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Liban - Municipales 2016

Municipales : Des méthodes archaïques à l’origine d’un retard inacceptable dans le décompte des voix

Jusqu'à hier soir, le ministère de l'Intérieur n'avait publié que les suffrages obtenus par la liste gagnante à Beyrouth.

Après le vote de dimanche, le décompte des voix a pris un retard inacceptable dû à l’imprévoyance du ministère de l’Intérieur. Photo Danielle Khayat

Plus de 72 heures après le premier round des municipales à Beyrouth et dans la Békaa, les chiffres officiels n'étaient publiés que partiellement par le ministère de l'Intérieur. Celui-ci s'est contenté de donner les scores des vainqueurs à Beyrouth et la liste des noms des vainqueurs à Zahlé, ainsi que dans le reste des localités de la Békaa.

Alors que les rumeurs les plus folles sur des tentatives de fraude circulaient en ville, deux jours durant, au sein des commissions de dépouillement des voix, juges, assesseurs et scrutateurs, entourés de représentants du ministère de l'Intérieur, de l'état-civil, de l'Inspection centrale, de la municipalité de Beyrouth et des candidats, s'évertuaient, dans des conditions moyenâgeuses et pratiquement inhumaines, à faire le décompte des voix dans des délais « acceptables ».

 

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« J'ai travaillé 16 heures d'affilée. Je n'en peux plus. J'ai dû demander l'autorisation pour prendre une pause de deux heures pour dormir », confie l'un des assesseurs nommé à Beyrouth à L'Orient-Le Jour. « Nous n'avions pas suffisamment de matériel, c'est-à-dire des calculatrices, des crayons mines, des Bics et du papier », poursuit-il. C'est que, il faut le savoir, depuis le début de l'opération électorale jusqu'à la publication des résultats, tout se fait encore à la main. « Je crois que le ministère de l'Intérieur ne pensait pas que les municipales allaient effectivement avoir lieu. Il ne nous a même pas fourni les listes imprimées des candidats », poursuit l'assesseur qui a requis l'anonymat. Résultat : les noms des 95 candidats aux municipales et 211 candidats aux moukhtars ont été écrits à la main. « Nous avons dû coller des papiers ensemble pour inscrire tous les noms. C'était un cauchemar. » Le chef du bureau de vote devait ensuite ouvrir les enveloppes, lire un à un les noms élus devant une caméra reliée à un écran, pour que tout le monde puisse voir les listes, mettre un tiret près de chaque nom... Que l'on pense au nombre d'urnes à Beyrouth...

 

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« Nous souhaitions de l'aide »
Au terme de cette opération, les assesseurs comptent les tirets près de chaque nom, font le total à l'aide de calculatrices, comptent les bulletins blancs et invalidés, notent au crayon rouge les raisons de l'invalidation, comptent les enveloppes restées vides fournies par le ministère de l'Intérieur. Le tout est ensuite noté dans un procès-verbal, dont deux copies doivent être écrites toujours à la main, avec tous les détails de la consultation populaire, avant d'être glissées dans une grosse enveloppe qui porte le même numéro que l'urne dépouillée et qui sera scellée avec de la cire rouge.
Direction, ensuite, le Biel, où le chef du bureau de vote remet aux juges de la commission du premier décompte des voix les procès-verbaux, ainsi que les enveloppes non utilisées et dont le nombre doit correspondre à celui des électeurs inscrits, mais n'ayant pas voté. « Lorsque des erreurs étaient repérées, il fallait reprendre tous les calculs. Nous souhaitions de l'aide. Des juges ont demandé des équipes supplémentaires en renfort, mais il est apparu qu'une telle démarche nécessitait une autorisation du ministère de l'Intérieur, qui n'a pas pu être obtenue », raconte l'assesseur. Une fois cette étape terminée, une deuxième vérification tout aussi pointilleuse était effectuée au niveau de la haute commission. Un véritable parcours du combattant.

 

« Un CD en guise de formation »
Commentant le retard dans le décompte des voix, Ali Mourad, maître de conférences en droit public à l'Université arabe de Beyrouth et membre du conseil d'administration de l'Association libanaise pour la démocratie des élections (Lade), déplore le manque de préparation de la part du ministère de l'Intérieur. « Apparemment, les présidents des bureaux de vote n'ont pas suivi de formations convenables. On leur a distribué des CD en guise de préparation, sans aborder les détails du processus », explique M. Mourad.
Ce manque de formation s'est traduit par de nombreuses erreurs au niveau du décompte des voix. (...) « 60 % des bulletins de vote à Beyrouth ont dû être recomptés, souvent à la demande des délégués des différentes listes », ajoute M. Mourad.
Il souligne que « les erreurs au niveau du décompte n'étaient, de manière générale, pas intentionnelles ». « Nous n'avons pas pu déceler de manipulation volontaire des urnes », souligne l'expert de la Lade. À titre d'exemple, un président de bureau de vote s'est trompé sur le nombre de « 0 » dans certains nombres au moment du décompte.

