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À La Une - La chronique de Nagib Aoun

Couleur sang

Dans ce pays meurtri qu’est le Liban tout est, finalement, de l’ordre du symbolique. Quand il s’agit d’adresser un message, de créer des faits accomplis, c’est l’image qui est attaquée, c’est l’emblème qui est lacéré, dépouillé de tous ses oripeaux. Au fil des ans, la récidive devient naturelle et même le sacré tombe alors dans l’escarcelle des voyous.
C’est de cette manière, au fur et à mesure des grandes et petites guerres qui ont ensanglanté le Liban, que les attributs de l’autorité légale ont été bafoués, tournés bien souvent en ridicule. Chaque sombre épisode avait sa cible, chaque milice avait sa bête noire, un ennemi à abattre, celui qui se dressait sur son chemin, qui l’empêchait de parvenir à ses fins. Mais l’objectif principal a toujours été l’État dans toutes ses composantes, dans toutes ses émanations.
Aujourd’hui, comme hier, c’est l’armée qui est le point de mire des tueurs, des jihadistes de tous crins, mais aussi de ceux qui possèdent les arsenaux de destruction massive, qui veulent faire de la grande muette une troupe d’apparat.
Ce qui s’est passé à la fin de la semaine écoulée à Ersal, un acte criminel qui nécessite le châtiment adéquat, s’insère dans la continuité des incidents, souvent meurtriers, qui ont opposé les forces sécuritaires aux différents groupes armés de toutes obédiences, de toutes appartenances. De la banlieue sud au Akkar, de Beyrouth à Tripoli, d’un camp palestinien à un autre, l’armée a toujours été le réceptacle de messages destinés aux instances politiques. Le but ultime étant, bien sûr, de maintenir l’État libanais sous perfusion, en situation de déstabilisation chronique.
Chiites, sunnites ou chrétiennes, toutes les factions qui se disaient représentatives de leurs opinions respectives s’étaient déjà mises de la partie durant la guerre civile pour écorner le prestige de l’armée, pour l’inféoder à leurs propres plans qui étaient en contradiction totale avec la notion même de l’État souverain. Mais c’était à l’époque des occupations syrienne et israélienne, quand les gouvernements libanais se faisaient et se défaisaient au gré des humeurs changeantes et chagrines des Assad père et fils.
Aujourd’hui, si l’autorité de l’instance militaire est régulièrement contestée par des bandes armées, du nord au sud du pays, c’est parce que cette même autorité a été quasiment phagocytée depuis la fin de la guerre civile par une structure militaire parallèle qui s’est posée en unique recours face à Israël, une dérive qui s’est progressivement transformée en défi interne, attisant la rancœur de l’opinion sunnite contre ce qu’elle considère comme l’hégémonisme d’une milice chiite, en l’occurrence le Hezbollah.
Redisons-le encore une fois : le fanatisme entraîne un contre-fanatisme, les abus de contre-abus et les atteintes au prestige de l’armée sont appelées à se poursuivre aussi longtemps que le péché originel n’aura pas été expié, que l’armée n’aura pas récupéré la totalité de ses légitimes prérogatives : seul bras armé de l’État, un État qui doit être seul détenteur de la décision de guerre ou de paix.
Telles sont aujourd’hui les réalités du terrain, tout le reste est mensonges et affabulations, tentatives de gagner du temps.
À nos frontières, Syriens et Israéliens placent déjà les pions des bouleversements à venir...
Dans ce pays meurtri qu’est le Liban tout est, finalement, de l’ordre du symbolique. Quand il s’agit d’adresser un message, de créer des faits accomplis, c’est l’image qui est attaquée, c’est l’emblème qui est lacéré, dépouillé de tous ses oripeaux. Au fil des ans, la récidive devient naturelle et même le sacré tombe alors dans l’escarcelle des voyous.C’est de cette...

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