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Culture - Théâtre

Et si l’on avalait un antidote contre l’adultère...

Dans une adaptation et une mise en scène d'Élodie Menant, « La Peur » *, de Stefan Zweig, est une belle réflexion sur la honte, la culpabilité, le mensonge, la perversité et, surtout, sur la non-communication.

Irène, épouse d'un avocat, vit dans un confort bourgeois dont les codes paraissent éloignés de la réalité, un confort qui ennuie. De lassitude, elle trompe son mari et son ennui. Quand, par un après-midi, en sortant de chez son amant, une femme l'interpelle, lui crache à la figure son dégoût et exerce sur elle un chantage, la peur l'envahit, au point d'occuper toute la place dans sa vie. Certes, un sujet de vaudeville au départ... Mais non, il ne s'agit pas d'une histoire banale d'adultère, mais d'un drame existentiel et violent. Stefan Zweig, qui n'a pas son pareil pour sonder l'âme humaine, écrit un véritable drame psychologique.

Mieux qu'un simple trio amoureux, il a imaginé un quatuor diabolique, la femme infidèle, le mari, l'amant, et la peur. C'est une véritable descente aux enfers, au subtil dérèglement progressif (mais inexorable) de la conscience d'Irène que le public du théâtre Monnot aura à affronter. Cette œuvre – La Peur, une pièce extraite d'un recueil de six nouvelles, adaptée et mise en scène par Élodie Menant – un peu datée n'a rien perdu de sa force psychologique tant la tension est réelle. Emma Bovary n'est pas loin, Alfred Hitchcock non plus.

 

Calvaire
Une nouvelle est avant tout un récit, et il a fallu à Élodie Menant – qui joue également le premier rôle – mettre en place des dialogues, sonder la complexité psychologique de chaque personnage, lui construire un vécu sans écorcher la matrice d'un génie comme Stefan Zweig. Elle use d'audace pour concrétiser un texte puissant, d'intelligence et de créativité pour une mise en scène contemporaine et bien ficelée. Actrice, elle campe son personnage avec brio, et traduit fidèlement l'esprit de l'auteur. Metteuse en scène, elle installe un décor minimal en boîtes où un appartement se transforme et devient une véritable prison, un huis clos étouffant qui enferme les personnages principaux, elle réussit à laisser la tension monter crescendo et la peur gagner du terrain petit à petit, et use d'ingéniosité théâtrale pour permettre au public de traverser les pensées de chaque personnage. Le texte est fin, à propos, sans fioriture, les acteurs puissants et le dénouement inattendu.

Manipulation ou hallucination ? La vie d'Irène est un véritable calvaire. Un calvaire que Zweig a dépeint avec tout son talent et qu'Élodie Menant déroule à la cadence rythmée de l'effroi grandissant d'Irène. D'une histoire banale, c'est un véritable thriller amoureux au suspense à peine soutenable que le tandem Zweig-Menant offre au lecteur du XXe siècle, devenu public au XXIe. « La peur est pire que le châtiment quelle que soit sa gravité, il reste préférable à l'affreuse attente indéterminée qui se prolonge à l'infini, horriblement ». Zweig a tout compris...

Mais au-delà de l'amertume et de la honte, au-delà de la spirale du mensonge dans lequel l'adultère plonge, il s'agit surtout de soulever la problématique de la communication et de l'intelligence de chaque couple à la mettre en place. Lorsque l'angoisse étreint Irène et réussit aussi à toucher le public, il n'a qu'une seule hâte : parvenir à la fin pour pouvoir souffler et se relâcher... Difficile de tromper son partenaire après avoir lu cette nouvelle ou vu la pièce.

*Théâtre Monnot.
« La Peur », d'après une nouvelle de Stefan Zweig, mise en scène par Élodie Menant.
Persona Productions. Ce soir, ainsi que les 17 et 18 juin, à 21h.

 

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