Une fois passée la porte de l'aile pédiatrique de l'hôpital la Quarantaine, apparaît un autre monde pensé et conçu pour les enfants. Un univers paisible, joyeux et coloré qui cache pourtant l'action effrénée des résidents de garde ce jour-là où des blouses blanches s'agitent méticuleusement. Peu de répit pour ces résidents de l'unité de pédiatrie de l'hôpital gouvernemental de la Quarantaine chapeautée par l'Association d'aide à la mère et à l'enfant (Assameh/Birth and Beyond) du Pr Robert Sacy. Travailler ici est un vrai défi. Trois jours pas semaine pendant trente-six heures d'affilée, les résidents sont sur tous les fronts : visite des enfants, vérification de la tension artérielle des plus petits, prescription des ordonnances, préparation de la nutrition intraveineuse, discussion avec les parents, mais aussi réunion éclair avec les chirurgiens, réanimateurs ou cardiologues.
Ziad Chebel est en tournée ce matin. Ce jeune résident a intégré le service il y a un an au cours de sa première année de spécialisation en pédiatrie. « J'étais le plus enthousiaste, confie-t-il. Quand on travaille avec des enfants, il y a une sorte de magie. Les nouveau-nés ne peuvent pas expliquer leur souffrance. C'est donc au pédiatre de diagnostiquer une douleur qui ne peut pas être dite. »
En partenariat avec l'hôpital universitaire Saint-Georges de Beyrouth, les résidents travaillent entre trois et quatre mois par an à l'hôpital de la Quarantaine. « Pour moi qui viens du Akkar, région délaissée et oubliée par l'État, voir qu'ici la qualité des soins, la technologie et l'engagement du personnel sont accessibles à tous m'a énormément touché », ajoute le jeune homme, ému.
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Libanais ou réfugiés, prématurés ou enfants en bas âge, tous ont accès à ce service qui prend en charge les frais des soins et des traitements. « Souvent les gens sont surpris, car au Liban les hôpitaux publics comme celui de la Quarantaine ont mauvaise réputation », regrette-t-il. Pourtant, à la pointe de la technologie en chirurgie néonatale, l'unité a permis en 2017 à près de 600 enfants vulnérables d'accéder gratuitement à des soins intensifs, comme la petite Jihane. Atteinte d'une jaunisse sévère, elle a été transférée en urgence dans le centre. Le résident teste devant nous les réflexes et la capacité respiratoire de l'enfant. « Elle est bien mieux aujourd'hui », lance-t-il, soulagé. La nouveau-née pourra retourner dans sa famille le lendemain. Le jeune pédiatre se dit très concerné et affecté par l'état de ses patients. « Même avec les parents, nous devenons très proches. Certains enfants sont hospitalisés chez nous pendant des mois, il est inévitable qu'un lien se crée », soupire le jeune homme. Puis il passe visiter un enfant atteint d'une maladie métabolique. « Du point de vue académique, être résident dans le service du Dr Robert Sacy est un vrai enrichissement, souligne-t-il. Nous étudions différentes pathologies, parfois très graves comme les pneumonies et les cas de nourrissons prématurés. Parfois très rares, comme les maladies métaboliques dues à la consanguinité des parents. »
D'autres défis attendent les résidents, comme le manque crucial d'infirmières. « Pour des prématurés de 600 ou 700 grammes, l'accès intraveineux est très difficile, ce qui nécessite des infirmières réellement spécialisées en pédiatrie », précise Ziad Chebel. Mais le résident ne se plaint pas car, malgré un manque de personnel, « cela peut être considéré comme un point positif de notre formation ». « Finalement, les résidents doivent se former à une pluralité de tâches et nous sommes conscients des difficultés que rencontrent les infirmières, poursuit-il. Toute l'équipe est d'autant plus solidaire. »
La vocation du résident ne s'arrêtera pas à Beyrouth. Son ambition est de revenir un jour au Akkar pour y améliorer la qualité des soins. « La médecine est un art, et un art pour tout le monde », conclut-il vivement.
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