marches pour nos vies », prévues samedi aux États-Unis.

La Libano-Américaine Christine Yared brandissant une pancarte sur laquelle est écrit « Protégez les enfants, pas les armes à feu » lors d’un sit-in organisé par le mouvement « Never Again », lors d’un rallye à Fort Lauderdale, en Floride, le 17 février 2018.

Il y a plus d’un mois, un événement tragique venait ébranler la vie de la paisible communauté de Parkland, dans le sud de la Floride. Armé d’un fusil d’assaut, un ancien élève tuait, en l’espace de quelques minutes, quatorze étudiants et trois enseignants du lycée Marjory Stoneman Douglas. Cette fusillade venait s’ajouter à la déjà trop longue liste des massacres à l’arme à feu perpétrés dans des écoles aux États-Unis. Plusieurs autres s’y sont ajoutées depuis le 14 février, la dernière ayant eu lieu mardi, dans un lycée du Maryland, où un étudiant a blessé deux personnes. 

La fusillade de Parkland aurait pu, comme les précédentes tragédies du même genre, mobiliser l’opinion publique pendant quelques jours seulement. Mais les étudiants du lycée Marjory Stoneman Douglas en ont décidé autrement. Déterminés, ces jeunes ont créé leur propre mouvement de contestation, « Plus jamais ça » (Never Again), réclamant un contrôle strict de la vente d’armes à feu. Une initiative qui a, en quelques semaines, pris une ampleur nationale.

Parmi ces jeunes qui montent au front face au puissant lobby des armes à feu, Florence et Christine Yared, elles-mêmes rescapées de la fusillade de Parkland. Ces deux sœurs d’origine libanaise, de 17 et 15 ans, partagent désormais leur temps entre les cours, leurs activités extrascolaires et l’organisation des « Marches pour nos vies » (March for Our Lives) prévues samedi dans tous les États-Unis, et visant à demander un meilleur contrôle des armes à feu pour que, « plus jamais », des drames comme celui de Parkland n’aient lieu. 


(Lire  aussi : Les élèves américains lancent un appel contre les armes à feu)


Un retour à la normale...ou presque

Le jour de la fusillade de Parkland, Christine était en classe. Lorsque le tireur a fait irruption dans le bâtiment, elle s’est cachée, avec ses camarades, pendant plus d’une heure et demie, dans un placard, raconte-t-elle à L’Orient-Le Jour. Florence, elle, était à l’extérieur des bâtiments, sur le campus, lorsque l’alarme-incendie a retenti, suivie de coups de feu. « Quand nous avons entendu les détonations, personne n’a réalisé que quelqu’un tirait. On n’est pas supposé entendre des coups de feu dans l’enceinte d’une école », raconte l’aînée des deux sœurs. Grâce à leur téléphone portable, les deux jeunes filles ont pu prévenir leur famille qu’elles étaient saines et sauves avant d’être évacuées. Dix-sept de leurs camarades et professeurs n’ont pas eu cette chance. 

« Certains élèves ont perdu un frère ou une sœur, des amis, des professeurs ont perdu des élèves... D’une certaine façon, ce drame nous a tous rapprochés », estime Christine. Sa grande sœur explique que de nombreuses mesures ont été prises, après la tragédie, pour aider les jeunes à évacuer leur stress et surmonter le traumatisme. En plus des psychologues à l’écoute des élèves, des chiens d’assistance psychologique ont notamment été introduits sur le campus dans le cadre d’un processus de zoothérapie. « Maintenant, tout semble revenu à la normale, nous avons de nouveau des devoirs à rendre et des tests à passer », explique Christine, soulignant toutefois que « malgré tout, les choses sont différentes, et elles le resteront longtemps ». 


(Lire aussi : "Plus jamais ça" : le cri des élèves américains contre les armes


« S’engager pour faire changer les choses » 

Au-delà du soutien psychologique, c’est aussi dans leur engagement dans le mouvement « Never again » que les sœurs Yared trouvent la force de surmonter cette épreuve. 

Pour Christine, auteure d’une tribune poignante dans le New York Times réclamant « que soit exposée au grand jour la vérité sur la violence armée et la corruption qui entoure le commerce d’armes » aux États-Unis, cet engagement paraissait évident. « J’ai toujours été très intéressée par la politique. Depuis que je suis en cinquième (10-11 ans), je lis la presse, je prends position sur les événements », explique la jeune fille qui veut devenir avocate puis juge à la Cour suprême.

Les choses n’étaient pas aussi claires pour Florence, pourtant présidente du Business club du lycée qui promeut des valeurs comme la bonne gouvernance et la citoyenneté. « J’avais toujours pensé que la politique contribuait à éloigner les gens les uns des autres. Mais je me suis rendu compte qu’ignorer les problèmes ne les fait pas disparaître et que s’engager est essentiel », souligne la jeune fille qui avait lancé, dans un discours prononcé lors d’un sit-in à Tallahassee à la mi-février, que les jeunes Américains qui « allaient bientôt être en âge de voter » comptaient « mettre dehors » les responsables actuels.

