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Liban - Entretien

N. Machnouk : Si les Syriens atteignent les deux millions au Liban, je démissionne !

Le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk.

Les médias ont beau couvrir en long et en large le déroulement de l'élection présidentielle en Syrie, ce qui intéresse surtout les Libanais c'est la participation des Syriens résidant au Liban à cette élection. Surtout après la décision du ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, de retirer le statut de réfugié à tout Syrien qui va voter en Syrie.

Interrogé par L'Orient-Le Jour, le ministre Machnouk a vivement démenti tout caractère raciste ou vengeur dans sa décision, refusant aussi les accusations qui lui ont été portées de vouloir chasser du Liban les Syriens favorables au régime pour ne garder que ceux qui y sont opposés. M. Machnouk précise à cet égard que sa décision a une portée stratégique et elle s'inscrit dans la volonté de protéger le Liban des retombées de la crise syrienne. Il rappelle ainsi qu'en tant que ministre de l'Intérieur, il est responsable de la sécurité de tous les Libanais et de tous ceux qui résident sur le sol libanais. Ne pouvant pas arrêter le conflit en Syrie, il se doit donc d'éviter qu'il n'ait des conséquences négatives sur le Liban.

Pour cela, il était impératif, selon lui, d'empêcher des heurts entre les Syriens prorégime et ceux pro-opposition au Liban. Il a donc jugé bon, dans ce contexte, de réclamer le retrait du statut de réfugié à tous les Syriens au Liban en mesure de se rendre en Syrie pour participer à l'élection présidentielle. L'idée est d'éviter d'éventuelles provocations réciproques entre les partisans du régime syrien et leurs adversaires qui pourraient dégénérer en incidents sécuritaires.

 

(Lire aussi: « Je vote pour Bachar car ce régime est capable de tout, même de nous empêcher de revoir notre patrie »)


M. Machnouk estime ainsi qu'il a agi par souci de ses responsabilités nationales, précisant qu'on ne peut pas lui demander de ne pas avoir peur de la présence sur le sol libanais d'un million et demi de Syriens, ce qui équivaut à 38 % de la population libanaise. Il qualifie donc sa décision de sécuritaire d'abord et de politique ensuite, insistant sur le fait que le statut de réfugié ne peut pas être accordé à celui qui peut entrer et sortir dans son pays d'origine et se rendre même chez ses proches pour participer à l'opération électorale. Il précise aussi que plusieurs ministres ont été mis au courant de sa décision avant qu'elle ne soit prise et ils n'ont pas émis d'objection.

À la question de savoir pourquoi le ministre de la Justice, le général Achraf Rifi, s'exprime de temps à autre comme s'il était à l'Intérieur, M. Machnouk répond, dans un rire, que « c'est une déformation professionnelle, puisqu'il a passé 40 ans dans les FSI ». Mais il s'empresse d'ajouter que le général Rifi est « un ami très cher » et qualifie leurs relations d'excellentes... Il ne dit pourtant pas que les ministres du Hezbollah ont été avertis à l'avance, se contentant de préciser qu'ils n'ont pas émis de protestations par la suite.

 

(Lire aussi: « À Damas comme à Beyrouth, le criminel est le même ! »)


Le ministre de l'Intérieur rappelle d'ailleurs que son ministère a aussi facilité l'opération de vote des Syriens présents au Liban à l'ambassade de Syrie, la semaine dernière, ajoutant que sans l'aide de son ministère, cette opération ne se serait pas déroulée avec un tel succès. Mais à la question de savoir s'il attend que l'ambassadeur de Syrie lui rende visite pour le remercier de ces efforts, M. Machnouk répond qu'il n'y a aucune raison qu'il le fasse, ajoutant qu'il a donné ses instructions pour organiser au mieux cette opération par souci de la sécurité du Liban. A-t-il agi ainsi parce que le Traité de fraternité et de coopération entre le Liban et la Syrie est toujours en vigueur ? M. Machnouk élude la question, se contentant de dire que ce traité appartient à une autre époque et avait d'autres objectifs, son objectif à lui étant uniquement d'assurer la stabilité au Liban.

Le ministre de l'Intérieur est choqué par le nombre grandissant de Syriens au Liban. Il rejette à cet égard la thèse selon laquelle ce serait le 14 Mars – et le courant du Futur en particulier – qui aurait au départ favorisé leur entrée au Liban pour les enrôler contre le Hezbollah et en pensant qu'il s'agit d'une affaire de quelques mois puisque le régime devrait s'effondrer au plus vite. Selon lui, ces réfugiés sont venus au Liban parce qu'il était impossible de contrôler les frontières et par souci humanitaire d'autant qu'il y a des liens étroits entre les peuples libanais et syrien.

 

(Pour mémoire: Un plan de limitation de l'entrée des réfugiés, au lendemain de « la honteuse mise en scène électorale »)

 

« Celui qui a poussé les Syriens à se réfugier au Liban, c'est le régime syrien à cause de ses exactions, non le courant du Futur », affirme Machnouk , qui ajoute : « Mais là, trop c'est trop. Le Liban paie chaque mois 35 millions de dollars pour l'électricité qu'il achète à la Syrie. » « Certes, dit-il, les Syriens sont nos proches, mais s'ils continuent d'affluer ainsi au Liban, il n'y aura bientôt plus de pain à partager. S'ils atteignent le chiffre de deux millions au Liban, je démissionne de mon poste car c'est inacceptable pour un pays d'avoir sur son territoire un nombre d'étrangers équivalant à la moitié de sa population. » D'autant que les aides internationales sont insuffisantes et que les Syriens coûtent cher au Liban, non seulement en électricité, mais au niveau de tous les produits de première nécessité, de l'eau, de l'éducation et même sur le plan de la sécurité.

