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Culture - Disparition

La grande sauterelle s’installe au paradis

Dans un jeu de cartes, elle aurait été certainement la reine de cœur – ce cœur qui a lâché Mireille Darc dans la nuit de dimanche à lundi après un long combat.

Difficile d'oublier cette frange de cheveux couleur platine et cette même coiffure immuable qu'elle a gardée (avec de légères modifications quand même) des années durant. Difficile d'oublier cette moue un peu boudeuse, un peu mutine. Difficile d'oublier ces longues jambes incroyables bien avant Adriana Karembeu ou Heidi Klum. Ces jambes interminables qui lui ont valu le surnom de grande sauterelle donné par le réalisateur et scénariste Michel Audiard. Difficile aussi d'oublier ce grand décolleté dans le dos (une robe signée Guy Laroche) et cette chute de reins qui en a glacé plus d'un dans Le grand blond à la chaussure noire, qui laissait le spectateur tout ébahi, comme Pierre Richard.
Mais Mireille Darc ne se résumait pas seulement à une belle plante. Elle était plus que cela. Plus que l'élégance physique, elle avait l'élégance de l'esprit et du cœur. Ce cœur poltron qui a finalement fini par lâcher par ce soir de dimanche.

 

Entre Jbeil et Beyrouth
Actrice symbole des années 60 et 70 (elle avait tourné plus d'une cinquantaine de films avec Georges Lautner, Édouard Molinaro ou Michel Audiard), elle représentait l'insouciance de ces décennies. C'est probablement pour cette raison-là que Lautner avait choisi le Liban comme lieu de tournage de La grande sauterelle en 1966, avec atmosphère légère sur fond de genre policier, car le pays du Cèdre s'y prêtait.

 

 

C'était l'âge d'or, l'âge de la joie de vivre, de la dolce vita. Dans ce film aux dialogues audiardistes, La grande sauterelle donnait la réplique à Maurice Biraud et Hardy Kruger, et sautillait entre Jbeil, Beyrouth et les piscines des grands hôtels de l'époque. Elle avait alors été attendue par des centaines d'aficionados au Liban qui la traquaient sur ses lieux de tournage, ainsi que partout où elle aimait à faire la fête. Plus tard, un concert de Heartbeat à la maison de l'Unesco à Paris auquel elle avait assisté, l'avait rapprochée encore plus des Libanais qui suivaient avec attention la suite de sa carrière.

Ce grand sourire enjôleur et ce regard d'enfant qu'elle dissimulait ces derniers temps avec des lunettes en écailles noires cachaient également tout autre chose. Des blessures de l'enfance, à l'âge où le père, considéré en général comme un héros, vous traite de « bâtarde », ainsi que d'autres cicatrices très nombreuses « de et au cœur »... Plus tard, la disparition de son compagnon, Pierre Barret, ancien patron de L'Express devenu PDG d'Europe 1, décédé en 1989 à l'âge de 53 ans, l'avait laissé ivre de douleur. L'actrice préférée de Lautner et Audiard, l'égérie de Gainsbourg, le temps de quelques titres comme Le drapeau noir/hélicoptère, La cavaleuse ou Entre guillemets, la vamp tellement si française, qui tenait tête aux barbouzes et aux grands du cinéma français comme Jean Gabin et Lino Ventura, était de celles qui ne craignaient pas d'être traitées de sex symbol...

Abandonnée par le cinéma durant les années 80, après son grave accident de voiture, Mireille Darc ne cessait pourtant de sourire et croire en la vie.

 

« Mais je n'ai pas grandi... »
De Pouic-pouic à La barbare (film qu'elle a réalisé elle-même), en passant par Du rififi à Paname, Fleur d'oseille, Le grand blond ou Elle ne boit pas, elle ne fume pas..., l'actrice a sauté tous les obstacles avec panache. Atteinte depuis l'enfance d'un souffle au cœur, elle avait subi en 1980 une opération à cœur ouvert, avant d'être de nouveau opérée en 2013. Hospitalisée fin 2016 après deux hémorragies cérébrales et délaissée par le cinéma, Mireille Darc était revenue dans les années 1990 sur le devant de la scène par la télévision avec des séries, dont une avec son ami de toujours Alain Delon, renouant avec la popularité dans des rôles de femmes décidées et indépendantes. Elle avait aussi réalisé plusieurs documentaires sociétaux, engagés, comme elle. Mireille Darc savait tomber pour mieux se relever.

Mariée depuis 2002 à l'architecte Pascal Desprez, elle semblait goûter pour la première fois au statut conjugal : « C'est le premier qui m'a regardée en tant que femme, non en tant que star », a-t-elle révélé un jour à la presse. Mireille Darc la combattante, la survivante, revenait sur scène pour afficher son large sourire et donner encore de son temps à des œuvres caritatives. Ces dernières années, elle avait réalisé une série de reportages très engagés pour France Télévision, notamment sur les transplantations d'organes, les travailleuses du sexe, les actrices de films pornographiques, ou encore les femmes SDF. Elle avait même confié à Libération : « Les documentaires, c'est ce qui m'a le plus enrichie sur le plan humain. J'ai grandi. Au cinéma, j'ai vécu, j'ai été heureuse, je me suis bien explosé la tête. Mais je n'ai pas grandi. »
« Mireille Darc est partie la nuit, chez elle à Paris. Très entourée jusqu'au bout par ses proches, dont son époux mais également Alain Delon, présent jusqu'à la fin », a dit à l'AFP Annabel Karouby, son agent. Elle est partie doucement et discrètement comme elle a vécu.

Difficile d'oublier cette frange de cheveux couleur platine et cette même coiffure immuable qu'elle a gardée (avec de légères modifications quand même) des années durant. Difficile d'oublier cette moue un peu boudeuse, un peu mutine. Difficile d'oublier ces longues jambes incroyables bien avant Adriana Karembeu ou Heidi Klum. Ces jambes interminables qui lui ont valu le surnom de grande...

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