Changement de tons, de timbres et d'atmosphère avec le Concerto pour la main gauche en ré majeur (dédié en son temps au virtuose Paul Wittgenstein qui a perdu son bras droit durant la guerre !) de Maurice Ravel où officie, en tout brio, le jeune Patrick Zygmanowski. Cheveux rejetés en arrière avec un profil d'aigle « ravelien », silhouette filiforme, visage émacié et costume couleur parme pour un opus d'une intensité
électrisante.
Véhémence tragique, rythme marqué, énergie débordante et passion délirante pour une œuvre rugissante dès les premières notes, exaltante et habitée par une certaine violence... Des accords jazzy aux pilonnages des percussions, ce concerto est sans nul doute une grandiose et fabuleuse querelle entre orchestre et clavier déchaîné avec pour seule arme et cuirasse la poigne, la tendresse et la dextérité d'une main gauche incroyablement performante...
Un moment foudroyant où le clavier crache littéralement du feu. Tout simplement saisissant et à couper le souffle avec un soliste éblouissant au-dessus de tout éloge.
Toujours prestige et lumière du piano avec l'Embarquement pour Cythère de Francis Poulenc où deux pianos ont toute l'éloquence et la complicité du monde. Sur scène, Tamayo Ikeda, en robe mousseline longue rehaussée de brillants, cheveux noirs dénoués sur les épaules, rejoint son virtuose de mari pour une prestation toute en notes vives, joyeuses et pimpantes.
Luxe, volupté et plaisir de l'île de Venus... Splendide, percutant et pétillant voyage sonore pour ce « voyou ou moine » de Poulenc, toujours entre deux eaux. Rafraîchissant splash d'une brillante valse-musette pour un périple du côté de l'insouciance, la frivolité et la sensualité dans l'île d'Aphrodite...
Influencé par Cocteau et Satie, ami de Darius Milhaud, Honegger et Auric (car il était membre du groupe des « Six »), Poulenc a un talent unique pour cette pièce vibrante et tonique où deux pianos dialoguent en toute coquine et harmonieuse complicité que d'ailleurs les deux talentueux interprètes rendent avec une délicieuse et perceptible espièglerie.
Pour conclure, toujours avec Poulenc et deux claviers, mais on y ajoute les cordes et instruments à vent de l'orchestre pour une somptueuse narration où tous les musiciens cheminent allègrement ensemble, dans un mélange de style très particulier.
Pour ce Concerto pour deux pianos et orchestre à trois mouvements (allegro ma non troppo, larghetto, finale allegro molto), voilà à profusion les richesses harmoniques de deux claviers qui ne craignent guère les trémolos de quelques rêveries et vague à l'âme aux claviers face aux nuages menaçants de l'orchestre...
De l'ironie à la souffrance, d'une larme à un sourire, d'une force de frappe remarquable à la plus tendre des caresses, ainsi va l'inspiration fantaisiste et un peu vagabonde du compositeur des Dialogues des carmélites.
Tempête d'applaudissements d'un public conquis jusqu'à l'âme par une prestation sans faille et un programme judicieusement concocté. En bis, souriant et heureux, le jeune couple de pianistes a accordé à l'auditoire, à quatre mains sur les touches d'ivoire, la sémillante et endiablée Danse du sabre d'Aram Khatchadourian, dans un arrangement pour clavier signé Patrick Zygmanowski. Tempo d'enfer et couvercle heurté sur le bois noir lustré pour cet opus emballant, à la mélodie tournoyante avec la célérité d'une toupie folle...
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