 

(Lire aussi : Après le scrutin de Beyrouth, les lendemains qui déchantent)


Pointé du doigt pour ne pas avoir affiché les résultats définitifs complets, le ministère de l'Intérieur assure qu'il ne se mêle pas du décompte des voix. « C'est la haute commission du décompte des voix, présidée par des juges et dépendante du ministère de la Justice, qui contrôle ce processus », explique une source qui a requis l'anonymat à l'Intérieur. « Cette commission nous envoie ensuite ses résultats, et en tant que ministère de l'Intérieur, nous ne faisons que les annoncer », précise-t-on de mêmes sources.
« Nous avons demandé à la haute commission pourquoi les résultats accusent du retard, mais elle n'a pas fait suite à notre demande. En tout cas c'est son droit, car c'est une commission indépendante », toujours selon la source. « Concernant les résultats officiels où ne figurent pas le nombre de voix, la source explique enfin que c'est aux mohafazats de fournir ces chiffres. Si elles le font, nous les publions immédiatement », conclut-elle.
À titre comparatif, Ali Mourad rappelle que durant le précédent scrutin de 2010, l'organisation était « de loin meilleure ». « Les élections législatives de 2009 avaient peut-être facilité la préparation au scrutin », estime-t-il.

 

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Plus de 72 heures après le premier round des municipales à Beyrouth et dans la Békaa, les chiffres officiels n'étaient publiés que partiellement par le ministère de l'Intérieur. Celui-ci s'est contenté de donner les scores des vainqueurs à Beyrouth et la liste des noms des vainqueurs à Zahlé, ainsi que dans le reste des localités de la Békaa.
Alors que les rumeurs les plus folles...

commentaires (5)

On a la nausée en lisant un tel compte-rendu, on a honte ! Savez-vous, Messieurs les "super-ministres de l'intérieur" et tous ceux concernés par ces élections municipales de 2016 à Beyrouth et dans la Bekaa...qu'aux Philippines il y avait aussi des élections pour élire leur Président ? Savez-vous que les citoyens philippins vivant et travaillant au Liban ont pu aller déposer leur bulletin de vote à l'Ambassade philippine de Beyrouth ? Alors, si ce pays lointain a su organiser tout cela pour ses citoyens vivant à l'étranger, comment vous, "responsables" libanais, n'êtes même pas capables d'organiser une élection municipale efficace dans seulement 2 circonscriptions...ici sur place ? Que faites-vous encore bien installés dans vos fauteuils ministeriels, de directeurs etc. ? Irène Saïd

Irene Said

10 h 33, le 11 mai 2016

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • On a la nausée en lisant un tel compte-rendu, on a honte ! Savez-vous, Messieurs les "super-ministres de l'intérieur" et tous ceux concernés par ces élections municipales de 2016 à Beyrouth et dans la Bekaa...qu'aux Philippines il y avait aussi des élections pour élire leur Président ? Savez-vous que les citoyens philippins vivant et travaillant au Liban ont pu aller déposer leur bulletin de vote à l'Ambassade philippine de Beyrouth ? Alors, si ce pays lointain a su organiser tout cela pour ses citoyens vivant à l'étranger, comment vous, "responsables" libanais, n'êtes même pas capables d'organiser une élection municipale efficace dans seulement 2 circonscriptions...ici sur place ? Que faites-vous encore bien installés dans vos fauteuils ministeriels, de directeurs etc. ? Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 33, le 11 mai 2016

  • Dignes de gouverner ? Non ! Pas même d'exister !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 06, le 11 mai 2016

  • Des méthodes peut-être archaïques, mais quelque part plutôt sécurisantes... On a bien vu que les méthodes ultramodernes utilisées sans des pays ultradéveloppés ont nettement facilité la fraude... Donc, à tout prendre... On se dit aussi que dans ces conditions (pour mettre une note d'humour), heureusement qu'il n'y a ps eu un pourcentage de vote plus élevé.. Merci aux personnes qui se sont esquintées à regrouper tous les résultats...

    NAUFAL SORAYA

    07 h 08, le 11 mai 2016

  • Entre le scandale national des ordures et maintenant le scandale du déroulement des élections , ma suspicion d'être victime de magouilleurs professionnels ne faiblit pas...au contraire ...elle augmente...

    M.V.

    06 h 59, le 11 mai 2016

  • Municipales : Des méthodes archaïques à l’origine d’un retard inacceptable dans le décompte des voix BIZARRE A L'EPQOUE DE LA REVOLUTION DIGITALE ET INFORMATIQUE ET EN DEPIT DU PASSAGE AU MINISTERE DES GENIES BAROUD/MACHNOUK AMBITIONNANT LA PRESIDENCE DE LA REPUVBLIQUE OU CELLE DU GOUVERNEMENT?? ET AUSSI DU PASSAGE AU MINISTERE DE LA REFORME ADMINISTRATIVE D'AUTRES MARQUIS IRREMPLACABLES COMME HOGASSAPIEN/DUFREIGE? MOUCHES DU COCHE,SEIGNEURS DES MOUCHES ET SURTOUT MOUCHES TSEE TSEE QUE CES SINISTRES DE CETTE REPUBLIQUE NAUFRAGEE AVEC SURTOUT POUR CERTAINS L'ETAT DES MOUCHES AU CARREE, CELLES DE MOUCHE/DEPUTEES CUMULANT EN PLUS DE LEUR MANDAT DE MOUCHEE/DEPUTEE CELUI DE MOUCHE/MINISTREE.

    Henrik Yowakim

    02 h 36, le 11 mai 2016

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