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Liban - Décryptage

Le procès d’al-Jadeed et de Karma Khayat, crucial pour les libertés

Le procès d'al-Jadeed et de Karma Khayat devant le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) se poursuit aujourd'hui pour le cinquième jour.
L'accusation continue de présenter ses témoins qui cherchent à prouver que les épisodes diffusés par la chaîne al-Jadeed à la demande de la directrice Karma Khayat ont réellement mis en danger la vie de témoins confidentiels, provoquant ainsi une obstruction au cours de la justice et constituant un outrage à la cour. Il s'agit aussi de montrer qu'en dépit de nombreuses injonctions et notifications, la chaîne et sa directrice ont ignoré les demandes de la cour et poursuivi la diffusion des reportages, avec une volonté délibérée de nuire au TSL. À partir de jeudi, le procès marquera une pause d'une vingtaine de jours jusqu'au 12 mai, date à laquelle la défense de la chaîne et de Karma Khayat sera invitée à présenter ses propres témoins. Elle aura trois jours pour cela, et vers la mi-mai, la cour, et plus particulièrement le juge Letieri, devra commencer à rédiger son jugement. Aucun délai n'est fixé, mais, selon les milieux du TSL, il pourrait bien être publié en juin. Les pronostics vont d'ailleurs bon train et varient entre un acquittement total de la chaîne et de la directrice, et la double condamnation, en passant par une formule médiane qui repose sur l'acquittement de Karma Khayat et la condamnation de la chaîne à une amende.

Au fil du déroulement de ce procès qui suscite une vague de protestations dans les milieux journalistiques libanais et étrangers, qui condamnent toute tentative de porter atteinte à la liberté de presse ou de baillonner les médias, certaines failles sont apparues.
Selon des avocats qui suivent de près le dossier, la première lacune porte sur un vice de forme puisque la loi libanaise oblige toute personne et toute autorité désireuses de transmettre une notification à un média audiovisuel libanais à passer par le Conseil national de l'audiovisuel (CNA). Or, dans ce cas précis, la première notification du TSL à al-Jadeed n'a pas respecté ce processus. Par conséquent, les allégations du procureur contre la chaîne, accusée d'avoir ignoré cette injonction du TSL, ne tient pas la route. D'autant qu'après la notification officielle, en 2014, la chaîne n'a plus diffusé le moindre reportage sur les témoins confidentiels.

La deuxième lacune est constituée par l'impossibilité, jusqu'à présent, de la cour et de l'accusation à déterminer l'origine des fuites qui ont permis à la chaîne al-Jadeed de parler aux témoins confidentiels. Les milieux du TSL précisent à ce sujet qu'une enquête interne a été effectuée sur le sujet et qu'elle a permis de conclure que la fuite n'est pas venue du tribunal. Mais la question reste la suivante : si ce n'est pas du tribunal, d'où viennent les fuites ? Les avocats de la défense estiment que tant que cette question n'a pas de réponse, le TSL manquera de crédibilité face à l'opinion publique et par rapport aux autres acteurs de ce processus judiciaire.

La troisième lacune consiste dans le fait que des fuites similaires et parfois plus importantes ont été publiées dans divers médias locaux, internationaux et arabes, avant les reportages de la chaîne al-Jadeed. Pourtant, ces médias n'ont pas été inquiétés. Ce qui suscite de nombreuses interrogations sur une éventuelle justice à la carte, selon le principe des deux poids, deux mesures. De même, les autres fuites ont porté essentiellement sur l'implication du Hezbollah et du régime syrien dans l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Faut-il donc en conclure que le TSL favorise les fuites qui vont dans le sens de son enquête et sanctionne celles qui se veulent critiques de ses méthodes ? Dans ce contexte, la bataille pour l'acquittement des médias libanais mis en cause par le TSL devient une bataille pour la liberté d'expression et pour le refus de la mise au pas des médias sceptiques sur le travail, le mandat et les méthodes du TSL, qui est pourtant censé renforcer la démocratie et les libertés en mettant un terme au principe de l'impunité qui constitue justement une entrave et une atteinte à ces mêmes libertés.

