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Culture - Portrait

Dans l’ADN de Dominique Dalcan, la victoire et... le Liban

Ce personnage-clé de la fameuse French Touch et de la musique électronique française, « victoirisé » en 2018, a fait un coming out particulier en dévoilant ses origines libanaises. Son histoire est singulière, unique, profonde, et marque un tournant dans son parcours musical, pourtant déjà riche.

Dominique Dalcan, un musicien français à la recherche de ses origines... libanaises. Photo D.R.

Un talent particulier, une gueule mémorable, un charisme discret, une pudeur touchante, et donc un parcours unique. Dominique Dalcan est décidément un personnage hors du commun. À la fois acteur central de la musique électronique hexagonale parce que présent depuis, voire avant la vague French Touch, il est aussi à la marge car jamais là où on l’attend et toujours à la recherche de nouveautés. Sa carrière vient d’être couronnée par une Victoire de la musique pour le meilleur album de musique électronique (ou de danse), appelé Temperance. Ce n’est que justice pour un artiste présent sur les scènes depuis plus de 20 ans.

Créateur bicéphale, il mène de front une carrière d’artiste pop depuis 1992 et électronique depuis 1996, avec son avatar Snooze. Il fait alors partie de la French Touch, est une coqueluche de la presse anglo-saxonne et française au même titre que les Daft Punk, Air ou Laurent Garnier, mais ses morceaux ne suivent pas le même parcours commercial. Il est la partie immergée de l’iceberg House. Il influence, il ouvre des voies, modernise, remet déjà en question une musique pourtant adolescente.

Son premier album, The Man in the Shadow, est un chef-d’œuvre, mélange de dub, de jazz, de hip-hop et de drum & bass, il a 10 ans d’avance à sa sortie, et est toujours actuel aujourd’hui. À partir de cet album, Dalcan n’aura de cesse de faire évoluer sa musique, incluant des influences brésiliennes, jazz et même country. Cette recherche continue des formats et des sons se répercute aussi sur ses chansons pop, au point que le quotidien Le Monde le consacre, en 2006, « pionnier de la pop française ». Sans doute parce qu’il est autodidacte, Dalcan ne se limite jamais, il expérimente toujours, recherche sans arrêt. Sa double carrière lui permet de collaborer avec des artistes aux univers totalement différents, à la gauche avec Zazie, Camille ou Hubert Felix Thiefaine, à la droite avec Isolée, Fila Brazilia ou Ryuichi Sakamoto. Il compose aussi des génériques pour la télévision, émissions ou séries, vend des synchronisations pour des publicités et fait des bandes originales pour le cinéma et des auteurs majeurs comme Xavier Dolan ou Jonathan Demme.

On pourrait croire le bonhomme arrivé, satisfait. Mais il vit, en cachette, un tourment personnel, une cassure familiale. Élevé par des parents qu’il respecte plus que tout, il est en fait un enfant adopté. Noisy-le-Grand l’a vu grandir, mais Beyrouth l’a vu naître en 1964. Comme un Moïse sauvé des eaux, c’est la crèche Saint-Vincent-de-Paul qui ramassera le petit panier et sera son tremplin vers la France et des parents aimants. Toujours au courant de ses origines mais voulant respecter le couple qui lui aura consacré sa vie, il attendra que ses parents disparaissent pour commencer sa vraie recherche, celle de ses origines.

Son premier voyage au Liban, en 2017 et à l’invitation de l’Institut français, lui permettra de mettre un premier pied chez lui. Mais est-ce chez lui ? Et d’ailleurs, qui est-il vraiment ? Il lui est impossible de vraiment savoir d’où il vient. Il n’a aucune information sur ses géniteurs. Ses parents adoptifs ont toujours été en relation avec la crèche, mais celle-ci n’avait aucun rapport avec les autres. Enfant du Liban, artiste profond, homme de réflexion, il veut travailler sur ses origines, son appartenance à un peuple qu’il essaye d’appréhender. Là où le Libanais se définit par sa religion, son village, sa famille, lui cherche à savoir comment ressembler, comment rassembler. Comment être libanais sans savoir comment se définir aux yeux des autres Libanais, comment se mettre dans une case. Son adoption est un sujet sensible, mais pas tabou, et est aujourd’hui la partie centrale de son futur artistique et familial. Car comme tous les voyageurs, il a été marqué par son premier séjour, par la générosité, par les paysages, en béton ou en vert, par le rôle rassembleur de la cuisine et des repas, par l’ouverture de la scène musicale, par l’énergie sonore de la ville, par l’attraction ambivalente de Beyrouth. Ville clivante par excellence, Beyrouth détourne autant qu’elle attire, on la fuit autant qu’on veut la vivre, on la craint autant qu’on l’aime. Le psychologue de comptoir aime à simplifier les choses et trouver des explications à tout. Il trouvera certainement que Dalcan vivait sa double culture par le prisme de ses carrières parallèles, et compensait le manque de recherche sur ses origines par des recherches musicales continuelles. Aujourd’hui, et alors que sa carrière vit un moment de gloire, il décide de tout mettre à plat et de commencer la plus grande aventure de ses vies personnelle et professionnelle. Espérons que le Liban ne l’abandonne pas.

Un talent particulier, une gueule mémorable, un charisme discret, une pudeur touchante, et donc un parcours unique. Dominique Dalcan est décidément un personnage hors du commun. À la fois acteur central de la musique électronique hexagonale parce que présent depuis, voire avant la vague French Touch, il est aussi à la marge car jamais là où on l’attend et toujours à la recherche de...

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