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À La Une - trois questions à...

"Salmane s'inscrit dans la continuité. En ce sens, la mort de Abdallah est presque un non événement"

... Nabil Mouline, chercheur au CNRS en France, et spécialiste de l'Arabie saoudite.

Le nouveau roi saoudien, Salmane, avec le président Barack Obama, lors d'une visite de ce dernier en Arabie saoudite, en mars 2014. AFP PHOTO / SAUL LOEB

Q- Quel bilan faites-vous du règne de Abdallah, décédé vendredi ?

Le roi Abdallah a tenté de gérer, tant bien que mal l'héritage très lourd qui lui avait été laissé dans tous les domaines. Il a réussi à régner environ 20 ans, d'abord en régent puis en roi, en essayant de naviguer entre toutes les contradictions locales et internationales.
En terme de gestion, son point fort est celle de la rente pétrolière. Il laisse 800 milliards de dollars sur le compte en banque de l'Arabie, de quoi lui permettre d'affronter la baisse actuelle des cours du pétrole.

Sur le plan interne, le roi, plutôt que de réelles réformes, a surtout fait du marketing et de la communication politique pour se présenter comme un réformateur. Tous les changements au niveau interne sont davantage dus aux évolutions démographiques et à la mondialisation. Ce sont des choses qui se sont imposées au pouvoir. Le pouvoir lui-même n'a pas montré de volonté de réformer. Le roi s'est adapté et a essayé de tirer profit, notamment en terme de légitimité internationale, des changements qui se sont imposés à lui.

Mais globalement, dans les domaines politique et religieux, rien n'a changé. Pire, depuis 2011, on note une montée en puissance du pôle conservateur en Arabie saoudite. Et depuis l'apparition de Daech (acronyme arabe du groupe État islamique, ndlr), on assiste encore à un durcissement du régime. Plus Daech monte en puissance, plus le régime va vouloir montrer qu'il est aussi orthodoxe que Daech. Le message étant : pas la peine d'aller voir la marque concurrente.

Au niveau régional, il y a trois points sur lesquels il y a consensus au sein du pouvoir saoudien : la fermeté face à l'Iran, le fait que les Frères musulmans représentent une menace, et la gestion de la rente pétrolière.
En dehors de ça, le roi doit composer avec la famille royale. Il ne contrôle pas la politique étrangère seul. En conséquence, la diplomatie saoudienne présente des dysfonctionnements énormes -- que l'on note sur les dossiers syrien, irakien, yéménite -- faite de plusieurs diplomaties parallèles dans le cadre desquelles chacune essaie de réinvestir ses propres gains pour acquérir plus de pouvoir en interne.

En Arabie, le roi n'est donc pas un monarque absolu, il doit composer avec les autres factions de la famille royale. L'équilibre du pouvoir est très fragile.

 

-A quoi faut-il s'attendre avec le nouveau roi Salmane ?

Salmane s'inscrit dans la continuité générationnelle et politique. En ce sens, la mort du roi Abdallah est presque un non événement.
Salmane est un vieux routier du pouvoir, il est impliqué dans la politique saoudienne depuis 1954. Il est assez conservateur et l'une de ses caractéristiques est une très bonne connaissance du pays, du tissu social local et de la famille royale. L'on pourrait dire de lui qu'il est un maître es politique intérieure saoudienne.
De toutes les manières, les contextes local et régional ne permettent pas de changements. En sus, il n'y a pas de volonté de réforme en interne, et pas de capacité de changement à l'international. Rien ne bougera dans le royaume tant que l'état de santé de Salmane restera stable. 

 

Quid de Moqren, le prince héritier ?

Moqren représente la ligne dure face à l'Iran. Sur le plan interne, la caractéristique de Moqren est sa faiblesse. Il ne peut compter sur des alliances au sein de la famille royale ou avec les élites saoudiennes. S'il devient roi, il sera un monarque de transition qui pourrait permettre aux autres, notamment les princes plus jeunes, de lutter tranquillement pour le pouvoir, sans avoir à se soucier de lui.
C'est d'ailleurs la faiblesse de Moqren qui lui a permis d'être accepté en tant que prince héritier.

 

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