Enfin, il existe, à ce stade, un autre point important qui reste inexplicable et qui repose sur le fait qu'au moment de la publication de l'acte d'accusation préparé par le procureur Daniel Bellemare, cinq suspects membres du Hezbollah ont été accusés. L'acte d'accusation a pourtant refusé de pointer directement du doigt le Hezbollah parce qu'il s'agit d'une personnalité morale et que le TSL n'a pas le droit d'accuser celle-ci. Dans ce cas, comment peut-il accuser la chaîne al-Jadeed, qui est elle aussi une personnalité morale ? Lorsqu'il a fallu examiner ce point au sein du tribunal, le juge Akoum a d'ailleurs exprimé son opposition, mais la décision d'accuser al-Jadeed a quand même été prise. Entre-temps, al-Jadeed est en train de se doter d'une chaîne de solidarité, à la fois professionnelle, politique et civile, pour tenter de montrer au TSL que même si légalement il a tous les droits (ayant un mandat aux prérogatives exceptionnelles), l'opinion publique a aussi son mot à dire et qu'elle ne peut pas accepter la condamnation des journalistes, quelles que soient leurs positions et leurs allégeances politiques. D'autant qu'en plus de tout cela, al-Jadeed cherche à se forger une image d'indépendance. À moins que ce ne soit, au fond, ce que l'on cherche à sanctionner...


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commentaires (4)

Une petite question..svp..cet article est ecrit par Scarlett ou Karma ??

Houri Ziad

15 h 53, le 21 avril 2015

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Commentaires (4)

  • Une petite question..svp..cet article est ecrit par Scarlett ou Karma ??

    Houri Ziad

    15 h 53, le 21 avril 2015

  • Dieu merci vous etes la Scarlett pour qu'on puisse jeter un oeil sur ce machin , les points releves sont relevants et montre a quel point ce machin est juste la pour appliquer une politique connue d'avance . Moi je reste tres curieux de savoir si le cas avere de corruption du juge sera sanctionne ou pas .Juste pour confirmer ce que vous dites , tout ce qui incrimine le hezb resistant sera retenu et tout ce qui touche a la moralite douteuse du machin sera verse au dossier . Rendez vous en juin donc , mais pour ce cas , sinon Scarlett please be in touch all time .

    FRIK-A-FRAK

    13 h 17, le 21 avril 2015

  • D'Où VENAIT LA FUITE DES INFORMATIONS ? ALLEZ AU BAUDET ET NON AU BÂT...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 28, le 21 avril 2015

  • Il paraît que l'on a juste peu de temps en gros, et autant faire vite, pour maudire au + vite l’impossible jugement frivole et branquignol d’1 certaine "vox populi" journaleuse malsaine et crétine. Et si l’on avait à disserter à chaud sur cette si pathétique "magistrature" journalistique malsaine de journaleux certains, on n’aurait pas reculé devant l'imprécation. En attendant, il nous est loisible d'esquisser une problématique qui affleure et, qu'on peut considérer comme extrêmement préoccupante. C’est la globale disqualification et sans appel par ces Malsains, des sages, humanistes, juristes qui auraient asséné ainsi until la nausée leurs Justes arguments d'autorité. Pour les journaleux Malsains, des gens de cette sorte et + particulièrement les juristes de cette obédience, ces capacités patentées ; toutes non compromises avec l’ex. Système funeste syro-libanais ante ; ont en effet massivement prôné la mise en place de ce beau Tribunal Spécial, le bien nommé. En réponse, leurs contempteurs éructant, ces Malsains donc, les ont accablé de tous les noms "d’abrutis, d’incultes et d’imbéciles" comparativement à eux "les intelligences" bääSSyriennes agrées ! Il est permis de ne pas trouver très exaltante cette sorte de lynchage de tous ceux qui, dans cette "affaire! Hariri", se réclament de la justice internationale ; i.e. qui professent qu'aux côtés de l'instinctif et donc de l’animal, l'usage des concepts de ce Tribunal et pour le Liban et Spécial n'est jamais négligeable.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    06 h 11, le 21 avril 2015

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