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Liban - L’éclairage

Le Liban victime d’une grosse exploitation sécuritaire à des fins politiques

L'intifada sunnite contre le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki et la marginalisation de la communauté chiite au pouvoir, ainsi que l'émergence de Daech (État islamique – EI), derrière laquelle se sont dissimulées toutes les forces vives sunnites – les clans, les anciens baassistes irakiens et les ex-responsables sécuritaires du régime déchu de Saddam Hussein – ont poussé les différentes parties locales et externes à revoir leurs comptes et leurs positions. Cette nouvelle donne a bousculé toutes les équations régionales. Les priorités s'en sont retrouvées ainsi changées chez les responsables arabes et occidentaux. Et cette nouvelle configuration n'est pas sans avoir des répercussions au Liban.

Selon des observateurs arabes, l'Arabie saoudite, avant cette potentielle ouverture sur l'Iran dont il est question depuis plusieurs mois, a d'ores et déjà fixé ses conditions pour des négociations avec Téhéran. L'Iran est invité à faire preuve de bonnes intentions pour rapprocher la date des rencontres, et à prendre position sur ses outils dans la région, notamment le Hezbollah au Liban, d'une manière qui répercuterait cette volonté d'ouverture et de coopération. D'autant que Téhéran, à travers le Hezbollah au Liban, le régime Assad en Syrie et le gouvernement Maliki en Irak, s'est comporté dans un premier temps comme si son projet avait triomphé dans la région face à un présumé projet arabo-occidental conduit par les États-Unis. C'est sur base de cette conviction que l'Iran a posé ses conditions préalables à l'Arabie pour une éventuelle ouverture, tout en maintenant ses revendications concernant le nucléaire et en réclamant une reconnaissance occidentale d'Assad et un retour de Maliki au pouvoir. Mais l'intifada sunnite en Irak – officiellement attribuée à la nébuleuse Daech – a quelque peu chamboulé les calculs iraniens.

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Au Liban, le Hezbollah a pris l'initiative, selon des sources politiques nordistes du 8 Mars, d'empêcher la présidentielle en installant confortablement le pays dans la vacance, sur base d'une idée toute simple : une telle situation lui permet de poser, plus tard, ses conditions pour que l'échéance puisse se tenir. À commencer par la condition qui le taraude le plus : sa propre légitimation. Le Hezbollah, du fait de son hyperpuissance locale, contrôle actuellement l'État dans toutes ses ramifications. Mais il sait aussi que cette situation n'est que temporaire, et qu'elle n'est ni légitime ni légale. D'où la nécessité pour le parti chiite de profiter de la vacance présidentielle et du forcing étranger de certaines parties locales à vouloir réaliser l'échéance pour pousser à une Constituante qui remettrait en cause la formule paritaire islamo-chrétienne de Taëf et la remplacer par la répartition par tiers (sunnite/chiite/chrétien), afin de consolider sa position au sein du pouvoir légal. C'est dans ce cadre que le parti chiite se cache derrière les positions du général Michel Aoun et encourage ce dernier à monter au créneau pour faire des propositions constitutionnelles, qui l'aideront, au final, à atteindre l'objectif de la Constituante.

Le 14 Mars, lui, affirme qu'il n'aura cesse d'être le rempart face au projet iranien et aux propositions du Hezbollah, notamment concernant la Constitution, ou toute atteinte à la formule de Taëf, comme le propose l'initiative Aoun. Pour le 14 Mars, les derniers développements en Irak, notamment ce sentiment de sunni revival, ont porté un coup dur à l'Iran et à son projet régional, ce qui n'a pas été sans se répercuter sur le Hezbollah. Les réactions des milieux du courant du Futur à l'initiative du chef du Courant patriotique libre reflètent un peu ce regain de confiance dans la rue sunnite. Et certaines tentatives d'amoindrir l'importance de ce phénomène en créant, au plan interne, des diversions d'ordre sécuritaire ne changeront rien à cette nouvelle donne.

