Rechercher
Rechercher

Jeux de boules

Ne les plaignez pas trop, ces députés qui ont interrompu un long farniente pour se mettre soudain à légiférer à tour de bras, sinon à tort et à travers. On les a vus, ces derniers jours, plancher lamentablement sur l'explosif dossier de la grille des salaires. Et on les voyait, hier, déclarer piteusement forfait, à la grande furie des syndicats agitant la menace d'une intifada.

Ne les plaignez pas, ces députés, car pour la plupart, ils l'ont bien cherché. Se livrant à une surenchère effrénée, ceux-là ont courtisé les grévistes, multiplié les bains de foule, promis au tout venant monts et merveilles : démagogie payante en politique politicienne, puisque l'on a vu des manifestants arborer des portraits géants de l'habile régisseur, le président de l'Assemblée Nabih Berry, passé maître dans l'art de régler le fruste ballet. Restait, pour ces hâbleurs, le plus ardu cependant : trouver, au terme du sursis qu'ils se sont accordé, les ressources qui permettraient de garnir la caisse sans pour autant provoquer une catastrophe économico-financière.

Mais ne comptez pas trop sur eux pour imaginer la solution miracle, elle n'existe pas. Et même s'il y en avait une, elle n'aurait fait que différer le problème, que le léguer aux générations futures. Car il est vain de chercher à remplir un tonneau percé, ce sont les trous qu'il convient, en premier lieu, de colmater. Il n'est pas question seulement ici des innombrables prévarications dont se rend notoirement coupable une bonne partie du personnel politique et du pillage éhonté dont sont l'objet les recettes douanières. Rien n'étant plus contagieux que la vénalité, surtout quand l'exemple vient d'en haut, c'est l'administration libanaise qui est aussi scandaleusement pléthorique que passablement pourrie. Pléthorique car le clientélisme pratiqué à grande échelle porte les chefs politiques à truffer de partisans ministères et offices publics. Et pourrie car nombre de ces parasites se pointent une fois le mois à leur lieu de travail pour percevoir leur traitement, condamnant à la gêne – ou acculant alors à la quête du bakchiche – leurs collègues fonctionnaires. Dès lors, ces revendications salariales que l'on rivalise hypocritement d'ardeur pour qualifier de justes ne sont guère justes pour tous.

Depuis des décennies perdure ce triste état des choses. Gouvernement après gouvernement, on recourt à de ruineux expédients sans jamais se résoudre à extirper le mal par la racine. Le projet de réforme administrative n'a jamais dépassé le stade du papier. Plus regrettable encore est l'évanescence, après de prometteurs débuts, de ce Conseil économique et social institué par l'accord de Taëf et qui était censé offrir un espace de dialogue et de conciliation naturel, logique, rationnel, idéal aux diverses forces vives du pays. C'est un Parlement brouillon, à l'humeur fantasque, porté sur l'improvisation qui a pris le relais.

Il y a pire encore que cet effet boule de neige contre lequel mettent vainement en garde les sommités de ce pays et où l'on verrait les divers repères économiques et financiers s'effondrer l'un après l'autre, tels des dominos, du fait de la surcharge financière envisagée. Ce sont d'énormes boules d'immondices que réserve à nos fils le commerce de la politique, tel qu'on le pratique ici.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Ne les plaignez pas trop, ces députés qui ont interrompu un long farniente pour se mettre soudain à légiférer à tour de bras, sinon à tort et à travers. On les a vus, ces derniers jours, plancher lamentablement sur l'explosif dossier de la grille des salaires. Et on les voyait, hier, déclarer piteusement forfait, à la grande furie des syndicats agitant la menace d'une intifada.Ne les...