Que revendiquent, aujourd’hui, les jeunes engagés dans le mouvement « Never again » ? Un meilleur contrôle des antécédents des personnes souhaitant acquérir des armes à feu ; le relèvement de l’âge minimum pour l’achat d’armes (en Floride, les moins de 18 ans ne peuvent acheter ni posséder d’armes à feu, sauf s’ils ont la permission d’un parent ou tuteur) ; l’établissement de registres des détenteurs d’armes à feu ; et l’interdiction de vente de « bump stocks », ces dispositifs qui transforment des armes semi-automatiques en mitrailleuses automatiques. 


Des « Marches pour nos vies » 

Pour faire bouger les choses, Florence, Christine et tous les étudiants mobilisés misent particulièrement sur la conscientisation, notamment à travers les « March for our lives » (Marches pour nos vies), organisées ce samedi à travers tout le pays. Florence fait partie du groupe de jeunes en charge de l’organisation de la marche qui aura lieu à Washington ; Christine fait, elle, partie du comité qui gère l’événement prévu à Parkland.

« Nous voulons montrer que notre petite communauté de Parkland a été transformée par les événements, en est ressortie plus forte que jamais et continuera à se battre », souligne Christine. Florence envisage les choses à plus grande échelle. « Les marches pour nos vies auront lieu partout, et si nous affichons un front uni, nous pourrons changer les choses », affirme-t-elle. « Nous pouvons faire évoluer l’opinion des gens, faire en sorte que les politiciens opposés au contrôle des armes perdent leurs soutiens et ne soient plus réélus », insiste Christine. 

Pour ce qui est de l’organisation de ces marches, les deux jeunes filles expliquent recevoir le soutien du mouvement national « Every town against gun violence » (Toutes les villes contre la violence armée). « Nous sommes tous mineurs, nous n’avons vraiment ni le pouvoir ni l’expérience pour gérer des événements de cette ampleur », reconnaît Christine, l’artiste de la famille qui, en plus de son penchant pour l’écriture, joue du piano. « Cette organisation nous aide pour toute la logistique : le financement, les mesures de sécurité, le matériel, etc. » Pour la manifestation de grande ampleur prévue à Washington, outre cette organisation, le mouvement « Moms demand action » est fortement impliqué, ainsi que « de nombreuses célébrités qui ont contribué en versant des fonds, notamment Oprah et les Clooney », précise Florence. 


« Un pas dans la bonne direction » 

L’indignation et la mobilisation qui ont suivi la fusillade de Parkland semblent déjà avoir fait, un peu, bouger les choses. Le 6 mars, le Sénat de l’État de Floride a adopté une loi autorisant la police à confisquer temporairement les armes à feu des personnes considérées dangereuses par la justice. Ce texte prévoit aussi de relever l’âge minimum d’achat d’une arme de 18 à 21 ans, et d’interdire la vente des bump stocks. Le 14 mars, c’est un texte de loi relatif au financement du soutien des écoles et des autorités locales afin d’empêcher de nouvelles tueries qui était approuvé par la Chambre des représentants. Ce texte prévoit 50 millions de dollars à des formations, des dispositifs de signalement, d’évaluation des menaces et l’amélioration de la coordination entre écoles et police. Il doit encore être approuvé par le Sénat, mais le président Trump a d’ores et déjà annoncé qu’il le signerait sans hésiter.

Si le chemin vers un contrôle plus strict des armes reste très long, et que le lobby pro-armes, la National Rifle Association (NRA), est lui aussi lourdement mobilisé pour contrecarrer toute évolution de la législation, Christine estime néanmoins que les avancées précitées constituent « un pas dans la bonne direction ». « Cela prouve qu’un compromis est possible et que ce problème n’est pas une affaire politique opposant les républicains et les démocrates, estime la jeune Libano-Américaine. Il s’agit d’une question d’humanité, du futur de tous les enfants d’Amérique. »


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commentaires (1)

On ne dit rien quand des libanais se font tuer aux usa , mais on hurle à la mort quand c'est ailleurs . Le problème c'est qu'il n'y a pas ailleurs qu'aux USA que Cela puisse arriver nos compatriotes .

FRIK-A-FRAK

10 h 00, le 22 mars 2018

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Commentaires (1)

  • On ne dit rien quand des libanais se font tuer aux usa , mais on hurle à la mort quand c'est ailleurs . Le problème c'est qu'il n'y a pas ailleurs qu'aux USA que Cela puisse arriver nos compatriotes .

    FRIK-A-FRAK

    10 h 00, le 22 mars 2018

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