(Lire aussi : Le Liban vit au rythme des menaces jihadistes)

Des sources judiciaires soulignent, à titre d'exemple, que toute l'affaire montée autour de ladite « Brigade des sunnites libres », ou encore l'amplification des informations autour d'éventuels terroristes de Daech qui se seraient infiltrés au Liban avec des voitures piégées prêtes à exploser, ainsi que les histoires relatives à des « complots terroristes » qui viseraient le pays du Cèdre... tout cela n'est qu'une vaste fumisterie résultant d'efforts menés par des partis politiques qui sentent qu'ils ont perdu de leur superbe après l'effondrement de leur projet régional. Il s'avère en effet, selon ces sources, que l'origine des informations sécuritaires qui ont récemment filtré a été débusquée et identifiée, et que tout l'objectif de cette mise en scène digne d'un roman d'espionnage était, au final, politique. Une source sécuritaire affirme, elle, qu'il faut prendre très au sérieux les informations obtenues au lendemain des derniers événements, dans la mesure où elles permettront de savoir quelle est la volonté qui se cache derrière le grabuge sécuritaire et qui est en train d'œuvrer, sur le terrain, pour que le dossier de la sécurité attire tous les regards de manière à se transformer en un véritable épouvantail.

C'est dans ce cadre, d'ailleurs, que le Hezbollah effectue des déploiements militaires à la frontière, sous le prétexte de défendre le Liban et sa frontière. Ce à quoi le 14 Mars rétorque que c'est à l'État, à travers l'armée, de remplir cette mission, au lieu de milices qui ne feront, en fin de compte, qu'envenimer la situation. De plus, cela risque de donner des idées à d'autres forces d'envoyer des fantassins à la frontière nord, par exemple, au nom du même impératif, ce qui signifie rien moins que l'implosion de l'État en mini-États.

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Le 8 Mars tente donc d'exploiter le dossier sécuritaire – et économique aussi ! – à des fins politiques, dans une tentative de pression sur l'appareil politique pour le faire plier à ses exigences. Il n'empêche qu'il existe une ombrelle internationale pour protéger le Liban, et qu'une coordination s'est mise en place entre des responsables sécuritaires occidentaux et libanais pour recouper des informations et préserver ainsi la sécurité et la stabilité du pays.
Pour le 14 Mars, il est clair que le 8 Mars tente de semer la peur et la confusion actuellement, en jouant sur tous les dossiers sensibles, ce qui est révélateur d'un sentiment de faiblesse, en raison d'un gros passage à vide au plan régional. Dans les faits, c'est pour cela que Téhéran, autrefois fier et bravache, adresse des signaux à Riyad en faveur d'un dialogue sur une solution en Syrie et en Irak.
Cependant, pour que ce dialogue prenne forme, l'Iran doit comprendre qu'il doit renoncer à son rêve d'empire et qu'il est désormais confronté à un dragon sunnite réveillé, à partir de l'Irak, par la nébuleuse Daech, disposé à aller jusqu'au bout pour mettre fin à l'hégémonie perse dans la région.


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commentaires (3)

Le Hezbollah ne pourra que se soumettre au "Liban d'abord" comme d'autre l'ont fait avant lui! Il lui faudra assumer ses crimes, faire son Mea-culpa et accepter de respecter la constitution car jamais il ne pourra changer Taef dans la mauvaise direction. Les seuls amendements a faire seront de fixer les délais pour les élections, de donner plus de pouvoir au Président et de mettre a jour les petites imprécisions du document. Pour le reste qu'il ne se fasse pas trop d'illusion, le Liban restera dans le giron de la légalité internationale, ne suivra ni Fakih ni Calife et retrouvera son aura d'antan avec ou sans lui. A bon entendeur salut!!!

Pierre Hadjigeorgiou

12 h 16, le 09 juillet 2014

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Commentaires (3)

  • Le Hezbollah ne pourra que se soumettre au "Liban d'abord" comme d'autre l'ont fait avant lui! Il lui faudra assumer ses crimes, faire son Mea-culpa et accepter de respecter la constitution car jamais il ne pourra changer Taef dans la mauvaise direction. Les seuls amendements a faire seront de fixer les délais pour les élections, de donner plus de pouvoir au Président et de mettre a jour les petites imprécisions du document. Pour le reste qu'il ne se fasse pas trop d'illusion, le Liban restera dans le giron de la légalité internationale, ne suivra ni Fakih ni Calife et retrouvera son aura d'antan avec ou sans lui. A bon entendeur salut!!!

    Pierre Hadjigeorgiou

    12 h 16, le 09 juillet 2014

  • Clair, Net et Précis ! Merci Monsieur Philippe.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 12, le 09 juillet 2014

  • LA RÉGION TOUTE ENTIÈRE VICTIME DU FLÉAU DE L'ABRUTISSEMENT QUI FRAPPE SANS MERCI !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 01, le 09 juillet 2014

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