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Culture - Concerts

« Le printemps » de Beethoven au creux de l’hiver beyrouthin

Elles sont revenues, les deux Francesca musiciennes – Dego en maîtresse de l'archet du violon et Leonardi en championne des touches d'ivoire au clavier –, pour interpréter l'intégrale des sonates de Beethoven en trois concerts successifs.

Francesca Dego, maîtresse de l’archet, et Francesca Leonardi, championne des touches d’ivoire. Photo D. R.

Elles sortaient d'une répétition. Toutes les deux heureuses, volubiles et enjouées. Deux jeunes femmes parfaitement dans le vent et bourrées de talent. Francesca Dego, très longue silhouette, hussardes noires jusqu'à la rotule, première femme italienne lauréate de la compétition Paganini, sans la boîte magique qu'elle niche au creux de son épaule. Et Francesca Leonardi, yeux bleu porcelaine, petites mains éloquentes, boucles d'oreilles en larmes cachées sous un rideau de cheveux châtain clair, loin des touches noires et blanches du piano. Une longue complicité (douze ans de collaboration déjà) anime leur partenariat de scène et rayonne de leurs joyeux propos entremêlés.

Rires, clins d'œil et phrases qui se recoupent gentiment, telle est l'atmosphère superdétendue qu'elles diffusent pour parler de cette intégrale des sonates de Beethoven, « le cœur battant du riche et important répertoire piano et violon », disent-elles. Elles viennent faire revivre à Beyrouth – une première dans les annales de l'histoire musicale au Liban, affirment les organisateurs – des œuvres liées comme un ardent chapelet de notes. Œuvres objet d'un tour de l'Italie à la Chine en passant par l'Angleterre et les États-Unis et déjà gravées sur CD à Deutsche Grammophon.

Invitées par l'Université antonine pour le cycle de la saison de musique de chambre, elles donneront à écouter ce soir, à l'Église Saint-Joseph (USJ), les Sonates op 24 dites Printemps, op n3 et op 96. La veille, devant un fervent public de mélomanes, c'étaient les Sonates op 12 n 1-2-3 et op 30 n2 en la chapelle Notre-Dame des Semences (Hadeth-Baabda).

Le Printemps de Beethoven au creux de l'hiver ensoleillé de Beyrouth. Une œuvre des plus populaires du compositeur de la Symphonie pastorale, empreinte d'une douce poésie, simple et sans virtuosité. Une œuvre sans déferlement et passion torride où les deux instrumentistes sont supposées faire chanter leur duo. Qu'en pensent-elles ? Qu'en disent-elles ?

« Le Printemps est le juste milieu de l'ensemble des narrations beethoveniennes et de sa manière de traiter les deux instruments, confient les deux jeunes femmes. La mélodie chantante est portée par le violon : une attitude révolutionnaire pour l'époque où c'était toujours le piano qui était le préambule d'une sonate. Avec quatre mouvements. Encore une innovation et une audace, car c'était assimiler un peu la sonate à une structure de symphonie... Ce nom de printemps a été un surnom à l'opus, mais il capte bien l'esprit de l'inspiration. Il y a là de la douceur, de la tendresse, de l'optimisme, de la positivité... Ingrédients rares chez Beethoven ! »

Et comment cerner la Sonate Kreutzer, si controversée, écrite initialement pour le violoniste noir George Bridgetower et qui, suite à une brouille avec Beethoven, s'en est détourné ?
Et c'est Rodolphe Kreutzer (violoniste, compositeur et chef d'orchestre) qui en a porté le titre tout en refusant de la jamais jouer sous prétexte qu'elle était « inintelligible ». Mais heureusement, pour notre bonheur et contentement, et malgré le talent du virtuose et l'influence de l'homme en ce temps-là, de par ses multiples fonctions et relations sociales, la postérité et le public en ont un jugement diamétralement opposé...

«  La sonate Kreutzer est une œuvre qui s'apparente à l'héroïsme, elle a quelque chose d'incroyablement visionnaire, soulignent les deux interprètes. Dans un style concertant, sans jamais s'en lasser (et elle dure 40 minutes !), intéressante à interpréter et écouter, d'une tessiture théâtrale, elle résonne sans doute comme un opus romantique, mais il y a aussi beaucoup d'accents modernes. On y sent un sentiment de liberté chez Beethoven. Mis à part l'aspect de concentration et maîtrise technique pour lui donner vie, Kreutzer, avec ses trois superbes mouvements, notamment cette apothéose ensoleillée avec la Tarentella de la fin, est un plaisir communicatif pour l'auditeur, où se mêlent exaltation, héroïsme, une passion débordante. C'est monumental de certitude tout comme le concerto L'empereur, pour piano et orchestre... »

Les trois jours de concerts terminés, la violoniste Francesca Dego vole vers le Royaume-Uni, l'Allemagne et la Suisse où l'attendent des enregistrements pour Paganini et Ermanno Wolf-Ferrari. De son côté, la pianiste Francesa Leonardi se prépare à enregistrer pour Universalis des transcriptions pour piano de Vincenzo Bellini.
Entre-temps, vaut mieux se rattraper à temps et sagement aller écouter une, ou toutes les soirées (si possible) des sonates de Beethoven. Un événement !

Calendrier
Après avoir présenté, hier soir, les Sonates op 1-2-3 et op 30n2 en la chapelle Notre-Dame des Semences (Hadeth-Baabda), Francesca Dego (violoniste) et Francesca Leonardi (piano) interprètent ce soir, mardi 24 janvier, les Sonates op 24, op 30 n3 et op 96 en l'église Saint-Joseph (USJ) et demain mercredi 25 janvier les Sonates op 23, op 30n1 et op 47, Kreutzer en l'église Saint-Élie (Kantari).

 

Pour mémoire
Francesca Dego : C’est si bon de faire de la musique à Beyrouth !

Elles sortaient d'une répétition. Toutes les deux heureuses, volubiles et enjouées. Deux jeunes femmes parfaitement dans le vent et bourrées de talent. Francesca Dego, très longue silhouette, hussardes noires jusqu'à la rotule, première femme italienne lauréate de la compétition Paganini, sans la boîte magique qu'elle niche au creux de son épaule. Et Francesca Leonardi, yeux bleu...

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