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Culture - Livre

Colette et consœurs : un quatuor de femmes libres

« Colette et les siennes » de Dominique Bona (Grasset, 427 pages), un livre choral où l'auteure de « Gigi» et « Chéri », rejointe par ses amies de cœur, rayonne dans sa maison à Passy, dans un Paris sans hommes (la guerre de 14-18).

Colette. Leemage/AFP

Pour faire échec à la solitude et à l'ennui, Colette, isolée à la rue Cortambert, à l'orée du Bois de Boulogne, est toutefois entourée par trois autres femmes non moins indomptables qu'elle. Dans ce singulier gynécée s'épanouissent et se lovent donc quatre figures féminines, à la fois muses turbulentes et créatrices de talent : la romancière Colette, la comédienne Marguerite Moreno, la chroniqueuse Anne de Pène et Musidora, première vamp du cinéma.

C'est cette amitié, cette solidarité, cette tendresse, ce rapport de soutien et de douce harmonie, cette plongée dans l'art (littérature et spectacle), ce front commun féminin que traque Dominique Bona (prix Interallié, Méditerranée, Renaudot et membre de l'Académie française) dans une histoire qui a toutes les allures d'une biographie. Avec une incroyable légèreté de plume, douce comme une caresse (et qui ne manque pas de coups de griffes !), et un remarquable don de l'observation, surtout aux détails de l'univers et du combat des femmes.

Un épisode de la vie de l'écrivaine peu commenté et peu fouillé où, par-delà un vrai « phalanstère féminin », Dominique Bona restitue une atmosphère particulière où les femmes n'avaient pas encore tous les acquis d'aujourd'hui. Et surtout encore moins de liberté-libération.
Et pourtant, ces quatre amazones, sans corsets, cheveux coupés courts (de vrais garçonnes, Victor Marguerite a dû copieusement s'en inspirer pour le livre-choc qui paraîtra en 1922!) vont, sans broncher, faire couler beaucoup d'encre, susciter la curiosité et braver tabous et interdits.

Mais le quatuor est bien soudé et sourd aux récriminations, aux attaques, aux polémiques virulentes et fielleuses. Ces femmes choisissent en toute impunité leurs amants (elles donneront des leçons d'audace aux « cougars » actuelles), leurs partenaires sexuels, sans avoir froid aux yeux. De même que le saphisme tapageur et la bisexualité de Colette, malgré trois mariages, sont disséqués sans concession...

Quatre beaux portraits de femmes qui ont fait de leur vie, de leur intimité, de leur émotion, de leurs corps désirables et désirés, un atout, une arme, un spectacle, une œuvre d'art. Et que tout Paris a parfois hué mais aussi adoré. Des saltimbanques qui savent faire la fête avec élégance et intelligence.

Dominique Bona ne se contente pas de révéler les secrets de chacune d'elles, son talon d'Achille ou ses préférences cachées, elle ne pioche pas passivement dans leurs écrits ou les revues de presse qui leur ont été consacrées, mais analyse en toute finesse faits et gestes pour un portrait de groupe où transparaissent tous les scintillements culturels et comportementaux d'une époque certes révolue, mais qui a marqué les esprits.

Un livre écrit avec subtilité et profonde documentation (salut en passant à ce style élégant et précis avec une pointe d'humour et de poésie), qui se dévore avec délectation. Une narration colorée, vivante, qui a du panache, de l'allant et où grouille en toute sympathie ce quatuor de femmes sémillantes qui n'oublient jamais, pour être libres et indépendantes, par-delà tout refus de se sacrifier sur l'autel de la maternité, la force et l'importance du travail pour gagner leur vie.

Ici, dans ces pages animées et virevoltantes, les derniers feux de la Belle Époque ont encore beaucoup de lustre et d'éclat. Si les hommes sont au front, leur présence est néanmoins omniprésente. Ces femmes aux tempéraments bien trempés qui attendent (mais elles ne font pas que cela !) leurs mecs, c'est quelque chose.

Par-delà un masque de frivolité et de sensualité, de la richesse et complexité féminine, mais aussi l'insoumission du désir et un intense sens du labeur. Un ouvrage de plus sur l'émancipation féminine sans que l'impérieuse et sulfureuse Colette ne prenne totalement le devant de la scène. À découvrir.

 

Pour mémoire 

Dominique Bona, huitième Immortelle reçue à l’Académie française

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