Le dialogue cette semaine entre le Hezbollah et le Futur, dont l'objectif déclaré est la décrispation des rapports sunnites-chiites, n'est pas loin du dossier de la présidentielle.
On sait déjà que le timing n'est sûrement pas le bon pour débattre des points litigieux complexes, comme le retrait du parti chiite de Syrie, et encore moins son désarmement. On sait aussi que le Hezbollah s'oppose à l'examen de la présidentielle, alors que le Futur dit avoir l'intention de tenter au moins d'en débattre, en vue d'un déblocage. Le tout, dans une ambiance d'attente, teintée d'une angoisse inavouée chez les pôles chrétiens d'un consensus présidentiel à leur insu. Certes, aucune faction musulmane ne peut s'aventurer à conclure un accord sur la présidence sans passer par ses confrères chrétiens, mais les rumeurs vont bon train à propos d'une bénédiction tacite de référents (religieux, voire étatiques...) autorisés à s'exprimer au nom des intérêts chrétiens qui a été donnée aux partis musulmans pour faire avancer un dossier paralysé depuis des mois. Il y a longtemps que ces référents ne cachent plus leur mécontentement face à l'incapacité et à la mauvaise volonté des hommes politiques chrétiens à s'entendre souverainement sur un dossier censé être avant tout le leur. Et il semblerait qu'ils voient de moins en moins d'inconvénients à faire confiance aux musulmans du Liban, 14 et 8 Mars confondus. Du moins, sur ce seul point.
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Toutefois, le Futur se refuse catégoriquement à jouer ce rôle pour l'instant, affirme à L'Orient-Le Jour une source autorisée, tandis que le Hezbollah reste solidaire de son allié chrétien, le chef du Courant patriotique libre, le général Michel Aoun. « Nous ne traversons aucune crise de confiance avec nos alliés », affirme à L'OLJ un député du CPL. Mais entre une déclaration de principe et une autre, une configuration semble se créer en faveur d'une entente sur un candidat consensuel.
Le dialogue Hezbollah-Futur coïncide cette semaine avec la visite du directeur du département de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient au ministère français des Affaires étrangères, Jean-François Girault. Il entame aujourd'hui une tournée officielle à Beyrouth, avec un agenda pour le déblocage de la présidentielle, rapporte notre correspondant au palais Bustros, Khalil Fleyhane. Il précise que la tournée du diplomate français doit inclure un passage à Maarab, une étape volontairement boycottée par l'émissaire russe, Mikhaïl Bogdanov, qui s'est tout de même entretenu avec une vingtaine de responsables en fin de semaine dernière. Fort de ses contacts avec Téhéran, où il avait été ambassadeur, Jean-François Girault tente en parallèle une médiation auprès des autorités iraniennes, toujours pour un déblocage de la présidentielle libanaise. Il s'est déjà rendu à Téhéran à cette fin, où il avait pressenti une volonté des Iraniens d'accélérer l'élection. Ses entretiens avec les parties libanaises, y compris avec un représentant du secrétaire général du Hezbollah, doivent se fonder sur « la feuille de route convenue avec les responsables iraniens afin de parer à la nécessité de combler la vacance présidentielle », affirme un diplomate français cité par notre chroniqueur.
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La visite secrète d'Alain Aoun
Cette démarche rejoindrait celle de Mikhaïl Bogdanov : même si celui-ci n'a pas pris l'initiative d'une prise à bras-le-corps du dossier, il aurait proposé des moyens de surmonter l'impasse, à travers l'élection d'un président consensuel. Le chef du courant du Futur, Saad Hariri, avait d'ailleurs déjà donné le ton lors de sa dernière prestation télévisée, estimant que l'heure est désormais aux candidats consensuels. Et c'est dans une ultime tentative de permettre l'élection d'un « président fort » que le chef des Forces libanaises avait appelé le candidat du camp opposé, le général Michel Aoun, à se rendre à l'hémicycle pour la séance électorale. Ce dernier se montre très peu sensible aux efforts qui se déploient plus ou moins concrètement pour un consensus. L'entretien de Mikhaïl Bogdanov à Rabieh serait resté stérile.
Il ne serait pas exagéré de dire que la mission de Jean-François Girault pourrait se limiter à une tentative de convaincre le général Michel Aoun de se retirer de la course au profit d'un président consensuel. Cette tentative s'avérera-t-elle tout aussi vaine ?
Il faut savoir que la visite du diplomate français au Liban a été précédée d'une visite du député Alain Aoun, délégué au Quai d'Orsay par le chef du CPL, la semaine dernière, selon des informations obtenues par L'OLJ. Le député s'est entretenu notamment avec Jean-François Girault et Emmanuel Bohn, conseiller du président Hollande, afin de « transmettre le point de vue du CPL » qui refuse ne serait-ce que d'évoquer « un marché sur la présidentielle » qui pourrait inclure un retrait de leur candidat. Ils insistent sur l'échec préalable de toute initiative où s'incorpore un élément étranger à la volonté intérieure et se montrent en tout cas sceptiques quant à un élargissement des discussions Futur-Hezbollah à un dialogue national susceptible d'aboutir à un consensus général sur les dossiers pendants.
En contrepartie, des sources du Futur, sans rien attendre de très concret de la visite de M. Girault au Liban, estiment toutefois qu'il « y a des raisons de percevoir des lueurs d'espoir, qui pourront se concrétiser au début de l'année prochaine »...
La visite du diplomate français sera suivie de la visite mercredi à Paris du Premier ministre, Tammam Salam.
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commentaires (16)
Vous connaissez des voleurs qui se font confiance ?? Ils ne se mettent d'accord que si le butin est bien partagé... Le Bon et Normal Libanais existent heureusemnt...mais il n'a pas de leader pour le representer...
CBG
12 h 55, le 10 décembre 2014