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Lifestyle - Exposition

La douleur du détail

Pour son troisième accrochage à la galerie 6, Michel Fani poursuit sa recherche, tant intellectuelle, émotionnelle que visuelle, sur le « Beyrouth d’antan » *. Introspection sur une ville qui n’existe plus, qui existe autrement.

L’école des sœurs de Besançon.

En parfait conservateur d’images de ce Beyrouth ancien, celui du début du siècle dernier, Michel Fani en conserve surtout des détails sur lesquels il réfléchit, il écrit, il travaille ou il intervient. Son objectif, loin d’être une plainte nostalgique éculée, concerne le temps. « Ce n’est pas un retour aux choses ou à une certaine époque, explique-t-il, il n’y a retour à rien parce qu’il n’y a plus rien de ce Beyrouth d’antan auquel retourner. Je cherche surtout à mettre en évidence le moindre fragment représentatif et significatif à travers un travail de montage photographique d’éléments et de détails ».
Ce travail, Fani l’a entamé dans l’écriture depuis de nombreuses années. À travers ses nombreux ouvrages, dont L’Atelier de Beyrouth, Liban 1848-1996, Dictionnaire de la peinture au Liban (1996), Alphabet de Beyrouth (2000) ou encore Une histoire de la photographie au Liban (2005), il plonge dans le passé, les rues, les symboles et les références, précisant qu’il n’y a dans cette démarche » ni rêverie ni géographie érudite, mais besoin de donner un sens à ce pays, à cette ville. « Je sais, écrit-il, que ce pays que je cherche, cette ville que je cherche à retrouver n’existent pas, même pour ceux qui les ont connus et partagés. Ce n’est pas une illusion, sinon l’acte même de les chercher. »
L’exposition « Beyrouth d’antan », qu’il aurait sans doute préféré intituler « La douleur du détail », douleur dans cette quête d’indices et de traces, dans ce constat que la ville n’est plus la même, offre des photographies joyeuses d’une ville retrouvée. Est-elle illusion, souvenir, recherche du temps perdu ? Toujours est-il que la réflexion s’accompagne d’un bien agréable exercice de contemplation. Les agrandissements de Fani, agrandissements de coups d’œil personnels, de minuscules détails subjectifs, ont donné naissance à 18 photographies dans la même lignée que ses précédentes expositions qui ont eu lieu en 2009 et 2010, dans sa galerie – 6 – de prédilection. Cet alphabet visuel de Beyrouth, exercice qu’il affectionne particulièrement dans ses livres, s’arrête surtout sur la lettre A pour la place Assour, représentée dans plusieurs photographies. La lettre C du Collège des Frères de Gemmayzé. Le E de la rue Émir Béchir, le P du Petit Sérail ou celui de la rue des Postes et la rue Georges Picot.
Les œuvres qui s’offrent à voir ont une finalité artistique, indépendamment de la démarche philosophique ou intellectuelle de l’artiste et du visiteur. Car Michel Fani, ethnologue et conservateur à la Bibliothèque orientale de Beyrouth de 1980 à 1990 et aujourd’hui conservateur à la Bibliothèque nationale de France, joue ici le rôle d’un artiste inspiré. Pour preuve ces photographies-toiles de 1m37 x 97 et 1m30 x 97, toutes verticales, où son intervention discrète, dans l’agrandissement de quelques détails, dans le rajout de quelques autres, dans l’intervention de la couleur par endroits et ce grain “pixélisé”, a contribué à créer un travail abouti, poétique et esthétique qui parle surtout du temps. « J’essaie de montrer tout ce que le détail peut révéler. »
Même si la nostalgie ressentie à la découverte de ces photographies est sous-jacente, elle n’est pas stérile et désespérée. Elle est rafraîchie, ressuscitant une ville qui a bel et bien existé. « Je me méfie de mes propres mots ! » confie Michel Fani avant de se retirer dans son silence. Alors, à sa place, ces quelques mots puisés de son livre Alphabet de Beyrouth (éditions de l’Escalier) et qui semblent éloquents : « Ville comme en attente à contre-jour, où la lumière violente révèle les particules de poussière suspendues dans l’air. Points lumineux et flottants dont on ne sait s’ils existent vraiment, mais qui renvoient la lumière. »

* L’exposition de photos de Michel Fani « Beyrouth d’antan » se tient jusqu’au 27 décembre 2011, galerie 6, immeuble Ingea, Abdel Wahab el-Inglizi, Achrafieh. Ouverte du mardi au vendredi de 10 heures à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, le samedi de 10 heures à 13 heures et sur rendez-vous.
En parfait conservateur d’images de ce Beyrouth ancien, celui du début du siècle dernier, Michel Fani en conserve surtout des détails sur lesquels il réfléchit, il écrit, il travaille ou il intervient. Son objectif, loin d’être une plainte nostalgique éculée, concerne le temps. « Ce n’est pas un retour aux choses ou à une certaine époque, explique-t-il, il n’y a retour à...

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