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Culture - En librairie

Adonis est chassé du Yoga, et Jad Abdallah distribue les baffes...

Fresque d'un Liban contemporain en proie à une modernité et une urbanité toujours plus grandes, ce roman n'en rate pas une pour épingler la bonne société bourgeoise-bohème beyrouthine.

Jad Abdallah. Photo DR

« Je vois que la société libanaise devient (sans le savoir) le plus grand ennemi du Liban. » Jad Abdallah ne mâche pas ses mots. Dans son premier roman, Adonis chassé du Yoga, la fancy society beyrouthine en prend pour son grade. Le personnage principal, tout juste revenu d'Italie à la mort de son père, se présente au lecteur comme témoin d'une société qui se suicide lentement. Les premières lignes du roman marquent le ton : le yoga, les livres de Paul Coelho et les life coaches prennent les premières gifles. Le style est cassant, direct et ravageur, on passe d'une phrase à l'autre avec plaisir, le même plaisir peut-être qu'on a pu avoir en lisant Frédéric Beigbeder cracher sur son propre monde.

Évidemment, cette société en principe beyrouthine (l'action se déroule dans un pays du Levant jamais nommé) est critiquée pour son matérialisme, sa vacuité et sa superficialité. Adonis est à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de ce monde qu'il abhorre : dedans, puisque socialement issu de ce milieu, et dehors, parce qu'il se pose en observateur désabusé, voire haineux, d'une « société qui massacre la spontanéité et glorifie l'imitation, l'uniformité ».

Cette société détestée, Jad Abdallah l'oppose (un peu facilement ?) à un passé fantasmé, cultivé et brillant, celui des Phéniciens, d'Hannibal Barca, de Pythagore ou de Sanchuniaton. À de nombreuse reprises, des intermèdes historiques viennent couper le récit. Le narrateur évoque ce temps passé, glorieux, béni de l'ancienne Carthage et de la Phénicie. Le ton est nostalgique, quasiment rêveur, et à dessein : ces contrepoints projettent la narration dans une dimension onirique que recherche le romancier. Jad Abdallah le confesse : « Je considère que réalité et rêve sont deux choses identiques, d'où le choix de les associer d'une manière fluide. » L'auteur tisse un récit à plusieurs niveaux, où réalité et fiction s'enchâssent et construisent un narration discontinue, « non linéaire », selon ses propres mots. L'ensemble crée un effet de vertige, partagé entre le personnage et le lecteur qui interroge notre propre rapport au réel et à la fiction.

Pour autant, on peut regretter une chose : le roman nous embarque dans une intrigue quasi policière – le vol d'une statuette – qui n'est jamais vraiment développée. On comprend que cette intrigue n'est que prétexte pour décrire le quotidien d'Adonis, et qu'elle n'a pas de véritable intérêt en tant que telle. Mais la présence d'une pareille histoire laissait espérer une raison d'être un peu plus poussée qu'un simple faire-valoir. Délaisser son intrigue n'est jamais anodin, et on ne comprend pas vraiment ici ce qui pousse l'auteur à avoir choisi d'en initier une, sans pour autant la pousser jusqu'au bout.

Cette interrogation ne retire cependant pas au roman le charme de son écriture nerveuse, ni l'humour acéré avec lequel il moque la bonne société libanaise, ni le très intéressant rapport au rêve qu'il a su créer. Adonis chassé du Yoga s'offre comme un roman plein de surprises et très prometteur pour les ouvrages à venir de Jad Abdallah.

« Je vois que la société libanaise devient (sans le savoir) le plus grand ennemi du Liban. » Jad Abdallah ne mâche pas ses mots. Dans son premier roman, Adonis chassé du Yoga, la fancy society beyrouthine en prend pour son grade. Le personnage principal, tout juste revenu d'Italie à la mort de son père, se présente au lecteur comme témoin d'une société qui se suicide lentement. Les...

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