 

(Lire aussi: Avec une réélection attendue d'Assad, l'espoir des réfugiés s'amenuise)


M. Machnouk reste convaincu que le conflit en Syrie risque de durer longtemps encore. Et même s'il reconnaît que le régime d'Assad est en train de marquer actuellement des points, il ne le voit pas gouverner le pays sur le long terme. Il estime aussi que la position de l'Arabie saoudite n'a pas changé sur le dossier syrien. Ni celle d'ailleurs d'autres pays régionaux et internationaux. C'est pourquoi la situation n'est pas sur le point d'être réglée. Et cela ne peut qu'avoir des conséquences sur l'élection présidentielle au Liban. Ce qui est sûr, selon lui, c'est qu'il y a une décision locale, régionale et internationale de préserver la stabilité au Liban, mais l'élection présidentielle, qui est, selon lui, très importante, devra attendre que se précisent les situations en Irak, en Syrie et en Égypte. Il précise toutefois, par souci de donner un caractère libanais à cette élection, qu'il est impossible d'élire un président sans l'accord du général Aoun... Une phrase sibylline que chacun peut interpréter à sa convenance.

 

Lire la première partie de l'entretien
N. Machnouk : La présidentielle est une question régionale et internationale...

 

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Les médias ont beau couvrir en long et en large le déroulement de l'élection présidentielle en Syrie, ce qui intéresse surtout les Libanais c'est la participation des Syriens résidant au Liban à cette élection. Surtout après la décision du ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, de retirer le statut de réfugié à tout Syrien qui va voter en Syrie.
Interrogé par L'Orient-Le Jour,...

commentaires (7)

S'il avait dit "...je me pends", ça aurait eu tout son sens, non?. Mais bon s'il le fait, on respectera son choix! Ahhh, le respect c'est tout dans la vie! Maintenant espéront que le Syriens rentrent rapidement chez eux pour reconstruire leur pays car contrairement aux obscurantistes, ils ont un président légitime élu directement par le peuple.. La 8oubar 3alaih..

Ali Farhat

16 h 57, le 04 juin 2014

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Commentaires (7)

  • S'il avait dit "...je me pends", ça aurait eu tout son sens, non?. Mais bon s'il le fait, on respectera son choix! Ahhh, le respect c'est tout dans la vie! Maintenant espéront que le Syriens rentrent rapidement chez eux pour reconstruire leur pays car contrairement aux obscurantistes, ils ont un président légitime élu directement par le peuple.. La 8oubar 3alaih..

    Ali Farhat

    16 h 57, le 04 juin 2014

  • ATTENTION QUE çA NE FUSIONNE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 08, le 04 juin 2014

  • Oui mais c'est trop tard. Dans ce cas il ne fallait pas du tout accepter ce portefeuille. C'est vraiment le propre des politiciens (!) libanais : faire des déclarations chocs, mais toujours trop tard.

    Robert Malek

    11 h 14, le 04 juin 2014

  • Vous meme Scarlett , on s'en souvient, aviez tire la sonnette d'alarme dans un de vos articles , il y a plus d'une annee , et les reactions etaient de vous demander de preciser vos sources ! Nous voila au Coeur du probleme de cette tourmente dont on ne sait pas ou ca va nous mener . Il faut replacer les choses dans leur contexte historique, il y a 3 ans et demi de cela , les forces du complot etaient tellement sures d'une victoire rapide et definitive qu'ils avaient demande aux syiens de fuir les villes et de venir se refugier dans les pays voisins , la turquie pays central du complot et la Jordanie peuvent plus ou moins faire face a ce flot , mais le Liban est tres fragile et joue gros dans cette avanture , parler de 2 millions comme chiffre butoir pour demissionner est deja trop tard , la demission de machnouk sera vecue comme un abandon de poste . Je vois dans sa phrase sybilline un appel de pied , celui du refus de laisser les choses pourrir encore plus longtemps , grace a l'intervention du phare Aoun qui nous sortira des tenebres dans lesquelles les comploteurs ont plonge le pays et la region .

    FRIK-A-FRAK

    10 h 21, le 04 juin 2014

  • Oh que si que c'est le Courant du Futur qui a voulu a tout prix recevoir les refugies syriens chez nous! Plusieurs politiques libanais s'etaient opposes au nombre sans cesse grandissant de ces refugies, mais le 14 mars voulait a tout prix les recevoir pour des raisons "humanitaires". Et voila ou nous en sommes sur le plan economique et surtout securitaire.... D'ailleurs le ministre Bassil ne fait que tirer la sonnette d'alarme mais personne ne l'ecoute...C'est grave, tres grave sur le long terme.

    Michele Aoun

    09 h 06, le 04 juin 2014

  • Le ministre de l'Intérieur pense qu'"il est impossible d'élire un président sans l'accord du général Aoun". Quelle bonne nouvelle recèle sa "phrase sibylline" ! Cela veut dire que le Liban aura un président au siècle prochain. Quel est l'homme de bon sens qui ne sait pas que pour le général Aoun ou un tel président c'est le général Aoun ou "3omrou ma ykoun ay président" ?

    Halim Abou Chacra

    05 h 30, le 04 juin 2014

  • "Ne dis pas tes peines à l'ennemi ; l'épervier et le vautour s'abattent sur le blessé qui gémit." !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    01 h 43, le 04 juin 2014

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