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Diaspora - Ouvrage

Sarah Richani, une analyse du système médiatique libanais vu de l’étranger

L'auteur, dont le livre a été publié récemment aux États-Unis, tente une approche différente pour un sujet complexe.

Sarah Richani, un regard de l’étranger sur les médias du Liban.

Évaluer le système médiatique libanais, revenir sur ses difficultés, les périodes et les crises les plus complexes qu'il traverse, le décrypter en le comparant à d'autres, ailleurs dans le monde... tels sont les objectifs de l'écrivaine d'origine libanaise Sarah Richani, auteure d'un livre ayant pour titre Liban : l'anatomie d'un système médiatique en perpétuelle crise. L'ouvrage a été publié récemment aux États-Unis.
Dans le passé, plusieurs analystes avaient tenté de décrire le système médiatique libanais en se basant sur la religion ou les confessions, les pressions extérieures et les dissensions internes. Mais aucune de ces analyses n'a pu en saisir toutes les subtilités, le paysage médiatique libanais étant particulièrement difficile à cerner. Ses complexités, ses spécificités n'ont pourtant pas découragé Sarah Richani qui a entrepris une profonde recherche théorique et pratique en vue de publier ce livre qui se démarque par sa démarche.
En effet, dans cet ouvrage volumineux publié par la prestigieuse maison d'édition Palgrave Macmillan, l'auteure fonde sa thèse en considérant le système médiatique libanais sous un angle comparatif. Dans le cadre de son travail, Sarah Richani a interviewé plus de soixante personnes du monde médiatique, et des membres de partis politiques, de la société civile ou des représentants de l'État. L'auteure a été invitée récemment au Center for Lebanese Studies du Saint Anthony's College de l'université d'Oxford. Elle avait obtenu son doctorat dans le domaine de la communication internationale et de l'étude comparative des médias à l'Université d'Erfurt, en Allemagne.
En se basant notamment sur le fameux ouvrage de Daniel Hallin et Paolo Mancini*, Sarah Richani classe le système médiatique libanais dans la première catégorie décrite dans l'ouvrage des deux experts, en l'occurrence dans la catégorie « méditerranéen » (en d'autres termes, caractérisé par une faible circulation de la presse, un niveau significatif d'intervention de l'État et un fort taux de clientélisme). Cela dit, le mérite de la chercheuse est d'aller au-delà de ces facteurs menant à cette catégorisation et d'en proposer d'autres bien spécifiques à notre système.
Remodelant presque les sous-indicateurs (de cette classification), elle aborde donc divers points intéressants. Elle décrit ainsi la manière spécifique de l'État libanais d'intervenir dans la sphère médiatique, ainsi que la culture libanaise concernant l'État de droit et le rôle primordial que peuvent jouer des acteurs non étatiques qu'il faut prendre en considération.

Des journalistes qui excellent malgré tout
Mais ce n'est pas tout. La chercheuse revient profondément sur un facteur essentiel qui est la faible superficie de notre État, considéré comme un petit pays, et les divers conflits qui le secouent. Pour elle, ces derniers ont une grande influence sur le système médiatique. Par crise, elle sous-entend non seulement les crises politiques, mais les crises économiques.
En vue de mieux expliciter ces propos, la chercheuse revient sur un exemple précis. « En 2004, lorsque le ministre et député Marwan Hamadé est visé par un attentat, les dissensions politiques touchent le pays profondément, écrit-elle. Résultat, les publicités diminuent et les connexions entre les médias et les politiques se développent. Durant de telles périodes, les médias ont recours à la politique politicienne pour pouvoir survivre. Le marché de la publicité devient beaucoup plus limité et le poids de la politique sur les médias se fait alors réellement sentir. »
Mais attention, malgré cette influence, Sarah Richani insiste sur un point précis. « En dépit de ces crises, les journalistes libanais excellent dans leur travail, affirme-t-elle. Ils arrivent même à promouvoir la liberté de presse dans le monde arabe. D'ailleurs, leur professionnalisme et leur intégrité leur permettent d'être très recherchés par des médias arabes qui sont très encouragés à les embaucher. »
Le nouveau livre de Sarah Richani a déjà reçu le soutien de plusieurs chercheurs provenant des États-Unis, de Grande-Bretagne et d'Allemagne. Il est à mettre vivement entre les mains de tous ceux qui veulent mieux comprendre le système médiatique libanais. Lebanon : anatomy of a media system in perpetual crisis est disponible sur le site en ligne de la librairie Antoine, ainsi que via ce site web: http://www.palgrave.com/us/book/9781137602800#aboutAuthors

* Rappelons que David Hallin et Paolo Mancini ont proposé, dans leur ouvrage intitulé « Comparing Media Systems » (Réseaux, 6/2005 (n° 134), pp. 280-283), une configuration et une division des systèmes de presse et de journalisme en trois modèles: le « méditerranéen » qui est particularisé par une faible circulation de la presse, un niveau significatif d'intervention de l'État et un niveau fort de clientélisme; le « Nord-Central européen » qui est singularisé par une forte circulation de presse, des institutions du journalisme fortes et professionnelles, et une tradition de groupes d'intérêt bien organisés ; enfin, le « Nord-Atlantique ou libéral » dont le niveau de diffusion est moyen, la presse tendanciellement peu politisée, le journalisme fortement professionnalisé et une domination des logiques de marché sur l'intervention publique.

Cette page est réalisée en collaboration avec l'Association RJLiban.
E-mail : monde@rjliban.com – www.rjliban.com

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